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Israël : Benjamin Netanyahou revient au pouvoir grâce à une alliance sulfureuse avec l’extrême-droite

Itamar Ben Gvir, ténor du parti sioniste religieux : "Il est temps de montrer qui est le maître".

© Jalaa MAREY / AFP

Par Daniel Fontaine

Les tractations ont débuté en coulisses dès les résultats connus des élections israéliennes du 1er novembre. Ancien et probable futur Premier ministre, Benjamin Netanyahou est pressé de mettre fin au mandat de l’actuel chef du gouvernement, Yaïr Lapid, qui gère les affaires courantes.

Les formations des dernières coalitions en Israël ont été longues et laborieuses. Cette fois, les choses paraissent plus claires. Benjamin Netanyahou peut revendiquer l’appui d’un bloc de partis qui réunit 64 des 120 sièges de la Knesset. Les partis de l’ancienne coalition ne recueillent que 51 sièges. Cette alliance hétéroclite soudée par son rejet de Netanyahou n’aura tenu qu’une année.

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La future majorité sera la plus à droite jamais vue en Israël. Elle devrait réunir le parti de droite traditionnel, le Likoud, deux partis ultraorthodoxes et le parti d’extrême-droite Sionisme religieux. Benjamin Netanyahou pourrait tenter d’inclure un parti de la coalition sortante pour rendre plus acceptable par le reste du monde le profil de sa coalition.

L’arrivée au pouvoir du Parti sioniste religieux pourrait compliquer les relations d’Israël avec certains de ses alliés traditionnels. Cette formation ultranationaliste compte dans ses rangs des personnalités ouvertement racistes et homophobes. Le chef du parti, Bezalel Smotrich, revendique le ministère de la Défense, et son tumultueux bras droit Itamar Ben Gvir réclame celui de la Sécurité publique.

Il est temps de ramener la sécurité dans les rues, de rétablir l’ordre, de montrer qui est le maître, il est temps de tuer un terroriste qui mène une attaque

Avec ces deux postes, les suprémacistes juifs seraient en première ligne dans le maintien de l’ordre dans les territoires occupés, avec l’intention annoncée d’appliquer une politique d’occupation plus ferme. Itamar Ben Gvir multiplie les appels à faire usage de la force contre les Palestiniens. "Il est temps de ramener la sécurité dans les rues, de rétablir l’ordre, de montrer qui est le maître, il est temps de tuer un terroriste qui mène une attaque", a-t-il martelé.

Ces propos incendiaires sont lancés au moment où les tensions ont redoublé en Cisjordanie et à Gaza. En Cisjordanie, plus de 120 Palestiniens ont été tués depuis que l’armée israélienne a lancé sa nouvelle opération le 31 mars, suite à des attaques qui ont fait 20 morts en Israël. Ce chiffre fait de 2022 l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour les Palestiniens de Cisjordanie, selon l’ONG norvégienne NRC.

Condamné pour soutien au terrorisme

Itamar Ben Gvir est un disciple du rabbin extrémiste Meïr Kahane, dont le parti Kach avait été interdit et déclaré terroriste en Israël et aux États-Unis en 1980. Comme son chef spirituel, Ben Gvir a été condamné pour soutien à un groupe terroriste. Il affiche aujourd’hui un profil relativement plus modéré et tente de prendre ses distances avec l’héritage du rabbin Kahane.

Ce profil des probables futurs ministres israéliens inquiète à l’étranger, à commencer par le principal allié d’Israël, les États-Unis. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken a exprimé à Yaïr Lapid sa "profonde inquiétude" quant aux "tensions croissantes" en Cisjordanie.

Boycott américain ?

Selon la presse israélienne, l’administration américaine pourrait boycotter Itamar Ben Gvir si ce dernier intégrait le futur gouvernement. Antony Blinken aurait averti le président israélien Isaac Herzog lors de sa récente visite à Washington que les États-Unis pourraient refuser de coopérer avec des " politiciens spécifiques ", une référence claire à Itamar Ben Gvir.

Officiellement, Washington a dit espérer que "tous les responsables israéliens continueront de partager les valeurs d’une société démocratique et porteuse de tolérance pour toute la société civile, en particulier les groupes minoritaires". Le Royaume-Uni appelle lui aussi "tous les partis israéliens à s’abstenir de tout langage incendiaire et à faire preuve de tolérance et de respect envers les groupes minoritaires".

Mesures homophobes en préparation

Des élus du Sionisme religieux combattent ouvertement les droits des LGBT et l’égalité des femmes et des hommes. Le député Avi Maoz a annoncé que son parti allait "étudier les possibilités juridiques d’annuler la gay pride de Jérusalem". Environ 7000 personnes défilent chaque année lors de la Gay pride de Jérusalem. Son collègue Ofir Sofer a accusé la communauté LGBT de perpétrer des "violences".

La diaspora juive à travers le monde s’alarme également de la radicalisation du paysage politique israélien et de la possible composition du prochain gouvernement. Les résultats de ces élections "constituent une nouvelle étape dans la banalisation du racisme et l’affaiblissement des fondements démocratiques d’Israël", écrit le Centre communautaire laïc juif de Bruxelles, qui souligne que "le pays sera gouverné par sa coalition la plus religieuse, la plus intolérante et la plus nationaliste de son histoire". Le CCLJ redoute l’instauration d'"un régime d’inspiration théocratique entre la Méditerranée et le Jourdain où les Juifs dominent les minorités non-juives réduites à un statut d’infériorité".

Le risque d’un isolement international

"Nous verrons peut-être à l’avenir des ministres israéliens persona non grata dans des pays démocratiques et amis", prévient de son côté l’association française La paix maintenant. Elle s’inquiète de voir s’installer "un isolement international dommageable à Israël et aux Juifs de par le monde".

Aux États-Unis, plusieurs organisations juives ont exprimé leur consternation. "Nous pensons que l’inclusion de ces individus et de ces partis d’extrême-droite dans un gouvernement israélien irait à l’encontre des principes fondateurs d’Israël et aurait un impact sur sa réputation, même parmi ses plus fervents partisans ", écrit par exemple l’Anti-Defamation League.

Les Palestiniens s’attendent au pire

Des responsables palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza redoutent pour leur part que le caractère ultra-nationaliste du futur gouvernement israélien ne provoque une nouvelle escalade des tensions. "Il ne fait aucun doute que le résultat d’une telle coalition renforcera l’attitude hostile envers le peuple palestinien et rendra les mesures d’occupation plus extrêmes", a ainsi déclaré Bassam Salhe, membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine.

JT du 3/11/22 :

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