Football

Jules Van Cleemput (Charleroi) sur le Gril : "Au Sporting, j’ai découvert une vraie famille"

Jules Van Cleemput (Charleroi) en mode selfie

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Arrivé sur la pointe des pieds il y a deux ans, il est devenu l’un des piliers du Sporting Charleroi façon Karim Belhocine puis Edward Still. Avant le choc de dimanche au Club Bruges, il évoque Noa Lang, les clean-sheets, Conor McGregor, l’image du Pays Noir en Flandre, Cristiano Ronaldo, le foot italien, Gheorghe Hagi, son rôle de stopper droit, Jan Vertonghen et les Play-Offs 1. Mais aussi l’architecture, l’Irish Tale, les interviews, Aster Vranckx, la dépression, Olivier Deschacht, l’humour des supporters, Philippe Clément, les datas et Bjorn Vleminckx. Et surtout… Tintin. Jules Van Cleemput (Charleroi) passe " Sur le Gril ".

Il nous accueille dans la maison familiale, sur son jour de congé, à 72 heures du choc à Bruges : un break bien nécessaire après trois jours full régime. " On en avait besoin, le coach nous a fait travailler très dur cette semaine " explique Jules Van Cleemput. " Dimanche, on joue au Breydel, contre l’équipe qui reste pour moi la plus grosse écurie de Pro-League : il faut être prêt ! Bruges compte pas mal de joueurs qui ont joué dans de grands clubs… et d’autres qui y joueront bientôt. Mais on va y aller pour les trois points… et avec nos valeurs : l’humilité, le travail et le collectif. C’est un match qui peut nous donner un extra-boost : on est dans une bonne période, on y va sans stress… et avec confiance. "

Jules Van Cleemput en action contre Saint-Trond
Jules Van Cleemput en action contre Saint-Trond © Belga

Jules pour les intimes : pas fréquent… surtout au Nord du pays.

C’est vrai qu’on me regarde parfois bizarrement avec mon prénom… mais c’est un rituel de famille : mon grand-père s’appelle Julien, et il y a plusieurs Jules et Julien chez nous. On aime bien les vieux prénoms français chez nous… mais ils reviennent aussi à la mode ! Moi aussi, si j’ai un fils, il s’appellera Julien… (clin d’œil) Tintin ? (Il s’esclaffe) Vous êtes le premier à faire le rapprochement ! C’est vrai que je suis blond et que j’ai les cheveux ras, mais je n’ai pas la houppette ! Parfois, les supporters adverses me chambrent à l’échauffement en me criant ‘Oli ! Oli !’, en référence à Olivier Deschacht, et ça me fait marrer. J’adore le folklore des supporters : sans eux, le foot à huis clos, c’est horrible, et ils nous poussent toujours vers l’avant… Nos fans chantent parfois : ‘Qui ne saute pas est un Flamand’, et ça me fait rire. Sinon, au vestiaire, on m’appelait aussi Conor, comme le catcheur Conor McGregor car j’étais très musclé… Mais c’était la saison passée : j’ai perdu pas mal de kg depuis ! " (clin d’œil)

"La Flandre n'a pas la vraie image de Charleroi"

Arrivé voici deux ans à Charleroi, au mercato hivernal, suite au départ pour Parme de Maxime Busi, Jules Van Cleemput est l’habitué des interviews d’après-match : c’est lui qui est chargé de répondre aux journalistes néerlandophones !

L’année passée, avec Benchaïb, on était déjà deux Flamands au vestiaire mais Amine jouait peu, donc c’est moi qui m’y collait... Maintenant, il y a aussi Anass Zaroury qui parle le Néerlandais, et Daan Heymans qui vient de nous rejoindre. Mais ça ne me dérange pas : vous devez aussi faire votre boulot et moi, ça me permet de synthétiser ma pensée et d’avoir les idées claires. Après, c’est vrai qu’il faut être prudent dans ce qu’on dit parce que c’est aussi le rôle des médias de ‘chauffer’ un peu. (Il sourit) Donc moi, quand ce n’est pas en direct, je demande toujours de relire les interviews avant la parution dans le journal. Je n’ai pas de soucis avec les journalistes mais parfois, il y a des malentendus, alors autant éviter ça… " (clin d’œil)
 

Jules Van Cleemput, début 2020, lors de sa signature au Pays Noir
Jules Van Cleemput, début 2020, lors de sa signature au Pays Noir © Belga

Venu de Malines, où il a découvert le professionnalisme, Van Cleemput a aussi franchi la frontière linguistique… ce qui lui a permis de tordre le cou à certaines idées reçues.

Mon transfert à Charleroi s’est fait très vite, en moins de 48 heures, et je dois reconnaître que je me demandais un peu dans quoi j’allais tomber. Je parlais déjà le Français : je l’ai appris à l’école, je l’ai également pratiqué au Standard où j’ai joué une saison en U16 et il y avait aussi beaucoup de Francophones dans l’équipe de Malines. Mais je quittais un cocon où je connaissais tout le monde : à Malines, on sortait en ville entre potes…. et là, d’un coup, je me retrouvais tout seul. Il y avait aussi l’image que j’avais de Charleroi : venir jouer contre le Sporting était toujours un match difficile, c’était la guerre… avec l’arbitre toujours contre vous ! (sic) La formule ‘Pays Noir’ donne aussi l’impression d’une ville triste et sans joie… et mes potes ont d’ailleurs été très étonnés que je signe là-bas. Et puis, sur place, j’ai découvert des gens chaleureux, prêts à se couper en quatre pour vous. Aujourd’hui, je dis à mes amis que j’ai trouvé une famille ici : j’espère que d’autres joueurs flamands viendront jouer ici. C’est une vraie leçon pour moi : ne jamais juger avant de vivre les choses par soi-même... Et c’est aussi ce qui me fait mieux jouer : j’ai besoin de me sentir bien pour ça. A Malines, je mettais l’ambiance au vestiaire : après chaque victoire, on chantait l’Irish Tale ! (NDLA : allez jeter un coup d’œil sur YouTube…) A Charleroi, je suis un peu plus timide car ce n’est pas facile de faire de l’humour quand ce n’est pas votre langue maternelle. Mais avec Massimo Bruno l’année passée, on se marrait bien : lui et moi, on a vraiment le même humour. C’est cet esprit de groupe qui nous permet de faire de bons résultats avec Charleroi. "

"J'ai trouvé mon poste pour la vie"

Individuellement, et malgré une blessure à la cheville qui l’a bloqué deux mois fin 2021, Van Cleemput s’est affirmé comme un des cadors de l’équipe d’Edward Still. A seulement 24 ans, il en est aussi déjà un des anciens…

J’avais fait une super-saison en D1B avec Malines, l’année où on est monté et où on a gagné la Coupe. Mais ici, oui, c’est ma meilleure saison en D1A. C’est dû au travail quotidien et à mon repositionnement comme stopper droit dans notre défense à trois. Ca m’a donné un vrai boost : je pense que j’ai vraiment trouvé ma place pour le reste de ma carrière, je dis merci au coach de m’avoir replacé là ! (NDLA : auparavant, Van Cleemput jouait back droit dans une défense à quatre) J’aime beaucoup le foot italien, où on joue aussi à trois derrière. J’ai le jeu devant moi, je peux distribuer et sortir offensivement. J’aime bien coller à l’adversaire et créer le surnombre. Avant d’arriver en Première à Malines, où le coach de l’époque Aleksandar Jankovic m’a reconverti en défenseur, je jouais aux postes offensifs : un coordinateur de jeunes m’avait même surnommé ‘Bjorn Vleminckx’ car il trouvait que je lui ressemblais. (rires) Disons que moi aussi, je vais au charbon… mais je n’ai jamais joué en 9. Quand je me retrouve dans le rectangle, j’ai encore des automatismes de finition… même si je n’ai évidemment pas le dribble d’un Zaroury ! "

Jules Van Cleemput avec son coach Edward Still
Jules Van Cleemput avec son coach Edward Still © Belga

Depuis la reprise (off-day à l’Antwerp mis à part), la défense carolorégienne reste sur un seul petit but encaissé, au surplus sur phase arrêtée, en cinq sorties.

L’approche de notre coach Edward Still est très précise : comme chacun sait, il s’appuie sur les datas… et les résultats lui donnent raison. Que ce soit les duels ou les kilomètres parcourus, les chiffres ne mentent pas… même si parfois on peut aussi gagner un match en étant moins bon que l’adversaire. Moi, je regarde toujours mes kilomètres parcourus, mes duels remportés, mon nombre de passes vers l’avant et mon pourcentage de passes réussies. C’est un challenge pour vous pousser à faire mieux à chaque match. J’ai marqué récemment mes premiers buts en D1A… mais aujourd’hui je préfère les clean-sheets au fait de marquer. C’est une manière aussi de rendre hommage au talent de nos gardiens, Hervé Koffi et Boubacar Kamara. En plus, quand je marque, je ne sais même pas comment célébrer ! " (Il s’esclaffe)

Un Papy qui a placé Hagi au Real Madrid...

Le défenseur sambrien est né dans le sérail du foot : son papa, Peter Van Cleemput, a joué au Beerschot à la fin des années 80 (" Avec Philippe Clément… dont il fut même le témoin de mariage : quand je croisais Clément au match, il me disait toujours de remettre le bonjour à Papa ! ") et son grand-père a été l’agent… de Gheorghe Hagi, le grand joueur roumain des années 90 surnommé le Maradona des Carpates.

Il connaissait pas mal de joueurs roumains,  comme aussi Gheorghe Popescu, et c’est lui qui a réglé le transfert de Hagi au Real Madrid ! Mais il a aussi fait le transfert de Bart Goor à Feyenoord. Mon grand-père est un businessman-né (clin d’œil) et avec mon père, il défend aujourd’hui mes intérêts. C’est toujours utile d’avoir des proches qui connaissent la musique. Mon père a toujours été derrière moi : ado, je n’étais pas le plus travailleur et c’est lui qui me poussait à aller courir le dimanche matin pour améliorer ma condition. C’est lui aussi qui m'a toujours appris à garder la tête froide et à rester humble dans chaque situation, de bien mesurer mes mots et de ne pas partir dans des déclarations que je regretterais après. Il m’a aussi incité à étudier le plus longtemps possible, car en football, une blessure est vite arrivée. J’ai d’ailleurs entamé des études supérieures en Sciences Economiques Appliquées puis en Management des PME… mais j’ai dû stopper à cause du foot et du manque de temps. J’adore aussi l’architecture : je peux apprécier des beaux stades ou des maisons abstraites. Je garde toujours ce goût d’apprendre… et quand on dit que les footballeurs passent 6 jours sur 7 en boîte de nuit et ne savent pas compter jusqu’à 10, c’est un cliché ridicule. "

Jules Van Cleemput à la lutte avec Michel-Ange Balikwisha (Antwerp)
Jules Van Cleemput à la lutte avec Michel-Ange Balikwisha (Antwerp) © Belga

Né dans une famille supportrice du Beerschot (" On allait voir tous les matches avec mon grand-père, on a pris le bus à 30 pour aller voir la finale de la Coupe au Heysel en 2005 et j’étais fan de Hernan Losada et Gustavo Colman : ça me fait mal aujourd’hui de voir que le Beerschot va peut-être descendre… mais sur le terrain, il n’y a pas d’ami et je porte le maillot de Charleroi ! "), Jules Van Cleemput a aussi rejoint un club carolo passé maître dans l’art de faire briller des joueurs méconnus… puis de bien les revendre.

Je n’ai jamais pensé que le Sporting n’était, pour moi, qu’un tremplin vers plus haut. N’oubliez pas que quand j’ai signé ici, Charleroi était en tête du classement, donc c’était un vrai pas en avant sportif ! Je ne me projette jamais dans le futur : en football, il faut toujours vivre le moment présent. Je joue chaque match à fond sans calculer, avec juste le désir de mouiller le maillot de l’équipe qui me paie. Je suis ambitieux… mais surtout raisonnable : ça ne sert à rien de commencer à se rêver dans d’autres clubs. Avec Charleroi, on va tout faire pour jouer le Top 4 et participer aux Play-Offs 1… mais cela se fera pas à pas, match après match : d’abord Bruges, puis l’Union, etc. L’Union montre qu’avec une bonne mentalité et du travail collectif, on peut aller loin. Quand tu vois leurs vidéos et comment ils fêtent leurs victoires, ils me font penser à notre équipe de Malines quand on a gagné la D1B : on n’avait pas les meilleurs joueurs, mais on avait la meilleure bande. L’Union est l’équipe actuelle qui joue le mieux au foot et qui mérite le titre… mais avec la division des points par deux, on ne peut plus rien prédire. "

"Moi chez les Diables Rouges ? Je laisse parler les analystes"

Freiné à l’automne par une blessure, Jules Van Cleemput s’apprêtait, dit-on, à intégrer le groupe des Diables Rouges, dans le cadre de l’opération rajeunissement entamée par Roberto Martinez. La rumeur dit en effet que le Sélectionneur Fédéral avait inscrit le Carolo dans sa pré-sélection.

On me l’a dit aussi… mais je n’en sais rien : en tout cas, je n’ai eu aucun contact. Je laisse les analystes parler et je suis ambitieux mais je ne réfléchis pas à ça. Ce n'est pas à moi de dire si je dois être international : je fais mon boulot à Charleroi… et après, on verra. La défense prend peut-être de l’âge, mais vous ne m’entendrez jamais dire que je vais remplacer Jan Vertonghen ou un autre. Les ambitions, ce n’est pas la réalité… et ce qui m’occupe aujourd’hui, c’est Charleroi. Vous savez, j’ai connu à Malines le jeune Aster Vranckx : après un seul entraînement, on avait tous compris... Je n’avais jamais vu un joueur avec un tel physique ! Il vient de marquer deux buts avec Wolfsburg et son avenir international est tout tracé. Mais sa réussite est aussi liée au fait qu'il reste très humble. C'est un joueur normal, il ne fait pas de bêtises et il est toujours respectueux. C’est la clé. "

Jules Van Cleemput parfois buteur...
Jules Van Cleemput parfois buteur... © Belga

Au sortir d’une crise sanitaire qui s’éternise, Van Cleemput revient aussi sur ses premiers mois à Charleroi, résonnant comme un changement de vie au tournant du Covid. Une période qui lui a fait broyer du noir.

J’étais seul dans mon appartement, je ne connaissais personne, j’étais coupé de ma famille et je me suis aussi blessé. On ne pouvait plus sortir à cause du confinement : c’était l’enfer pour un gars sociable comme moi. J’ai alors commencé à déprimer. Je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup et j’ai aussi mes périodes de doute. On pense souvent que les footballeurs gagnent beaucoup d'argent et qu’ils ont la belle vie parce qu'ils ont du temps libre et des femmes partout (sic). J’ai reçu beaucoup de soutien au club, des supporters et de Mehdi Bayat qui m’a mis en contact avec un coach mental, Michel Bouhoulle. Ils m’ont fait sortir de cette spirale négative. Parler de ses faiblesses et de psychologie est souvent tabou dans le monde du foot… et je trouve ça dommage. On a tous des émotions, positives et négatives, et c’est normal d’en parler. Pour moi, cela fait même de toi une meilleure personne. Moi, si je n’avais pas trouvé des gens à qui parler, je ne serais pas au niveau où je suis aujourd’hui... Donc je suis très heureux d’avoir osé parler à cœur ouvert : chacun devrait essayer de le faire. "

"Le foot ? De la fierté, du combat et de la discipline"

Ce dimanche, Van Cleemput se confrontera à d’autres défis : bloquer l’attaque brugeoise, et sa triplette Charles De Ketelaere-Bas Dost-Noa Lang.

Il faut prendre chaque joueur avec ses qualités, et résoudre l’équation collectivement. Lang, par exemple il ne faut pas lui laisser de l’espace et le laisser dribbler ou frapper. C’est un attaquant qui a besoin de toucher souvent le ballon et de provoquer. Des attaquants comme Michael Frey vont davantage chercher le duel. J’avoue que je n’aime pas trop les joueurs qui provoquent et qui simulent car pour moi, le foot est d’abord un sport de combat, de fierté et de discipline (sic). Après, chaque joueur joue avec ses qualités... Et il faut y répondre avec calme et intelligence. L’attaquant qui m’a fait le plus souffrir, c’est Moses Simon avec La Gantoise, lors de ma première saison en D1A, il y a 4 ans. Je n’avais aucune expérience, je ne savais pas comment défendre sur un joueur aussi rapide : ça a été un vrai cauchemar… mais ce match m’a beaucoup appris. Aujourd’hui, je me réjouis de jouer sur Deniz Undav (NDLA : Van Cleemput était blessé au match aller) car on m’a dit qu’il était très malin : tu l’oublies une seconde… et il marque direct ! Après, j’ai toujours été fan de Cristiano Ronaldo : toujours au taquet, toujours obsédé par le but, même dans les petits matches, une vraie machine de guerre ! Et puisque je suis défenseur aujourd’hui, je regarde beaucoup Sergio Ramos : toujours au top physiquement, techniquement et tactiquement ! "

Jules Van Cleemput à la lutte avec Noa Lang (Club Bruges) : préface de ce dimanche ?
Jules Van Cleemput à la lutte avec Noa Lang (Club Bruges) : préface de ce dimanche ? © Belga

Pour conclure, on lui propose un dernier choix… a priori cornélien : on lui demande de choisir entre une place en Play-Offs 1 avec Charleroi… ou une sélection individuelle avec les Diables Rouges au Mondial qatarien. La réponse fuse.

Sans hésiter, les Play-Offs 1 avec le Sporting ! Ca va de soi : je suis joueur de Charleroi, pas des Diables ! Je le répète : mon objectif, c’est d’aller le plus haut possible avec le Sporting. C’est pour ça qu’on travaille tous. Chaque semaine. Chaque jour…. "

Le collectif, toujours, avant tout le reste…

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