Open d'Australie

"Je vis un rêve éveillé" : vingt ans après Andy Roddick, le tennis américain se remet à frissonner

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2003. ll y a 20 ans, pile. Fier comme un paon, le tennis américain est au sommet de la gloire. Ou pense l’être, en tout cas. Grâce à un homme de 21 ans à peine. Visage encore juvénile du jeune golden boy qu’il est, Andy Roddick vient de terrasser Juan Carlos Ferrero, à domicile, en finale de son US Open 2003. L’attention médiatique est à son paroxysme, tous les regards sont subitement braqués sur le Texan, appelé à devenir le successeur tant attendu des légendes John McEnroe, Pete Sampras, André Agassi, Michael Chang ou Jim Courrier.

A l’époque, pas de place aux précautions. Comme souvent aux Etats-Unis, on se focalise, déjà, vers le futur doré. Andy Roddick vient d’entrer, avec fracas, dans la cour des vainqueurs de Grand-Chelem, aucune raison qu'il s'arrête là. L’avenir du tennis mondial lui est désormais promis.

Bizarrement pourtant, cet US Open sera son seul Majeur en carrière. Et le tout dernier pour le tennis américain. Roddick était censé incarner le renouveau du tennis US. Il aura finalement été le premier à ouvrir le chapitre de la pire période de l’histoire du tennis américain.

Ils étaient 22 dans le Top 50 en 1984, 0 en 2021

Parce que le retour sur terre qui a suivi a été brutal. Quasiment hégémonique dans sa domination depuis la création du classement ATP (22 joueurs américains dans le Top 50 en 1984, par exemple !), le tennis américain est subitement détroné. Dépassé, dans tous les sens du terme.

Pourtant, les successeurs potentiels de Roddick sont plutôt nombreux et s’installent comme des valeurs sûres du tennis mondial. James Blake, Robby Ginepri Mardy Fish, John Isner, Sam Querrey, Jack Sock, tous connaissent un moment de grâce (plus ou moins long) mais aucun ne parvient à signer la moindre finale en Grand-Chelem. Une demi-finale, tout au mieux, pour Ginepri, Isner et Querrey. Un quart, pour les autres.

Pendant longtemps, ces 6 hommes maintiennent le navire américain à flot. Mais ils ne sont en définitive que les arbres qui cachent la forêt. Parce que derrière, la relève tarde à émerger. Et que, petit à petit, les anciens se font vieux. Le couperet tombe finalement en mai 2021 : pour la 1e fois depuis la création du classement ATP, il n’y a pas d’Américain dans le Top 50. Coup de tonnerre au pays de l’Oncle Sam.

Trois Américains en quarts à Melbourne : du jamais vu depuis 2000

Mais aux Etats-Unis encore plus qu’ailleurs, tout peut parfois aller tellement vite. Et comme de coutume, après l’averse, le retour du beau temps. Comprenez un tennis américain subitement plus homogène que jamais avec une ribambelle de jeunes qui émergent tournoi après tournoi. Figure de proue du navire US, Taylor Fritz boucle l’année 2022 dans le Top 10. Longtemps resté une grenade prête à dégoupiller, Frances Tiafoe justifie lui enfin son potentiel en atteignant les demi-finales du dernier US Open. Derrière, les Sebastian Korda, Tommy Paul, Jenson Brooksby, Reilly Opelka ou Maxime Cressy deviennent des membres respectés du Top 50 ATP. En tout, ils sont 9 à truster le Top 50, 13 si l'on étend au Top 100.

Quelques mois seulement après avoir touché le fond, le tennis américain se remet donc à frissonner. Et cet Open d'Australie ne confirme finalement qu'une tendance amorcée il y a quelques mois : le danger peut désormais venir de partout avec les joueurs américains.

La preuve, à Melbourne, ils sont trois joueurs U.S en quarts de finale. Et sûrement pas les plus connus ni les plus attendus : Sebastian Korda, 29e mondial, accompagné de Tommy Paul (35e) et de l'intrigant novice Ben Shelton, encore hors du Top 500(!) il y a un an. Trois Américains en quarts d'un Majeur, du jamais vu depuis 2005. Trois Américains en quarts à Melbourne, du jamais vu depuis 2000. La fin d'une parenthèse cauchemardesque pour le tennis américain ? Possible.

Alors, qui pour succéder à Roddick ?

Alors, comment expliquer ce renouveau supersonique alors que le tennis américain vivait ses heures les plus sombres il y a 18 mois à peine ? Selon James Blake, ancien 4e Mondial et désormais directeur technique du tournoi de Miami, les jeunes ont aujourd'hui appris à jongler avec l'immense pression sur leurs épaules : "Avant, c'était considéré comme acquis qu'il y aurait des Américains dans le top 10. Mais pendant longtemps, il n'y en a pas eu. Et les gens se demandaient ce qui se passait. Je pense que c'est une impatience, ou le fait que les attentes étaient vraiment élevées pour le tennis américain. C'est OK tant qu'on peut supporter ça. Il me semble que les joueurs américains actuellement gèrent bien mieux cette pression" expliquait-il à l'Equipe.

Cerise sur le gâteau, chaque Américain semble avoir développé son propre style, là où, dans un passé récent, on formatait les jeunes à devenir des machines à servir. De bon augure pour la suite donc. Pour la 1e fois depuis une éternité, le tennis américain peut voir venir. Après 20 ans de privations et de remises en questions trop tardives, il peut enfin rêver d'un successeur à Andy Roddick. Reste désormais à voir qui parviendra à émerger de l'essaim de joueurs confirmés pour se transformer en vainqueur de Grand-Chelem.

David Goffin avant l'Australian Open

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