Après une version sortie en 2000, suivie d'une autre dix ans plus tard, l'icône techno Jeff Mills revisite à nouveau la bande originale du film de Fritz Lang, sorti en 1927. Il la compile dans une édition exclusive triple vinyle qui est d'ores et déjà disponible.
"Les deux premières versions datent de 1999 et 2010, je trouvais qu'il était temps de revisiter le film car le monde et les gens (en général) ont changé énormément. Cette nouvelle bande son est plus sentimentale et profonde", écrit Jeff Mills dans le communiqué de presse accompagnant la sortie du disque. Là où la version créée au début du siècle proposait la perspective du spectateur regardant l'écran et celle de 2010 le point de vue des personnage du film regardant les spectateurs, cette nouvelle interprétation se voit explorer l'angle des machines de Metropolis, composée comme une bande originale électronique symphonique. Il s'inspire donc essentiellement de l'environnement des scènes du film, nous plongeant dans une ambiance inquiétante, sinistre et parfois dérangeante, parsemée de petites fulgurances plus lumineuses. Pour cette réinterprétation, il a choisi des éléments sonores rapprochant le classique et l'électronique, comme une liaison entre l'homme et la machine.
Technopolis
Il n'est pas anodin de voir Jeff Mills concentrer son art à ce point sur le chef d'oeuvre de Fritz Lang. D'aucuns pourraient faire des connexions entre Metropolis, une ville où l'inégalité est le maître mot, creusant le fossé social entre les travailleurs et les élites, et Detroit, la "Motor City", ville industrielle qui a vu éclore la techno dans les années 80 et dont est issu Jeff Mills. Ce dernier travaille désormais sur le film depuis plus de vingt ans, jouant encore aujourd'hui sa musique lors de projections du film. "À chaque projection, je comprends qu'il est important de montrer ce film au public. Ce n'est pas simplement un film, ce sont des leçons sur l'esprit humain que l'on devrait rappeler à tout un chacun", explique le "Wizard".
Sorti en 1927 durant la République de Weimar en Allemagne, Metropolis trouve encore aujourd'hui une résonnance pour son propos. Étudiant le rapport entre les hommes et les machines, il se démarque justement en ne présentant pas les machines comme des instruments diaboliques qui pourraient échapper au contrôle des hommes. Au contraire, on y comprend que les hommes les contrôlent fermement, souvent d'une manière impitoyable et immorale. Metropolis est un long-métrage sur la race humaine se perdant dans une société sur-industrialisée. En modernisant la bande sonore, Jeff Mills en profite donc aussi pour repasser une couche de peinture sur un long-métrage certes muet, mais criant de vérité et offrant une voie de réflexion pour nous reconnecter à notre humanité.