L’athlétisme belge a donc pu savourer de très belles performances au stade olympique de Tokyo. Impossible de toutes les citer. Rares sont ceux et celles qui ont déçu. La délégation athlétique, la plus imposante depuis longtemps, a tenu son rang. Deux médailles… comme en 2008. Et de ma position privilégiée dans ce stade trop vide qui sonnait creux, je voudrais d’abord attribuer ma médaille d’or.
Fred
Elle ira à mon consultant. Frédéric Xhonneux. Testé positif et écarté de notre groupe après 2 jours de compétition. Positif au Covid mais positif dans l’âme, tu as, cher Fred, été grand. J’imagine pourtant comme l’isolement imposé a dû être difficile à vivre. Coincé entre 4 murs pendant que les athlètes que tu aimes tant déployaient leurs performances sur la piste. Mais tu as tenu le cap et, grâce à la technique et à nos ingénieurs à la RTBF, tu m’as accompagné - à distance - au commentaire des sessions du soir. Ta chaise était vide à côté de moi mais ton âme et ta voix étaient bien là. Pour le plus grand bonheur de nos téléspectateurs et téléspectatrices. Merci pour ça.
Nafi Au panthéon
Porte drapeau. Au propre. Au figuré. Elle emmène tout le monde dans son sillage. Du haut de ses 26 ans (bientôt 27), Nafi a vécu deux années difficiles. Baladée entre doutes, blessures et émotions à gérer. Sans compter la pression. Médiatique, publique. Elle a pris moins de plaisir qu’à Rio mais elle a assuré à Tokyo. Parce que c’est une championne hors pair. Sublimée par la performance, elle s’est arrachée chaque instant pour être la première sportive belge de l’histoire à être sacrée deux fois de suite championne olympique. Unique et authentique Nafi. Et unique couple avec son coach de toujours Roger Lespagnard. Association improbable mais si complémentaire. Nafi la Belgique t’aime alors elle comprendra que tu as besoin de répit. Pour repartir quand il le faudra vers d’autres exploits.
Bashir plus Belge que tout
Exploit aussi sur l’épreuve finale. Pour aller décrocher la 14e médaille belge de l’histoire de l’athlétisme aux Jeux. Comme Philippe Albert … je l’avais dit bordel ! Que Bashir pouvait le faire. Une 4e médaille (la 3e en bronze) sur marathon pour la Belgique. Après le bronze d’Etienne Gailly (1948 - Londres), l’argent de Karel Lismont (1972 - Munich) et le bronze du même Lismont (1976 - Montréal)…voilà Bashir Abdi. Ce réfugié somalien, ami de Mo Farah (la légende britannique), parfaitement intégré chez nous depuis de nombreuses années, est désormais un olympien. 45 ans d’attente pour que la Belgique brille à nouveau sur le 42,195 km. Et dire que ce ne sont que ses débuts sur la distance. Bashir Abdi a de la suite dans les idées et son sourire a illuminé ma journée de dimanche. J’ajouterais que l’histoire repasse les plats. Comme en 1976 lorsque les cavaliers belges avaient remporté une médaille la veille du marathon " bronzé " de Lismont. Le destin fait parfois bien les choses.
L’héritage
Nafi a fait des émules… comme Noor Vidts. Comme Jente Hautekeete dont on reparlera en décathlon chez les garçons. La Namuroise laisse un héritage pour des générations. Bashir, lui, perpétue la tradition de nos marathoniens. La Belgique est de retour au premier plan. Et puis il y a les frères Borlee. Kevin et Jonathan sont là depuis 2008. Treize ans au sommet. Pour 13 médailles (en 27 finales européennes et mondiales). La 14e n’était pas loin. La seule qui manquait à leur incroyable moisson. Une médaille olympique. Alors oui, pour la troisième fois en 4 olympiades les " Tornados " décrochent la médaille en chocolat. Celle qui fond quand on la tient en main. Comme a fondu notre cœur après avoir vu Kevin hurler de rage après la ligne. La rage que son frère jumeau et lui ont eu depuis 13 ans pour s’arracher et montrer qu’un petit pays pouvait sortir de grands athlètes. La rage de passer à côté de cette médaille dont ils rêvaient depuis 13 ans. Le record de Belgique atteste de leur performance mais le chrono n’atténuera pas leur immense et légitime déception.
Pour Kevin et Jo (33 ans), l’adieu aux Jeux pique aux yeux. Les miens ont piqué aussi. On avait presque envie de pleurer avec eux ce samedi soir. Mais ce qu’ils laissent derrière eux, au delà du palmarès, c’est un héritage. Leur passion pour l’athlétisme et le 400 en particulier a fait naître des dizaines et des dizaines de vocation. Alors messieurs regardez ce que vous avez construit. Ce que vous avez bâti. Dans la sérénité parfois. Dans la difficulté souvent. Dans la performance toujours.
L’héritage c’est cela. Léguer à son prochain. Des valeurs, des joies, des peines, de la sueur, des larmes mais aussi du bonheur partagé. Merci donc d’avoir partagé cela avec nous.