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Jean-Luc Dompé (Zulte Waregem) sur le Gril : "Avant j’amusais la galerie, aujourd’hui je me lève avec la faim de gagner"

Jean-Luc Dompé (Zulte Waregem) en mode selfie
Jean-Luc Dompé (Zulte Waregem) en mode selfie © Tous droits réservés

Au rythme d’un TGV, la mobylette parisienne arpente le flanc gauche de Zulte Waregem et enfile les caviars comme les perles. Meilleur donneur d’assists de D1A, il évoque les dangers d'un talent précoce, Cristiano Ronaldo, le racisme dans le foot, Daniel Van Buyten, le passement de jambes, le Tournoi de Toulon et Pauleta. Mais aussi Yannick Ferrera, les retards à l’entraînement, son pote Thomas Lemar, Sclessin, l’Olympique de Marseille et Timmy Simons. Et surtout… son cher 91. Jean-Luc Dompé passe " Sur Le Gril ".

A l’heure pétante. Il se présente au rendez-vous à la minute même, pour évoquer sa forme étincelante… au sein d’une équipe pourtant au bord du gouffre. Zulte Waregem se traîne en bas de classement, mais son ailier de poche connaît la forme de sa vie : revanche sur le sort pour ce grand talent de l’Hexagone... traînant une grosse réputation d’enfant terrible.

Je n’ai rien fait de bien méchant : je n’ai jamais manqué de respect à mes équipiers ou à mes employeurs ! " commence Jean-Luc Dompé. " J’étais juste, disons, un peu turbulent (clin d'oeil) : j’aimais amuser la galerie et j’accumulais les petits retards... En fait, je vivais mon sport comme une passion, et pas comme un métier. Je préférais un beau geste risqué à une passe anodine… mais qui pouvait amener un but. Aujourd’hui, j’ai tourné le bouton et je suis devenu un joueur abouti et mature. Je me lève le matin pour gagner : gagner en match et gagner chaque duel à l’entraînement. C’est passé par une fameuse remise en question. J’ai vu tant de joueurs moins doués me passer devant le nez et réussir une plus belle carrière, juste par leur sérieux et leur travail. J’ai appris de mes erreurs et j’ai la chance que le train est repassé pour moi : cette fois je ne lâcherai plus, ça passe ou ça casse… "

Jean-Luc Dompé : "Avant j’amusais la galerie, aujourd’hui je me lève avec la faim de gagner"
Jean-Luc Dompé : "Avant j’amusais la galerie, aujourd’hui je me lève avec la faim de gagner" © Belga

" Je ne serai jamais un égoïste "

Et de fait : l’actif statistique du Parisien affiche 11 assists après 20 journées de championnat. Leadership de la spécialité partagé avec le Brugeois Noa Lang.

Aligner les assists n’est pas forcément mon idée fixe : c’est surtout le reflet de ma confiance du moment. Je me positionne plus près du but et j’en deviens plus décisif : peu importe que je marque ou que je donne la ‘passé dé’… du moment que j’aide mon équipe. Le foot est devenu un sport de statistiques : avant on examinait les contenus, aujourd’hui les chiffres sont partout. Il faut dire que les grandes stars ont crevé des plafonds incroyables, donc on est tous obligés de suivre ! Moi, si je peux atteindre 15 assists en fin de saison, je serai content… mais je n’ai pas prévu de prime spéciale dans mon contrat (rire). Je ne serai jamais un joueur égoïste… "

Luminosité maximale. Un soleil d’hiver éclabousse le Gaverbeek… qui connaît pourtant des moments sacrément difficiles : l’Essevee local racle le fond de classement… au point que l’institution Francky Dury s’est fait déboulonner après 20 ans à la tête de l’équipe.

Jean-Luc Dompé : " Je ne serai jamais un égoïste "
Jean-Luc Dompé : " Je ne serai jamais un égoïste " © Belga

Ca nous a fait un choc d’apprendre que le coach et le club stoppaient leur collaboration : des entraîneurs qui durent aussi longtemps, c’est rare dans le monde (sic) " explique Jean-Luc Dompé. " On ne sait pas si c’est l’usure ou la fatigue (sic) qui a motivé cette décision, mais Francky Dury est une légende, ici… Avec Timmy Simons et Davy De fauw, on a maintenant un duo d’entraîneurs qui sont encore joueurs dans l’âme : ils ont le ressenti, ils comprennent les codes… ce qui est parfois un peu moins le cas avec ceux qui n’ont qu’un parcours de coach. Un changement de coach, c’est aussi les compteurs remis à zéro : ceux qui ne jouaient pas reprennent espoir, ceux qui jouaient se remettent en question… et au final, la concurrence augmente. "

" On joue pour sauver l’emploi des gens d’ici "

Opération sauvetage entamée le week-end dernier par une victoire face à Malines… grâce à un but de notre interlocuteur.

Moi, je ne suis pas stressé de nature, car dès que je monte sur le terrain, je ferme mes oreilles et je fais mon match : il n’y a pas quatre chemins. Comme joueurs pros, on est habitués à la pression : j’ai connu ça au Standard, à Gand, partout où je suis passé, en fait. Mais jouer le maintien est encore différent : on joue pour un club, on joue pour une ville, on joue pour le personnel du club qui a une famille à nourrir et qui risque de perdre son job si on descend. Nous, les joueurs, on est des passants… et on a tendance à oublier cette responsabilité. Mais entre nos pieds réside le sort de pas mal de personnes : quand j’arrive au club le matin, je lis cette peur sur le visage de certains employés. Jusqu’au bout en tout cas, qu’ils sachent que je donnerai tout pour ce club. "

Sous les couleurs de La Gantoise
Sous les couleurs de La Gantoise © Belga

Intégré au noyau de Ligue 1 de Valenciennes dès ses 16 ans, Jean-Luc Dompé a brûlé les étapes… et produit un parcours inverse. Epinglé parmi les meilleures pépites du foot français, il donna même la victoire à la France U20, en marquant en finale du fameux Tournoi de Toulon (2015) réunissant les meilleurs Espoirs mondiaux.

On avait une super-génération, et on formait une fameuse bande de potes avec Thomas Lemar (Atletico Madrid), Presnel Kimpembe (PSG) ou encore Enzo Crivelli. On se parle encore régulièrement sur Instagram. Et oui, j’aurais pu suivre le même parcours qu’eux et, qui sait ?, atteindre l’Equipe de France. Mais je suis déjà content d’avoir pu saisir ma 2e chance et de m’être relancé après mes déboires au Standard... "

" J’ai payé les pots cassés du conflit Van Buyten-Renard "

Car en 2015, quand il débarque à 20 ans à Saint-Trond, tout juste promu en D1A avec Yannick Ferrera, Dompé vient de refuser une offre de… l’Olympique Marseille (" J’avais peur de ne pas jouer, et moi, j’avais besoin de minutes… "). Quelques mois plus tard, il va rejoindre son ex-coach à Sclessin… pour un séjour qui va tourner en eau de boudin.

L’été 2015 déjà, le Red Bull Salzbourg voulait m’acheter après seulement 4 matches avec Saint-Trond. Mais je ne pouvais pas faire deux transferts sur le même mercato et au Stayen, on ne voulait pas me lâcher car j’étais la coqueluche du public. Après, au Standard, j’ai été victime de la rivalité entre les deux Directeurs Sportifs Daniel Van Buyten et Olivier Renard… et j’ai bien payé les pots cassés. Van Buyten et le Président Bruno Venanzi m’avaient fait venir… mais Renard ne me voulait pas. Et quand Van Buyten a été limogé, j’ai dû quitter le club deux mois après : comme par hasard… On m’a poussé vers Eupen car Henry Onyekuru devait partir… mais il est finalement resté, et je n’ai pas joué. C’est mon plus mauvais choix de carrière… car en principe, j’allais prendre des minutes à Waasland-Beveren : là au moins, j’aurais joué… Les joueurs sont souvent victimes des réseaux d’agents : je connais plein de top-joueurs qui n’ont pas percé car ils n’avaient pas les bons contacts… et, inversement, des gars moyens qui ont décollé car ils avaient les bons agents. Le foot, c’est du business ! "

Jean-Luc Dompé lors de la Finale de la Coupe remportée face au Club Bruges de Ludovic Butelle
Jean-Luc Dompé lors de la Finale de la Coupe remportée face au Club Bruges de Ludovic Butelle © Belga

" J’aurais pu très mal tourner… "

Fan de Cristiano Ronaldo (" Depuis tout petit, je mange tout ce qu’il fait : le passement de jambes est devenu mon gri-gri favori ! ") et du PSG (" Ca date de l’époque de Pauleta, j’en ai fait des matches dans les tribunes du Parc des Princes ! "), Jean-Luc Dompé est originaire d’Evry, en Région Parisienne. C’est là qu’il a tapé ses premières balles… et qu’il a toujours ses potos aujourd’hui.

Le 91 (NDLA : numéro du Département de l’Essonne), c’est ma vie, c’est mon cœur, c’est mon sang, ce sont mes veines ! On a tout appris au quartier : c’est là qu’on a appris à jouer librement et surtout, sans pression. Moi, que je joue devant zéro personne (sic) ou 40.000 spectateurs, j’ai zéro stress ! Mais j’ai aussi réussi à m’en extraire, du 91, car j’aurais pu mal tourner : le quartier est assez ‘chaud’, et pas mal de mes potes ont eu des soucis judiciaires. Je suis parti en Centre de Formation (NDLA : à Sochaux), et le foot m’a donné ce cadre indispensable : foot, études, foot, études, foot, études… et vous ne sortez pas des clous. On y apprend la vie, on y apprend la mixité et la multiculturalité. C’est comme avec les soucis de racisme qui gangrènent le foot : je reconnais que moi, si on m’insulte, je ferme mes oreilles et je fais mon match, comme d’habitude. Mais il faut continuer à dénoncer ces actes, ce que Vincent Kompany a très bien fait. Il faut que les joueurs importants et que les dirigeants qui ont le pouvoir prennent les choses en main. Il faut des signaux forts : moi, je suis pour que des équipes entières quittent le match quand on signale des actes racistes, je suis sûr que les joueurs seraient solidaires entre eux. Mais ce sont des comportements qui restent le fait de quelques imbéciles : la majorité des supporters sont formidables ! "

" Yannick Ferrera, un tacticien hors-pair "

Rayon supporters, Dompé a bien connu ceux de Sclessin : ceux-là même qui menacent aujourd’hui leur club de grosses suspensions. Et avant des retrouvailles programmées dimanche après-midi.

Ce public est magnifique… mais c’est vrai qu’envahir le terrain contre Charleroi n’était pas une solution: ça donne une mauvaise image du foot belge. Le Standard a toujours été un club spécial, et l’instabilité des dernières années, dans la direction comme chez les joueurs, n’a pas aidé. Tous les clubs connaissent des cycles. Mais même si sportivement, c’était compliqué pour moi là-bas, je ne garde que de bons souvenirs et de nombreux amis. Mes meilleurs moments ? Mon but dans mon premier match contre Genk et mon goal en Finale de la Coupe contre Bruges ! Et j’y ai aussi connu Yannick Ferrera, qui m’avait déjà fait venir à Saint-Trond et qui reste le meilleur tacticien que j’ai connu. Même si dans le relationnel avec les joueurs, c’était plus délicat… Après, sur le terrain, c’est chacun pour soi : j’irai à Sclessin dimanche pour gagner. J’y ai déjà marqué l’an passé, et même du temps où j’étais à Gand. Si j’ai peur qu’on me siffle dimanche ? Non : j’étais un peu le chouchou là-bas et on aimait bien mon sourire et mon côté sympathique. " (clin d’œil)

Vainqueur de la Coupe avec le Standard de Yannick Ferrera
Vainqueur de la Coupe avec le Standard de Yannick Ferrera © Belga

Approché par les Rouches en vue du mercato, Dompé laisse venir : en hiver ou en été, il finira par s’en aller. Avec toujours ce rêve… de Premier League.

Vous me donnez Chelsea, Man United, Liverpool… ou même West Ham ou Crystal Palace, je prends ! " s’esclaffe-t-il. " Bon, d’accord, avec mon mètre soixante-dix, ce ne sera pas évident… Mais regardez Emmanuel Dennis, l’ancien Brugeois : il n’est pas plus grand que moi et il marche sur l’eau avec Watford. Et si je suis petit, je saute quand même haut : j’ai une très bonne détente ! Mais de là à travailler mon jeu de tête à l’entraînement, non, hein ! " (Il éclate de rire)

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