Jonas Gerckens : confidences en tout genre avant le départ de la Route du Rhum

"D’abord la gestion du sommeil : quand vous dormez, d’une part vous prenez plus de risque de collision ou de déroute du bateau mais aussi il avance moins vite que si vous êtes à la manœuvre. Mais dans l’autre sens, trop peu de sommeil peut vous affaiblir gravement ou provoquer des hallucinations, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Ensuite, la casse mécanique. Quand on est sur des mers trop cassantes, un tas de choses peuvent se casser sur un bateau, voire le bateau entier. Il faut limiter les risques, tout en continuant à naviguer le plus vite possible, puisque le but est de gagner.

Mais le piège principal, ce sont les éléments, bien sûr. Régulièrement l’océan, le vent, et le ciel nous rappellent que c’est la nature qui reste la patronne. Dans une tempête on peut tout perdre : son avance, son bateau, sa vie, même ! On peut aussi se retrouver en panne, dans une zone sans vent, et on perd des places au classement. Il faut donc bien analyser les cartes météorologiques puis prendre les bonnes décisions d’itinéraires".

"Il y a le mental : le plus stable possible. Il y a des moments terriblement durs et d’autres où on pourrait verser dans l’euphorie, eh bien les deux sont à éviter. Avoir un bon mental, c’est d’abord un trait de personnalité de départ (ou non !), puis cela se travaille en mer, au fil des courses, et à terre avec des formations ad hoc.

Deuxième clé de réussite, être un bon marin, c’est-à-dire savoir faire avancer vite son bateau et être capable de prendre les bonnes décisions de cap par rapport aux prévisions météo.

Surtout, c’est la capacité à souffrir qui peut faire la différence. Le dépassement de soi est capital, alors qu’on est 24 heures sur 24 dans la course, plusieurs semaines d’affilée, avec le froid, l’humidité, la fatigue, la douleur, la maladie et les blessures parfois, et qu’on ne peut rien lâcher".

"Moi j’ai tendance à trop peu dormir. Et je sais que c’est mauvais. Je dois donc me forcer, pour ne pas me mettre dans le rouge.

Ensuite, j’ai tendance à parler tout seul. En bien ou en mal. Je peux dire aux dauphins que je les trouve beaux et à mon bateau qu’il est le meilleur, mais je peux aussi insulter le vent parce qu’il est trop fort ou la mer d’être trop cassante.

Mais ma plus mauvaise habitude c’est de négliger ma toilette : ne pas prendre ma douche assez souvent, rester plusieurs jours sans me brosser les dents,… Je profite parfois d’une averse pour me mettre nu sur le pont et me rincer un bon coup, mais comme souvent il fait froid, c’est le minimum syndical et je remets à plus tard".

"Le premier ce sont les levers et couchers de soleil, qui sont toujours incroyables en mer.

Ensuite les ciels étoilés quand il n’y a pas de nuage. Comme il n’y a aucune lumière artificielle sur l’océan, on a des ciels tout blancs tellement il y a des étoiles. C’est fabuleux.

Mais ce qui me fait le plus flipper c’est de sentir mon bateau partir au surf sur des vagues juste bien faites, avec ce sentiment de vitesse et d’efficacité, et des dauphins qui s’amusent à faire la course avec moi. Ça, c’est le pied !"

"Une bonne douche chaude, un matelas, sec si possible ! Et… un bon boulets-frites !"