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#Investigation : Quels moyens utiliser et quels contrats signer pour se chauffer ?

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Depuis plusieurs mois la même question se répète de manière lancinante : quel moyen est le plus adapté pour chauffer ma maison et comment me procurer l’énergie le meilleur marché possible ? Si à une époque le mazout, le gaz ou la pompe à chaleur ont pu successivement passer pour une bonne solution pour se chauffer, aujourd’hui plus rien n’est évident. Difficile de trancher entre les différents types de chaudières, difficile de s’y retrouver dans les différents contrats de fournisseurs d’énergie. Mais il reste, malgré tout, quelques règles pour tenter d’identifier la bonne solution en fonction de son logement.

Pour se plonger dans pareil sujet, rien ne vaut une rencontre avec un professionnel. Dirk Peytier est chauffagiste depuis longtemps. Chaque année, il installe plusieurs dizaines de chaudières, dans des maisons, des appartements ou des entreprises. "L’année passée, on en était à 126 chaudières pour être exact. J’ai un petit côté autiste. J’aime l’exactitude des chiffres" précise-t-il.

Dirk Peytier installe tous type de chauffage : au gaz, au mazout ou pompe à chaleur. Ces dernières années, le mazout était en perte de vitesse. La Flandre a interdit l’installation de ce type de chaudière dans les nouvelles constructions et les autres régions pourraient suivre. Mais depuis la guerre en Ukraine, c’est le gaz qui suscite de plus en plus de doutes, alors qu’il était plutôt vu comme une valeur sûre ces dernières années.

"Pour la première fois, on a eu un client à Bruxelles qui a annulé sa demande de remplacement d’une chaudière à mazout par une chaudière au gaz. C’était dans un petit immeuble. Il nous a dit que vu l’envolée des prix du gaz, il préférait remettre une chaudière à mazout… Il voulait faire un choix qui lui permette de maîtriser ses coups énergétiques. De suivre la baisse de niveau dans sa cuve et de choisir le moment où il la remplirait. J’ai essayé de l’en dissuader, parce qu’énergétiquement parlant, ce n’est pas l’idéal mais il n’a rien voulu entendre. Les gens ne supportent plus l’incertitude liée à ces augmentations incontrôlées des prix du gaz."

Dirk Peytier le concède, il n’y a plus une seule solution pour se chauffer qui s’impose à tous et tout le temps. Le choix est devenu compliqué. "On parle énormément de la pompe à chaleur pour le moment. Mais ce n’est pas valable pour tout le monde. Pour des nouvelles constructions, c’est tout à fait rentable. Une maison quasi passive avec un chauffage au sol, c’est parfait. Il permettra de diffuser de la chaleur en hiver et du froid en été. C’est un niveau de confort optimal. Mais si vous prenez maintenant une maison ancienne de style fermette, construite avec de gros murs et des radiateurs anciens, c’est beaucoup plus compliqué. L’eau envoyée par une pompe à chaleur dans les radiateurs, tourne autour des 40 à 45 degrés au lieu d’une eau chauffée à 60 degrés avec une chaudière traditionnelle. Autrement dit, vos radiateurs chaufferont moins fort avec votre pompe à chaleur, votre maison sera plus difficile à réchauffer. Si l’on compare avec la puissance d’un moteur de voiture, c’est un peu comme si vous essayiez de tirer une grande remorque avec une smart."

"Il y a un interêt croissant pour les pompes à chaleur, mais ça ne convient pas à toutes les habitations"

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"On peut évidemment installer plusieurs pompes à chaleur. Mais à ce moment-là, on atteint des budgets fous. Une chaudière classique avec un ballon pour l’eau chaude sanitaire coûte entre 4000 et 12.000 euros. Une pompe à chaleur, c’est minimum 15.000 euros. Ce n’est donc ni accessible, ni rentable pour tout le monde. Une des solutions est un système hybride : moitié chaudière traditionnelle, moitié pompe à chaleur. Combiné avec des panneaux solaires. Mais attention il ne faut jamais oublier qu’une pompe à chaleur lorsqu’elle n’est pas en mesure de puiser de la chaleur dans l’environnement extérieur, elle utilise de l’électricité. Et comme le prix du gaz a fait exploser celui de l’électricité, ce n’est plus aussi rentable."

De nouveaux moyens de chauffage

Dirk Peytier n’écarte pas l’idée de voir le gaz être utilisé de longues années dans certaines circonstances. "Cette énergie a encore de nombreuses années devant elle. Les nouvelles chaudières à gaz produisent entre 25 et 35% de CO2 en moins. Et pour certains habitats, il n’y a pas d’autres solutions pour le moment.

Pour notre plombier, d’autres manières de se chauffer doivent se développer, loin de la façon traditionnelle qui, pour le moment, est souvent basée sur un système individuel. "Prenons les grands magasins et autres. Ils utilisent souvent des groupes de froid pour leurs lignes de frigos ou de congélateurs. Ils évacuent donc de la chaleur. Du côté des industries, les cimenteries ou les verreries produisent énormément de chaleur. Dans une vision à long terme, on pourrait récupérer cette chaleur et la réinjecter pour chauffer les maisons et appartements voisins. Une sorte de chauffage urbain, comme il en existe déjà à Copenhague. Les Danois utilisent ces différents apports d’énergie pour chauffer des pâtés de maisons entiers. Evidemment installer les tuyaux et tout cela coûte très cher. Il faut ouvrir les rues et les trottoirs. Mais à long terme, cela peut constituer une solution."

Quand il s’emballe, la panique s’installe…
Quand il s’emballe, la panique s’installe… © RTBF

A quel prix acheter son énergie ?

Une fois que l’on a fait le choix de la manière de se chauffer, un autre problème se pose. Comment se procurer l’énergie nécessaire à son fonctionnement à un prix correct. Pour le mazout, les livreurs sont nombreux et l’on peut attendre le jour où le marché du pétrole est un peu plus bas pour acheter. On dispose d’une certaine souplesse et le système de vente et d’achat n’est pas compliqué à comprendre. En revanche, si vous optez pour le gaz ou l’électricité, c’est beaucoup plus difficile. Vous devrez signer un contrat avec un fournisseur qui vous proposera un prix au Kilowattheure pour vous chauffer.

Seul problème : depuis la guerre en Ukraine, les fournisseurs proposent quasi uniquement des contrats à prix variables. Autrement dit vous payerez plus ou moins cher en fonction de l’évolution des prix du marché. Mais là où le bât blesse, c’est que ces formules de variation de prix de l’énergie sont basées sur des formules mathématiques compliquées qui échappent aux particuliers. Il faut quasiment être un scientifique pour les comprendre…

"Les conséquences pour les consommateurs sont catastrophiques, nous explique Julie Frère, porte-parole du magazine Test Achats. Nous analysons les différents types de contrats proposés aux clients dans chaque région du pays. Et on voit clairement, que ceux qui parviennent à identifier le contrat qui leur coûtera le moins cher sont très rares. En Wallonie, les 5 contrats de livraison de gaz que nous estimons les plus intéressants du marché, ont été signés par 2% des consommateurs seulement. Tous les autres payent trop cher. Cela montre bien qu’en période de prix extrêmement élevés, où les gens recherchent les formules les moins chères, ils ne parviennent pas à identifier le contrat le plus intéressant pour eux."

"Lorsque l’on a libéralisé le marché début 2000, on espérait une diminution des prix du gaz et de l’électricité. Mais ce que l’on voit c’est une prolifération des offres de contrats, qui n’a pas de réel intérêt pour le consommateur, qui cherche juste à se chauffer et s’éclairer à un tarif abordable et qui n’a pas toutes les compétences pour identifier le bon contrat dans cette offre pléthorique", termine-t-elle.

"C'est très compliqué de comparer les contrats variables entre eux"

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La réponse des fournisseurs

Nous avons évoqué ce problème lors de notre rencontre avec le porte-parole de la FEBEG, la Fédération belge des entreprises électriques et gazières. Stéphane Bocqué tient à tempérer cette crise des contrats incompréhensibles pour le consommateur. "Nous sommes très conscients des difficultés que nos clients rencontrent. Nous sommes en première ligne pour les constater. Nous recevons énormément d’appels et je dois souligner que les fournisseurs font un maximum de choses pour aider les clients dans ces circonstances difficiles. Nous accordons, par exemple, des centaines de plans d’étalements de paiements à des clients qui rencontrent des difficultés réelles pour payer leurs factures. Et puis nous offrons également toute une série de services et produits pour aider les clients à diminuer leur consommation. Nous dispensons également énormément de conseils à court terme pour faire des économies d’énergie. N’oublions pas que l’énergie la moins chère reste celle que l’on ne consomme pas."

"Les fournisseurs d'énergie font un maximum pour aider les clients"

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Du côté de Test Achats, on estime qu’un plan d’étalement c’est bien mais que ce n’est pas normal de l’utiliser pour payer une énergie qu’on aurait pu payer moins cher, si l’on avait trouvé un contrat adapté.

"En se basant sur les prix du mois de septembre, on en était, chez certains fournisseurs, à près de 9000 euros de gaz par an pour une famille de 4 personnes. Ça devient impayable pour toute une série de personnes. En particulier celles qui n’ont ni le temps, ni les capacités de comparer constamment les prix sur les marchés du gaz et de l’électricité pour repérer la formule la moins chère pour leur ménage. Nous pensons qu’il faut imposer aux fournisseurs d’accorder des contrats fixes aux consommateurs. Ça offre une sécurité, une stabilité. On voit globalement ce que l’on va payer en un an et l’on peut organiser son budget familial. Il n’est pas acceptable de voir un fournisseur comme Engie, qui réalise des surprofits de 2 milliards grâce à ses centrales nucléaires, ne plus proposer de contrat fixe à ses clients. Il fait peser le risque des futures augmentations uniquement sur les épaules des ménages et ce n’est pas juste."

"Nous estimons que le gouvernement et le régulateur des marchés de l’énergie ont un rôle à jouer pour imposer un contrat fixe à un tarif régulé. Et attention, l’objectif n’est pas de proposer un contrat fixe impayable, simplement pour répondre à l’exigence de proposer un contrat fixe. C’est une mesure forte qui peut être prise rapidement" conclu Julie Frère.

En attendant, pour le moment, aucune mesure de ce type n’est à l’ordre du jour… Les consommateurs continueront donc à se débrouiller comme ils le peuvent face au choix du chauffage adéquat pour leur maison et à leurs factures de gaz et d’électricité si compliquées. La sortie de crise n’est pas pour tout de suite…

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