A partir de ce mercredi 04 août, Nafi Thiam remet son titre olympique à l'heptathlon en jeu. Point positif de la pandémie de coronavirus, l'athlète préférée des Belges l'aura gardé un an de plus. Jeudi soir, en cas de succès, elle deviendra la première championne olympique belge à conserver sa médaille d'or, tous sports confondus. Aucun homme non plus n'a jamais réalisé cet exploit.
C’était comme toujours dans les épreuves combinées, deux journées interminables. Nous sommes le vendredi 12 août 2016 lorsque Nafi Thiam se présente au départ du 100 mètres haies, première des 7 épreuves de son premier heptathlon olympique. En cette première session d’athlétisme des jeux de Rio 2016, les tribunes du stade brésilien sont encore clairsemées mais déjà baignées d’un généreux soleil. La piste, elle, est détrempée à la suite d’une violente pluie tombée quelques heures plus tôt. Le silence se fait, alors que les filles de la deuxième série s’installent dans les starting blocks. Faux départ de l’allemande Jennifer Oeser. Deuxième faux départ signalé et attribué à… Nafi Thiam, qui risque alors rien de moins que l’élimination. Mais après une interminable attente et un stress visible dans le chef de la namuroise, les membres du jury brandissent finalement un carton vert, synonyme d’erreur technique. Le 3e départ est le bon. Nafi Thiam, dont la concentration et la détermination ne semblent pas avoir été affectées par ce moment de flottement qui aurait pu ruiner tous ses espoirs de bons résultats, franchit la ligne en 13 secondes 56 centièmes, ce qui constitue alors le meilleur chrono de sa carrière sur la distance. La jeune femme bondit de joie en découvrant le chrono de son premier record personnel de la journée. La voilà libérée et totalement lancée dans son heptathlon dont elle ne sait pas encore qu’il deviendra historique.
Record du monde à la hauteur
Les épreuves s’enchaînent. La hauteur, sa préférée. A l’échauffement, la belge vole littéralement et enchaîne sans broncher les barres à 1m80. Le concours débute, Nafi entame le sien à 1m83. Premier essai, première barre aisément franchie. 1m86, 1m89, 1m92. Toutes au premier essai. Elles ne sont plus que 4 dans le concours. A 1m95, Thiam doit s’y reprendre à 3 fois. Mais à 1m98, dans un duel de très haut vol avec, KJT, Katarina Johnson-Thompson, l’athlète de 21 ans s’envole et franchit la barre au premier essai, s’offrant ainsi un record du monde à la hauteur dans le cadre d’un heptathlon (record qu’elle portera à 2m02 trois ans plus tard). La voilà 2e du classement général provisoire derrière KJT. Débute alors une longue attente de près de 7 heures avant le poids, la 3e épreuve du jour. Un jet à 14m91 lui assure la victoire et des points précieux au classement général. Lors de la 4e et dernière épreuve du jour, le 200 mètres, Thiam signe un chrono de 25.10 secondes. Une première journée bouclée à une encourageante 2e place ( elle n'est alors devancée que par la championne olympique et du monde en titre, la Britannique Jessica Ennis-Hill) pour une athlète arrivée à Rio sans grandes prétentions ni attentes. Pourtant, au moment de se coucher, la jeune athlète belge sait qu’elle fait désormais partie des prétendantes au podium. Voire même au titre suprême. Mais, comme toujours, elle temporise " On ne donne pas de médailles après la première journée, dont tout reste à faire " nous confie-t-elle avec beaucoup de sang-froid, de confiance et de clairvoyance. " Il reste trois épreuves, je dois continuer à performer si je veux rester devant. Il faut continuer comme ça. "
L'état de grâce se poursuit le 2e jour
Le lendemain, la 2e journée commence sur les chapeaux de roue avec un bond à 6m58 à la longueur, nouveau record personnel, le 3e déjà depuis le début des épreuves la veille. Vient alors le moment de lancer le javelot, là aussi une des spécialités de la namuroise. Nafi sait qu’elle peut assommer le concours mais elle sait aussi que son coude droit la fait souffrir depuis de longs mois. Mais elle ne réfléchit pas et s’arrache pour signer un nouveau record personnel, 53m13.
Il est un peu plus de 4h du matin, heure belge (23h au Brésil), lorsque Thiam se présente au départ du 800 mètres, dernière des 7 épreuves de cet heptathlon olympique. Dans les salles de repos du stade, entre les deux dernières épreuves, Roger Lespagnard, son coach de toujours, a fait et refait tous les calculs. Au départ du double tour de piste, tous deux savent qu’il ne faut pas concéder plus de 9 secondes et 47 centièmes à Jessica Enis-Hill qui suit Nafi au classement général. L’or olympique est à ce prix. Dans le premier tour, elle gère. Avant d’accélérer progressivement pour finalement couper la ligne en 2.16.54, 5e et dernier record personnel de cet hepta de feu que Nafi Thiam, 21 ans, remporte avec un total de 6.810 points, nouveau record de Belgique (battu depuis lors) à la clef. Nafissatou Thiam devient la 4e championne olympique belge en athlétisme, 8 ans après Tia Hellebaut, l’une de ses modèles. " Je n’arrive pas à réaliser, c’est incroyable " confesse-t-elle pudiquement à la sortir du stade. " Je n’étais pas venue pour une médaille et encore moins pour un titre. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Je suis contente d’avoir rendue fière toute la Belgique. "
Et maintenant, le doublé?
Un titre olympique, c’est pour beaucoup d’athlètes une fin en soi. Pour Nafi Thiam, c’est aussi le premier titre d’une série incroyable qui la verra devenir championne du monde (Londres 2017), championne d’Europe (Berlin 2018), vice-championne du monde (Doha 2019) mais aussi championne d’Europe en salle (Torun 2021) et remporter les plus grands meetings d’épreuves combinées du monde (Götzis, Talence).
Une série incroyable, unique dans l'histoire de l'athlétisme et du sport belge. Une série plus que jamais en cours.