Monde Asie

"It’s a match !" : en Inde, les parents utilisent les applications de rencontre pour marier leurs enfants

© Getty Images

"It’s a match !" : si vous recevez cette notification sur un site de rencontre, c’est généralement pour vous signaler qu’un profil correspond à vos envies. En Inde, cela signifie plutôt qu’il correspond… À celles de vos parents.

Dans ce pays où la plupart des mariages sont encore arrangés par les familles, les parents utilisent ces "applications matrimoniales" afin de trouver le "partenaire idéal pour leur enfant".

Une tradition indienne bien ancrée veut en effet que les parents doivent approuver les mariages, et ces sites contribuent à entretenir cette tendance.

Des applis sur mesure

La journaliste indienne Niranjana Rajalakshmi témoigne de ce phénomène auprès de nos confrères de Slate.

"Si beaucoup de gens utilisent Tinder en Inde, ces sites de rencontres sont largement mal perçus par les parents indiens, qui sont nombreux à considérer le fait de se fréquenter de façon informelle comme un phénomène opposé à la culture et à la tradition indiennes", explique-t-elle.

Les parents préfèrent plutôt se tourner vers des sites tels que Bharat Matrimony ou Shadii, qui leur permettent expressément de gérer le compte de leur enfant.

© Capture d’écran du site Bharat Matrimony

Sur ces sites, les enfants peuvent n’avoir qu’un rôle minimal, voire inexistant, dans le choix des personnes à qui ils vont parler. Ce sont leurs parents qui filtrent les profils en se basant sur les critères de l’application, comme l’âge, le métier ou même l’horoscope.

Ces derniers lancent la discussion avec la famille du potentiel futur partenaire, ils transmettent les profils qui leur semblent prometteurs à leurs enfants, qui peuvent décider de parler et de se rencontrer. Mais à la fin, la balle revient généralement dans le camp des parents, qui donneront leur autorisation pour les fiançailles.

Le choix des parents

Si la coopération entre les parents et leur enfant se passe parfois bien, il arrive souvent que le poids des préférences parentales soit bien plus important.

"Même lorsqu’il s’agit de filtres comme l’âge et la profession, qui pourraient réellement aider à déterminer la compatibilité, les parents donnent souvent plus de poids à leurs propres préférences qu’à celles de leurs enfants, puisqu’ils sont les utilisateurs primaires des applis", remarque Niranjana Rajalakshmi.

Une fois le choix effectué, les jeunes ont en général très peu de temps pour faire connaissance avant le mariage. Selon la journaliste, le fait qu’on ne laisse souvent pas suffisamment de temps pour analyser et comprendre de potentiels partenaires peut pousser les jeunes à ressentir une véritable terreur face au mariage. "Nous nous sentons prisonniers d’un système de mariages arrangés", ajoute-t-elle.

La problématique persistante des mariages d’enfants

Si ces mariages arrangés par les familles ne signifient pas nécessairement des mariages forcés, ces derniers restent fréquents. Même si la situation commence à s’améliorer, l’Inde reste l’un des pays qui compte le plus grand nombre de mariages d’enfants. Aujourd’hui environ une Indienne sur quatre est mariée avant l’âge de 18 ans. Le pourcentage est de 4% chez les garçons.

Ces mariages ont surtout lieu dans des régions rurales du pays où, au-delà des pratiques traditionnelles et patriarcales, ces mariages ont une importance pécuniaire. "Le mariage d’enfants est plus fréquent dans les foyers les plus pauvres, de nombreuses familles mariant leurs filles pour réduire la charge économique qu’elles perçoivent. Les filles sont souvent mariées à un jeune âge car on attend moins de dot pour les jeunes mariées", explique "Girls not bride", une ONG dont la mission est de mettre fin au mariage des enfants dans le monde.

Depuis 1929, le "Child Marriage Restraint Act" interdit pourtant le mariage d’enfants en Inde. Les femmes doivent avoir 18 ans pour se marier, contre 21 ans pour les hommes. En 2006, cette loi a été actualisée : les parents ou les époux plus âgés risquent jusqu’à deux ans de prison pour organiser ou autoriser des mariages qui ne respectent pas la loi.

© Extrait du "Child Marriage Restraint Act", 2006

Ces mesures répressives ont notamment permis de diviser par deux le nombre de mariages de mineurs sur les dix dernières années, mais le chemin vers une abolition totale reste encore long.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous