Notre patrimoine regorge de trésors musicaux, un fonds patrimonial qui dépasse largement le cadre de la période belge institutionnelle. Et lorsque l’on parle de patrimoine musical belge, on ne peut pas ne pas évoque notre école de violon. En plus d’être une grande fierté nationale, ce fut tout au long du XIXe siècle et encore au XXe siècle un produit d’exportation extraordinaire. Xavier Falques nous en dit plus.
Si comme le dit l’adage, "il faut rendre à César ce qui est à César", il faut rendre aux principautaires, ce qui est aux principautaires, car derrière notre "école belge" se cache, en réalité, un bon nombre de Liégeois. Bien évidemment, on pense tout de suite aux deux immenses violonistes que sont Vieuxtemps et Ysaÿe. Mais c’est sur un autre liégeois dont nous parle Xavier Falques, l’altiste Jean Rogister.
Rogister fait partie de ces musiciens dont le talent semble inné puisque comme le précise Philippe Vendrix : "à peine entré au Conservatoire de Liège, il en est diplômé avec tous les honneurs". La remarquable réussite de Rogister va d’ailleurs lui valoir d’être nommé professeur d’alto dans ce même conservatoire à 21 ans seulement, nous sommes alors au tout début du XXe siècle. Il va ensuite se concentrer sur son instrument et au-delà de son rôle de soliste, se consacrer largement à la musique de chambre et particulièrement au Quatuor. Il est d’ailleurs le fondateur, en 1925, du célèbre Quatuor de Liège dans lequel on retrouve également Henri Koch. Il fera en soliste et avec le quatuor de Liège plusieurs tournées européennes et américaines qui lui vaudront une reconnaissance internationale.
Pour autant, il ne se concentre pas uniquement sur son instrument, mais étudie également la composition avec Jean-Théodore Radoux (prix de Rome belge), puis, un peu plus tard, avec Vincent d’Indy. L’esthétique de Rogister s’inscrit, au départ, dans la lignée de celle de César Franck. Et s’il n’est pas un pur franckiste, la particularité de sa musique est précisément qu’il va développer une esthétique personnelle qui ne déviera pas au gré des courants, bien nombreux durant le XXe siècle.
Rogister va surtout développer et approfondir sa vision et nous livrer un grand nombre d’œuvres des plus intéressantes. Il composera d’ailleurs jusque dans ses dernières années puisque son adagio pour deux ensembles à cordes est composé en 1960, soit quatre années avant son décès. Dans l’optique d’un développement constant de son art musical, Jean Servais dira à propos de cette œuvre : "cette façon de testament musical synthétise toute la pensée du compositeur". On notera aussi son adieu pour alto solo et orchestre, une page d’un lyrisme fabuleux qui mérite toute sa place dans le répertoire de cet instrument.
Découvrez dans le podcast ci-dessous l’Allegro Giocoso, troisième mouvement de la suite pour orchestre de chambre à cordes et flûte solo. Une œuvre composée en 1949 alors que le compositeur est déjà septuagénaire, mais dont l’énergie semble bien celle d’un jeune homme. Et d’ailleurs, de flûte solo, Rogister n’en fait usage que dans le second mouvement et c’est donc l’orchestre royal de chambre de Wallonie sous la direction de Jean-Paul Dessy que vous allez entendre.