Ses coéquipiers à Toulouse, en France, le surnomment "le Mur belge" : Jef Lettens est l’un des sept joueurs professionnels des Red Wolves, l’équipe nationale belge de handball. Le gardien a donc lui aussi écrit les plus belles pages de l’Histoire de ce sport en Belgique, en disputant pour la première fois le championnat du monde, en gagnant un match dans la compétition et en rejoignant par la même occasion le tour principal. Comment les Belges abordent-ils la suite de ce Mondial ? Le Mur s’est confié à notre envoyé spécial Thibaut Rinchon.
Jef Lettens, maintenant que la qualification est en poche, dans quel état d’esprit se trouvent les Red Wolves avant le tour principal ?
On sait qu’on a vécu quelque chose d’extraordinaire et maintenant on compte profiter aussi du moment. On a réussi à atteindre notre objectif numéro un, à savoir rejoindre ce tour principal. Je crois que la pression va un peu retomber parce que maintenant, ce n’est que du surplus pour nous. Personne ne s’attendait à ce qu’on passe ce premier tour. Donc là, pour nous, ce qui arrive ce sont vraiment trois matches de haut niveau de plus. On va profiter, on va se jauger un peu par rapport à des équipes qui ont l’habitude de jouer des quarts de finale, des demi-finales… Ce sera vraiment chouette.
Vous n’avez pas vraiment pu profiter du moment historique lors du premier tour, parce que l’objectif qualification était lourd à porter ?
C’est mon opinion personnelle, mais je pense que c’est aussi un peu celle de l’équipe. On s’est relâchés contre la Tunisie et on a dû s’employer un peu plus contre le Bahrein parce qu’on s’est dit qu’on pouvait peut-être même passer avec deux points. Il y a quand même toujours cette petite notion de pression qui arrive. Mélangée à de la fatigue aussi parce que tout le monde chez nous n’est pas habitué à jouer tous les deux jours. Là on a joué trois matches en 4 ou 5 jours donc c’est une charge physique qui n’est pas évidente… Maintenant, on doit se dire qu’on y est, dans ce tour principal, et que tout ce qui va nous arriver, c’est du bonus. On doit aborder les prochains matches comme ça, je pense.
Les trois matches à venir justement, parlons-en. Egypte, Croatie, États-Unis. Est-ce que des exploits sont possibles ? Ou ce sera juste de l’apprentissage ?
Quand je regarde les USA, avec tout le respect que j’ai pour eux, je pense qu’on est capables de les battre. Les Croates, on a été très proche de gagner contre eux récemment chez nous, à Hasselt. On avait perdu ce match sur des détails dans le money time. Donc ce sera un match à couteaux tirés, du 50/50 presque je dirais, même si c’est une nation qui est là depuis toujours.
Après, l’Egypte… c’est du très costaud ! Aux derniers Mondiaux les Egyptiens sont allés jusqu’en demi-finale où ils ont seulement été battus par le Danemark, aux penalties. C’est vraiment un cador qui vise le dernier carré ou la finale. Ce sera plus difficile mais on ne sait jamais. On rentre vraiment dans le dur, de notre côté. C’est clair que tout le monde a un noyau plus large que le nôtre. Il faut qu’on vise au moins une victoire, et deux matches où la décision tombera dans le money time.
Ce sera d’abord l’Egypte… Vous l’imaginez comment, ce match ?
C’est une équipe très physique, qui se projette très vite vers l’avant et qui a une défense très dense. C’est un peu comparable au Danemark. Mais ce sera le premier match, peut-être que les Egyptiens vont un peu nous sous-estimer… C’est pareil que contre le Danemark : s’ils nous respectent vraiment, ils vont vraiment jouer à leur niveau et ce sera très difficile pour nous. Mais il y a des détails, nous, on sera survoltés, si on joue un peu au-dessus de notre niveau habituel peut-être qu’on peut faire un truc… Je pense qu’on doit aborder ce match sans pression, contre des joueurs qui font partie des meilleurs mondiaux. C’est chouette pour tout le monde chez nous.
La Croatie, c’est un atout de l’avoir affrontée récemment et d’être passé tout près de la victoire ?
Oui, forcément le jeu déployé n’a pas trop de secret. C’est un match qu’on peut gagner. Et on pourrait avoir 4 points à la fin de ce tour principal. Mais je ne dis pas que c’est obligatoire parce que c’est une première pour nous, ce niveau. On est tous des compétiteurs, on veut gagner tous les matches. Mais l’important dans ce tour, c’est de sortir du terrain en se disant qu’on a tout donné. Si on y arrive, on pourra être fiers de nous quand on regardera cette compétition avec un peu de recul.
Dernièrement l’Egypte est au-dessus de la Croatie. Mais oui la Croatie a un beau palmarès, avec des joueurs qui ont une grosse expérience du haut niveau, qui jouent dans les meilleures compétitions du monde. C’est très bien pour nous de jouer contre des équipes comme ça pour améliorer notre niveau aussi.
Plus que la pression, c’est surtout l’excitation qui domine avant de jouer ces nations. Sur le papier ils sont plus forts que nous, donc on ne peut qu’être excités.
Et les USA ? Ils se placent où sur la carte du handball mondial ?
Les Américains préparent à fond les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028. C’est une nation assez jeune dans le handball je dirais, mais qui place tout de même des joueurs dans des compétitions professionnelles et essaient d’améliorer le niveau de leur équipe nationale en vue des JO. Donc il faudra se méfier aussi.
Nous, on devra être à 100%, comme toujours. On l’a vu encore contre le Bahrein : si on n’est pas à 100% physiquement, avec toute notre énergie comme contre la Tunisie, on peut aussi perdre contre tout le monde. On devra aborder ce match avec de l’envie et de la présence. Si on joue comme ça, on pourra vraiment les battre, je pense.
Gagner contre Barheïn aurait amené 2 points de plus. Ça change beaucoup de choses de ne pas les avoir ?
Je ne sais pas trop… On doit de toute façon gagner les trois matches si on veut passer et ça aurait été le cas aussi avec 2 points de plus. Là, il faudra en plus un autre résultat en notre faveur. Aborder ce tour principal avec plus de points aurait peut-être donné un peu plus de pression, et l’impression de vouloir faire un peu trop pour accéder aux quarts de finale.
Ici on peut jouer sans pression parce que le tournoi est réussi. Avec ces deux points, on aurait peut-être eu un autre statut, certaines personnes auraient peut-être vraiment attendu qu’on passe en quart… Et ça aurait peut-être été un peu trop nous demander finalement…