Cyclisme

Jelle Vanendert, le jour où « Le figurant » est devenu « L'As des as »

"Tac tac badaboum, Jelle-le-pugnace est tout simplement devenu, le temps d’une étape, l’"As des as".

© RTBF / BELGA

" Le figurant ". Ce n’est pas la chanson la plus populaire de Michel Sardou. Mais son texte vaut le détour. " Derrière Bébel, derrière Bourvil, dans les 4L, les Simca 1000, c’est moi. Celui qui courait sous la plage mais qu’ils ont coupé au montage, c’est moi. Devant Montand, devant Miou-Miou, juste devant mais très très flou, c’est moi. Celui qui rêve d’une réplique, comme d’autres rêvent de l’Amérique, c’est moi. Le figurant. "

" Le figurant ", c’est finalement l’histoire de la vie cycliste de Jelle Vandendert. Version revue et corrigée. " Derrière Julian, derrière le Phil, sur mon vélo, bien en serre-file, c’est moi. Celui qui accélérait dans les virages mais qui craquait dans leur sillage, c’est moi. Derrière Alejandro, derrière Gasparotto, juste derrière sur la photo, c’est moi. Celui qui rêve d’une p’tite victoire, comme d’autres rêvent d’éternelle gloire, c’est moi. Le figurant. "

Le discret et filiforme Limbourgeois (1 mètre 84, 62 kilos) prendra sa retraite ce mercredi à l’issue du Grand Prix de Wallonie, au sommet de la Citadelle de Namur où il a réalisé sept top-10, neuf top-20 en onze participations ! Et où il s’est révélé au grand public en 2006 en décrochant une septième place annonciatrice d’un gros potentiel alors qu’il était encore stagiaire.

A 36 ans, les jambes n’y sont plus. La tête non plus d’ailleurs. Après plus d’une décennie chez Lotto, Jelle avait décidé fin 2019 de quitter le World Tour et de rejoindre le circuit continental en s’engageant avec " Bingoal Wallonie-Bruxelles ", la structure dirigée par son ex-équipier Christophe Brandt. Sans grand succès, il faut bien l’avouer. Même si l’expérience qu’il a pu transmettre pendant deux ans aux gamins de l’équipe n’a évidemment pas de prix. " Quand j’ai appris en juillet que je n’étais pas sélectionné pour le Tour de Wallonie, quelque chose a craqué. Cette incertitude permanente quant au programme que je pouvais suivre a causé des problèmes de motivation… ", nous avait-il expliqué fin août en annonçant sa décision.  

Il serait évidemment intellectuellement malhonnête de réduire la carrière de Vanendert a un simple rôle de figurant. De nombreux coureurs rêveraient de pendre le vélo au clou en ayant remporté une prestigieuse étape du Tour de France (au Plateau de Beille, en 2011) et une belle étape du Tour de Belgique (à Wanze, en 2018). Non, Jelle-le-figurant n’a pas fait que de la… figuration ! Mais avec seulement deux victoires en quinze saisons chez les professionnels, il fait partie de ces coureurs talentueux qui auraient sans doute mérité mieux.

Explosif et offensif, oh oui ! Mais il y avait souvent un gars un peu plus fort, un peu plus rapide, un peu plus chanceux devant lui. Deux fois deuxième de l’Amstel Gold Race, troisième et quatrième de la Flèche Wallonne, sixième et septième de la Clasica San Sebastian, septième de la Flèche Brabançonne, dixième et onzième de Liège-Bastogne-Liège, deuxième du classement final du Tour de Belgique, sans oublier donc ses performances à répétition sur le Grand Prix de Wallonie…

Avant l’avènement des Remco Evenepoel, Mauri Vansevenant, Harm Vanhoucke, Sylvain Moniquet, Ilan Van Wilder et consorts, Jelle Vanendert était clairement, avec Jurgen Van den Broeck, le meilleur grimpeur belge des " années 2010 ". Sur des montées sèches et raides comme le Mur de Huy ou le Cauberg, il présentait, quand il était à son apogée, l’un des meilleurs rapports " taille-poids-puissance ". Mais il n’a jamais pu convertir l’essai, contemporain qu’il était des Philippe Gilbert, Enrico Gasparotto, Julian Alaphilippe et Alejandro Valverde.

On ne refera pas l’histoire. Mais au moment de tirer sa révérence, ce mec mérite un minimum d’égard. En souvenir du regard qu’il a eu pour moi le 16 juillet 2011, à l’issue de sa victoire dans la quatorzième étape de la Grande Boucle. Rétroactes : alors que j’attends depuis de très longues minutes à quasi 2000 mètres d’altitude pour réaliser l’interview du lauréat belge du jour, le responsable médias d’ASO décide que c’est terminé, basta, sans aucune considération pour la RTBF. Interpellé par la scène, Vanendert fait, de son propre chef, demi-tour pour venir répondre à mes questions dans le beau maillot à pois rouges qu’il vient d’enfiler.

Ce jour-là, c’était lui la star du film ! Devant Bébel, devant Bourvil… devant Samuel Sanchez, Andy Schleck, Cadel Evans, Rigoberto Uran et Alberto Contador ! Ce jour-là, tac tac badaboum, Jelle-le-pugnace est tout simplement devenu, le temps d’une étape, " L'As des as ".

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