Un jour dans l'histoire

Irlande, Ecosse... quelles sont les origines du whisky ?

© Pixabay

S’il est bien une matière qui divise l’Irlande et l’Ecosse, c'est l'origine du whisky. Toutes deux revendiquent la paternité de cette eau-de-vie qui séduit les palais aux quatre coins du globe. Pourtant, l'histoire du whisky est beaucoup plus ancienne et trouve ses racines dans les premiers procédés de distillation. On remonte le fil du temps avec Yasmine Boudaka et son invité Philippe Jugé.


Philippe Jugé est spécialiste des vins spiritueux
et auteur du livre Le whisky pour les nuls.


Le whisky, c’est ce qu’ont en commun des personnalités telles que Frank Sinatra, Mark Twain, Winston Churchill, Ava Gardner, Hari Murakami, Lady Gaga, Sean Connery, le Capitaine Haddock et Bouli Lanners…

Le whisky, cette eau-de-vie qui fait tourner les têtes parfois, fait vibrer les papilles de millions de consommateurs à travers le monde. En France, la consommation annuelle s’élève à quelques 193 millions de litres, soit bien plus que celle du pastis !

Qu’il soit fruité, floral, épicé ou tourbé, il y aurait un whisky pour chacun et chacune, tant la production est diversifiée.

L’histoire du whisky est liée à l’histoire politique, économique et sociale des régions dans lesquelles il s’est développé. Il y a actuellement 4 grands producteurs historiques du whisky : l’Irlande, l’Ecosse, les Etats-Unis et plus récemment le Japon.

Point de départ : Salerne

Spécialiste des vins et spiritueux, Philippe Jugé casse bon nombre de croyances populaires, à commencer par l’origine du whisky, revendiquée par l’Ecosse et l’Irlande. 

La première trace de distillation alcoolique se situe en effet à Salerne, en Italie, au 12e siècle. On est bien loin de l’Ecosse et de l’Irlande et du fameux Saint Patrick ! C'est la distillation hydraulique qu'il aurait ramenée de ses missions, au 5e siècle, et non pas la distillation alcoolique.

La distillation alcoolique, on la doit donc à Magister Salernus. Cette fameuse Quint Essencia, c’est LA première eau-de-vie de vin, qui était probablement moins forte que nos eaux-de-vie actuelles.

Une découverte qui va finalement se propager et se développer au-delà des laboratoires de Salerne, progressivement en Europe (en Germanie, en France) et en Irlande, grâce aux médecins qui soignent la peste noire.

Irlande ou Ecosse ?

C’est à la fin du 14e siècle qu’on découvre en Irlande la première trace écrite de distillation alcoolique. Il est question d'Aqua Vitae dans un petit livre appelé Livre rouge d’Ossory, qui date de 1390. On parle d'une distillation d’eau-de-vie de vin et la recette retrouvée est la même que celle découverte deux siècles plus tôt dans le Mappae clavicula à Salerne. 

Ce n'est qu'un siècle plus tard qu’on retrouve en Ecosse la première trace de distillation alcoolique, à la fin du 15e siècle, en 1494.

Il est donc historiquement admis que c’est l’Irlande qui a exporté les méthodes de fabrication d’eau-de-vie vers l’Ecosse.

Dans ces pays, en raison de la spécificité du terroir, la distillation est réalisée non pas à partir de vin, mais à partir de céréales. C’est dans les monastères que se développent rapidement les lieux de distillation. Beaucoup de moines deviennent alors brasseurs ou distillateurs, c’est le début de la grande aventure du whisky.

L’Irlande et l’Ecosse, qui étaient les derniers en Europe à accueillir la distillation alcoolique, deviendront au fil du temps deux des plus grands producteurs mondiaux.

Ecoutez ici la première partie de l’histoire du whisky

Une fabrication réglementée

La consommation du whisky s’est largement démocratisée et ne cesse de faire des émules. L’époque où le whisky était associé à homme d’un certain âge, faisant partie d’une certaine élite, installé dans son fauteuil avec son cigare, est bien révolue. Nombreux sont ceux qui se damneraient pour une gorgée de ce spiritueux.

Le whisky, c’est de la vapeur condensée d’alcool. Distiller est une chose, faire du whisky en est une autre !

Il faut savoir que la composition du whisky est réglementée par des cahiers de charge spécifiques. En Europe par exemple, ce sont les Ecossais qui ont établi ce cahier de charge, à l’époque.

Pour utiliser l’appellation whisky, plusieurs conditions sont requises : il faut des céréales (souvent du blé ou de l’orge), un vieillissement de 3 ans minimum dans des fûts de bois et un  taux d’alcool de minimum 40%. Le reste réside dans le savoir-faire du maître distillateur.

En route vers les Etats-Unis

L’art distillatoire a franchi l’Atlantique pour atteindre le Nouveau Monde et séduire une population à l’époque plus friande de tabac que d’alcool. Aux Etats Unis, on parle plutôt de whiskEy et de bourbon, qui répondent à d’autres règlementations.

Alors qu’en Europe, on va plutôt utiliser le blé et l’orge malté, aux Etats Unis, c’est la culture du maïs qui domine et qui sera donc la base de l’eau-de-vie produite là-bas, avec le seigle importé par les colons allemands. Autre différence avec l’Europe :  on n’impose pas de temps minimum de vieillissement en fût.

Voilà ce qui explique les appellations whisky en Europe et whiskEy aux USA. Mais une autre appellation fait la gloire de la production américaine, c’est le bourbon ! Il tire son nom du Comté de Bourbon dans le Kentucky. 

Georges Washington, premier président des Etats Unis, fait construire, en 1797, une distillerie de whiskey sur les terres de sa propriété située en Virginie. Cette même année y sont produits près de 2.300 litres d’eau-de-vie, les premiers d’une production à grande échelle qui deviendra par la suite la plus grosse du pays. 

Une autre période va marquer l’histoire du whiskey et de son expansion, c’est la prohibition, instaurée par le 18e amendement de la Constitution. Elle s’étend de 1919 à 1920 et interdit la fabrication, le transport, la vente, l'importation et l'exportation de boissons alcoolisées, des mesures revendiquées notamment par les mouvements de tempérance.

Un indispensable rapport au temps

Les étapes qui vont permettre d’élaborer le whisky sont le brassage, la fermentation, la distillation et le vieillissement sous bois. Ce sont les principes de base, même si aujourd’hui la production de whisky est devenue plus technologique. Seul le vieillissement sous bois donne des résultats aléatoires et rappelle que cette eau-de-vie est une matière bien vivante. Le whisky, c’est un rapport au temps, il faut être patient, explique Philippe Jugé.

Le boom du whisky est contemporain. Chez nous, un maître distillateur belge, Etienne Bouillon, élabore le Belgian Owl avec passion et avec de belles valeurs, notamment celles du respect de chaque maillon de la conception, du savoir-faire et de la terre. Tout cela se perçoit dans une gorgée de son whisky !

Ecoutez ici la deuxième partie de l’histoire du whisky

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