Belgique

"J’ai également oublié de déposer mon fils à la crèche" : un père témoigne pour que cela n’arrive plus

© Gettyimages

Par Johanne Montay

Son bébé avait 6 mois à l’époque. Il a aujourd’hui 5 ans. Il va bien. Mais ce jour-là, son père, appelons-le Xavier, s’en souviendra toute sa vie. C’est en apprenant le drame survenu à Charleroi - le décès de ce bébé oublié dans une voiture sur le parking de l’hôpital -, que Xavier a souhaité témoigner.

J’ai également oublié de déposer mon fils à la crèche. On ne croit pas cela possible, jusqu’à ce que cela vous arrive.

Il nous raconte, encore ému : "C’était une crèche de zoning. Je travaillais dans une boîte à côté.

Ce matin-là, je ne devais pas aller travailler. Je pensais prendre un congé parental. Mais il y avait une urgence, donc, je suis allé travailler le matin. Parfois, c’est moi qui le déposais, parfois c’était mon épouse. Mais ce jour-là, comme j’étais proche de la crèche, c’est moi qui l’ai déposé. Donc, on était un petit peu hors des habitudes, hors de la routine.

Ça m’arrivait, parfois, déjà – et c’est peut-être un signal que j’aurais dû considérer – au moment où j’arrivais dans le quartier, de prendre à droite, vers mon boulot, plutôt que d’aller tout droit à la crèche quand je le déposais. Mais tout de suite, je me disais 'mauvais réflexe', je faisais demi-tour et j’allais à la crèche. Je m’en rendais compte immédiatement."

Il poursuit son récit, précis, comme si c’était hier : "Ce jour-là, j’ai tourné, il y a un truc inhabituel qui m’a occupé l’esprit en fait, et puis de fil en aiguille, je me suis garé. Il dormait dos à la route, le miroir qu’on avait installé et qui permettait de le voir était tombé, en plus, et je suis sorti. Je n’y allais que pour une demi-journée, résoudre un petit problème au boulot…"

Au moment de quitter le travail, cette demi-journée plus tard, le sol se dérobe sous ses pieds.

Je suis sorti et là, je vois que ma voiture crie

Le sentiment, lorsqu’il remarque la présence de son petit ange en pleurs, on l’imagine : "C’était un mélange de panique et de soulagement, parce que s’il crie, c’est bon signe évidemment… "

Xavier démarre, par automatisme, il fait 10 mètres. Puis il s’arrête, prend son bébé dans les bras et téléphone. "C’est un choc, c’est particulier, parce que le matin, on est là, à se demander s’il a bien pris ses vitamines, on s’inquiète pour des petits trucs, tout va bien et puis on tombe comme ça d’une falaise, qu’on n’a pas vu venir. "

Pour ce père, tout est bien qui finit bien. Heureusement, il faisait nuageux, avec une température intermédiaire. Heureusement, c’était une demi-journée.

"Je suis persuadé que toutes les personnes à qui c’est arrivé, une minute avant, n’auraient pas cru possible que cela puisse leur arriver", nous dit-il. "Je pense qu’il y a une grosse différence entre la perception du risque qu’on a de ce problème et le risque réel."

Sa suggestion

En contactant la crèche, à l’époque déjà, Xavier assume pleinement ce qui aurait pu être un drame. Mais il se demande, sans pour autant mettre une quelconque responsabilité sur le milieu d’accueil, si un appel n’aurait pas pu éviter cet oubli : "Quand mon fils est malade, vous m’appelez dans la demi-heure pour venir le rechercher. Tous les jours, il vient à la crèche, pour une fois qu’il ne vient pas… Juste un coup de fil ?"

La crèche choquée par l’événement et compréhensive, dit qu’elle fera cela la prochaine fois qu’un parent ne présente pas son bébé. Elle se montre d’accord sur le principe.

"Je crois qu’une telle règle devrait être généralisée", nous dit Xavier. "Lorsqu’un enfant inscrit à la crèche ne se présente pas, la crèche pourrait être légalement tenue, dans un délai raisonnable, d’avertir les parents. Le parent distrait pourrait alors mettre tout en œuvre pour sauver l’enfant."

Conscient de la lourde responsabilité que cela ferait peser sur les crèches, ce père estime que ce système devrait faire l’objet de discussions ouvertes avec les personnes concernées et qu’il devrait y avoir, par réciprocité, une obligation pour les parents de prévenir la crèche pour tout parent qui ne déposerait pas son enfant alors que c’était prévu.

Quelle est la recommandation de l’ONE ?

Ce n’est en effet pas simple à mettre en place. Contactée par nos soins, Anne-Claire Henry, gestionnaire de crise à l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE), précise qu’à l’heure actuelle, il n’existe pas de recommandation ni de règle d’avertissement des parents, de la part des crèches, en cas d’absence inopinée d’un enfant. Il arrive que certains milieux d’accueil le fassent, mais il n’y a pas de règle générale.

Mais que pense cette responsable pour l’ONE des situations de crise, de cette proposition de Xavier de généraliser le système ? La réponse est nuancée. En somme, l’intention est bonne, mais la réalisation est compliquée. Certains parents n’amènent pas leur enfant à la crèche parce qu’un élément de la journée a changé – par exemple, un autre enfant de la famille est malade et le parent reste à la maison -, et puis surtout, que faire ensuite si le(s) parent(s) averti de l’absence ne répond pas au téléphone ? Comment éviter – même si ce type d’événement est dramatique – in fine de mettre la responsabilité et la charge sur les milieux d’accueil ?

Pour compléter cette réflexion, il nous vient ce rappel de l’époque d’un enfant à l’école secondaire : en cas d’absence, un SMS était envoyé automatiquement sur le GSM du parent. Mais ici, nous étions dans le cadre d’une obligation scolaire, ce qui est différent.

Et les solutions techniques ?

Au-delà de cette piste, il reste aussi d’autres solutions comme celle rendue obligatoire en Italie en 2019 déjà : installer sur les sièges-autos pour enfants de moins de 4 ans un mécanisme d’alarme qui alerte le conducteur lorsqu’il descend, si l’enfant est "oublié" dans la voiture. Ce dispositif peut même envoyer des SMS ou Whatsapp au parent, voire appeler directement sur le téléphone du conducteur.

La même année, Test-Achats testait en laboratoire des systèmes de détection d’enfant oublié dans son siège auto. L’association de défense des consommateurs estimait que les premières impressions étaient positives, mais notait un certain nombre de points d’attention : le signal d’avertissement n’était alors pas assez fort, lorsqu’on se garait dans des endroits bruyants, et ces systèmes nécessitaient un smartphone chargé et toujours connecté au réseau.

Des fabricants automobiles comme Tesla ont aussi lancé des dispositifs similaires, capables de détecter des micromouvements comme la respiration ou une fréquence cardiaque.

À noter que des systèmes d’alarme anti-abandon à placer sous le siège auto du bébé, des "capteurs" à vendre pour moins 15 euros sur internet. Mais nous n’avons aucune idée de leur qualité ni de leur efficacité.

Gilly : décès d un bébé oublié dans une voiture

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