Le constat de l'enquête des magistrats est accablant : "Entre l'inauguration (du pont) en 1967 et l'effondrement -donc 51 ans plus tard-, il n'a pas été procédé aux interventions de maintenance minimales pour renforcer les haubans du pilier numéro 9", qui s'est affaissé le jour du drame.
La plupart des mis en cause sont des cadres et des techniciens des deux sociétés, dont le directeur général d'Autostrade de l'époque Giovanni Castellucci ainsi que l'ancien patron de Spea Antonino Galata et des fonctionnaires du ministère des Infrastructures.
Sous une tente transparente érigée dans la cour du Tribunal de Gênes, le juge Paolo Lepri a égrené dans une ambiance fébrile les noms d'une centaine d'avocats des prévenus et des parties civiles qui y étaient réunis.
"Comme les attentats du 11 septembre"
Les mis en cause, absents de cette première audience purement formelle, sont en particulier poursuivis pour homicide involontaire, atteinte à la sécurité des transports et faux en écriture publique. La durée du procès est évaluée à deux ou trois ans.
Pour Giovanni Paolo Accinni, l'un des avocats de Giovanni Castellucci, "le pont s'est écroulé en raison d'un vice de construction caché". "Les prévenus sont innocents, à commencer par Giovanni Castellucci", a-t-il déclaré à l'AFP.
Mais l'accusation pourra compter sur un témoin de taille : Roberto Tomasi, le successeur de Giovanni Castellucci et un cadre d'Autostrade depuis 2015, qui affiche sa volonté de tourner la page et qui pourrait s'avérer encombrant pour son prédécesseur.
29 millions d'euros pour Autostrade
Autostrade appartenait au moment du drame au groupe Atlantia, contrôlé par la richissime famille Benetton, qui a fini par céder sa part en mai à l'Etat, poussé vers la sortie sous la pression de la classe politique et de la vindicte populaire.
Si leurs anciens dirigeants se retrouvent sur le banc des accusés, les sociétés Autostrade et Spea échappent en revanche au procès grâce à un accord à l'amiable conclu avec le parquet, prévoyant le paiement de 29 millions d'euros à l'Etat.
Pour Raffaele Caruso, un avocat qui représente le Comité des proches des victimes du pont Morandi, ce pacte "constitue une première reconnaissance de responsabilité" de la part des deux sociétés.
"La vie n'a pas de prix"
Seules deux familles de victimes ont refusé d'accepter les indemnisations proposées par Autostrade, qui a déboursé plus de 60 millions d'euros à ce titre.
Egle Possetti, la présidente du Comité des proches des victimes, a décliné l'offre pour ne pas perdre la possibilité de se constituer partie civile et de peser sur le procès.
"Nous sommes confiants dans le fait que le procès fera ressortir toute la vérité sur le drame pour éviter que nos proches soient morts en vain", a-t-elle dit à l'AFP jeudi matin sur les marches du palais de justice à Gênes.
La vie de mon fils n'a pas de prix, je veux un vrai procès
L'autre refus est venu de Roberto Battiloro, qui a perdu son fils Giovanni, un vidéaste de 29 ans, dans le drame et qui s'est vu proposer un million d'euros : "La vie de mon fils n'a pas de prix, je veux un vrai procès".
L'audience d'ouverture s'est terminée peu avant 12H00 jeudi. Les débats, suspendus pendant l'été, reprendront le 12 septembre.