Le fait de montrer les athlètes et de les identifier avec cette étiquette de héros permet de créer un modèle compréhensible par tous. "On connait tous un super-héros ou une super-héroïne et on sait ce que ça cache derrière, sur les blessures et la vie stigmatisée". Mais la métaphore est ambigüe : elle permet certes une identification du public aux athlètes, cependant cela réduit les sportifs en situation de handicaps à ce statut. "Les athlètes avec qui j’ai discuté ne se considèrent pas comme des super-héros. Ils veulent être considérés comme des athlètes à part entière. Comme les athlètes valides, ils s’entraînent dur, sans forcément avoir les mêmes moyens derrière".
Guillaume Gobert, le porte-parole du Belgian paralympic commitee (BPC) pointe également du doigt une couverture parfois inégalitaire des sportifs. "On voit que si l’athlète n’est pas connu, beaucoup dépend de son histoire : d’où il a eu son handicap etc. Si l’histoire n’est pas très spectaculaire, il est vite moins intéressant".
Le communicant se souvient de Marieke Vervoort. "L’athlète avait une histoire particulière, et donc des performances qui n'étaient peut-être pas importantes pour elle étaient médiatisées comme si elle avait gagné le championnat du monde". Le BPC prépare et envoie les athlètes aux Jeux paralympiques, aux compétitions internationales et aux championnats du monde. L’organisation s’est aussi fixée comme objectif de visibiliser le handisport en Belgique, afin que "toute personne en situation de handicap puisse pratiquer un sport à son niveau et inspirer autour de lui ou elle".
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Une visibilité accrue
En 2012, alors que les Jeux olympiques sont largement diffusés, les Jeux paralympiques fin août attirent moins les caméras. De nombreuses contestations éclatent et dénoncent le manque de couverture médiatique. "La cérémonie d’ouverture et de clôture ainsi qu’un match de cécifoot avaient été les seules diffusions sur France Télévision", précise Géraldine Letz. Pour les Jeux suivants à Rio, il y a un effort médiatique. Plusieurs centaines d’heures des Jeux sont diffusées sur la chaîne publique française.
On n’est plus pris comme des handisportifs, on est pris pour des sportifs
En Belgique, les Jeux ont commencé à être suivis à partir des Jeux de Londres, retrace Guillaume Gobert. Aujourd’hui, il remarque une vraie évolution dans la couverture des Jeux. Les moyens mis en place augmentent : on envoie davantage de journalistes. "On voit une très grande différence entre Londres [...] et Tokyo. La dernière update, c’est qu’on aura huit équipes de télévision à Tokyo".
Les dispositifs mis en place par les médias aussi ont évolué. " La RTBF va faire des directs chaque jour, pendant plusieurs heures. La VRT prépare plusieurs directs en télévision et en ligne. [...] Ils font beaucoup plus qu’avant". Le porte-parole remarque également une meilleure médiatisation du handisport en dehors des périodes de Jeux. Bien qu’en télévision, cela soit encore rare, de plus en plus de directs en ligne diffusent des compétitions de handisport.
Joachim Gérard, est classé troisième au ranking mondial de tennis en chaise. En août, il participera aux Jeux paralympiques pour la quatrième fois. Avoir de la visibilité médiatique est primordial pour l’athlète. "C’est un cercle vertueux. Ça me permet d’avoir des sponsors, les sponsors permettent d’avoir de l’argent, l’argent permet d’avoir des résultats et les résultats permettent d’avoir de la médiatisation".
Comment mettre en avant des corps qui ne répondent pas aux moules normatifs de la société ?
Mais ce même cercle peut devenir vicieux : sans médiatisation, il y a un accès plus difficile aux sponsors. Il a observé l’évolution de sa couverture médiatique et celle du handisport. "On n’est plus pris comme des handisportifs, on est pris pour des sportifs. On voit le changement dans les médias mais aussi dans le regard des spectateurs". Satisfait de sa médiatisation, il déplore tout de même un manque d’intérêt pour le handisport plus largement. "Je pense que la couverture médiatique pourrait être beaucoup plus répandue à d’autres athlètes qui ont d’aussi bons ou de meilleurs résultats que moi. Sur ce point, je suis déçu. La médiatisation s’arrête à un ou deux sportifs, alors que tous le mériteraient".