Ce mercredi soir, #Investigation s’intéresse à une pratique de plus en plus fréquente : le revenge porn. Le revenge porn, c’est une forme de cyberviolence qui vise à humilier une personne en rendant publiques des images au contenu intime ou sexuellement explicite sans son consentement. Une mise à nu des corps non consentie qui fait des dégâts psychologiques chez les victimes. Si 90% des cibles sont des femmes, souvent mineures, le phénomène peut aussi toucher les hommes.
Pris au piège
Ce phénomène, rendu possible grâce à la connectivité grandissante de la société, s’est infiltré dans toutes ses couches, jusque dans les cours d’école. Zara, maman de la jeune Maëlle, a perdu sa fille il y a 2 ans. Harcelée et épuisée, Maëlle a décidé d’arrêter son combat alors qu’elle n’avait que 14 ans. Une vidéo prise dans un moment d’intimité avait été diffusée par son ex-copain. Non consenti, le partage de ces images a eu un effet dévastateur pour la jeune fille.
T’as pas le choix. Tu ne peux pas partir, tu vas voir je vais diffuser tout ça.
Prises au piège, des victimes comme Sophie, 40 ans, sentent parfois l’étau se resserrer sur elles. Elle témoigne de son calvaire : “Un jour, on était en train de faire l’amour et je me suis rendu compte qu’il avait son téléphone en main. J’ai compris qu’il avait filmé. Je lui ai dit que ça ne me plaisait pas du tout, que je ne voulais pas qu’il recommence. Dans sa manipulation, il a réussi à me faire croire que c’était beau, que c’était fort et que j’étais magnifique. Quand je lui ai annoncé que je voulais qu’on se sépare il m’a dit : 'Mais t’as pas le choix. Tu ne peux pas partir. Tu vas voir, je vais diffuser tout ça. Tu vas voir ce qu’ils vont penser de toi.' Je me dis, c’est une catastrophe. S’il fait ça, j’en crèverai. Il a commencé par envoyer une photo à quelques personnes autour de moi.”
Après l’intimidation directe, l’entourage de Sophie a en effet commencé à recevoir des liens menant à de faux profils Facebook. Des vidéos intimes publiées sur ces profils ont ainsi été diffusées à ses collègues, ses amis, sa famille…
Un délit grave encore trop peu puni
Les cyberharceleurs ont un esprit créatif quand il s’agit de nuire à leurs proies. Publications sur les réseaux sociaux ou sur des sites pornographiques, propos diffamatoires et diffusion d’informations personnelles, fausses inscriptions et petites annonces sous des pseudos d’escorte… Les cas se comptent par milliers et rivalisent d’originalité. La manipulation prend alors diverses formes. Que les photos aient été prises consciemment ou non, une diffusion non consentie constitue un délit en Belgique, qui peut mener jusqu’à 5 ans de prison. Car un simple partage peut causer d’importants traumatismes psychologiques pour les victimes. Dans le cas de Maëlle, les complices qui ont partagé la vidéo ont eux aussi été entendus par la justice. Une complicité qui peut donc coûter très cher.
Bien souvent, les procédures judiciaires prennent des mois. Dans certains cas, les poursuites sont abandonnées, classées sans suite ou noyées dans le système. Depuis quelques années pourtant, une volonté de former des services spécialisés dans le domaine des agressions sexuelles numériques émerge en France et en Belgique. Des départements de police qui seraient plus aptes à recevoir les victimes et à mieux les prendre en charge. Pour l’instant, le projet n’est pas encore tout à fait d’actualité.
Ceux qui se battent aux côtés des victimes
Dans les membres actifs de la lutte contre la cyberviolence, on retrouve notamment le collectif #StopFisha. Une association de jeunes femmes qui se mobilise pour saper la viralité des comptes fisha nuisibles. Ces profils qui réunissent de nombreux membres et dont le but est de partager essentiellement du contenu sexuellement explicite, sont ainsi la cible des militantes engagées pour les droits des victimes. Fin 2021, elles ont réussi à destituer un réseau de 233.000 membres sur l’application Telegram qui faisait “des centaines de victimes chaque semaine”.