Jupiler Pro League

Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..."

Par Erik Libois

Certains l’appellent " le chouchou à Hein ". Et pour cause : depuis de nombreuses années, le coach de Gand voulait le recruter… et pour sa première saison, le Liégeois est déjà devenu le maillon fort de Buffalos qui visent haut. Il évoque les agents, Tarik Tissoudali, les X-goals, Timmy Simons, la paternité, Sergio Busquets et ses lettres aux supporters. Mais aussi le tiki-taka, le coefficient UEFA, l’argent noir, son frangin Alexis, les cartons pour rouspétance et Steven Gerrard. Et bien sûr… ses fameuses passes diagonales. Julien de Sart passe " Sur Le Gril ".

Malgré ses 27 ans tout récents, il balade déjà son mètre quatre-vingt-sept pour la… 9e saison chez les professionnels. Celui qui (avec son frère Alexis, aujourd’hui en prêt à OHL) a si longtemps été taxé de " fils de ", s’est largement affranchi de l’ombre de son paternel (NDLA : Jean-François, ex-FC Liège, Anderlecht, Standard et Diable Rouge), aujourd’hui reconverti derrière son guichet bancaire.

Ca a été dur au début car forcément, les gens disaient qu’on était favorisés par notre nom " commence Julien de Sart. " On a donc dû prouver plus que les autres… mais ça nous a endurcis mentalement. D’un autre côté, on a toujours bénéficié des bons conseils du paternel, qui était du milieu. Il était toujours très exigent et jamais satisfait de nos performances : je suis aussi comme ça ! Il nous a transmis cette volonté de faire toujours plus et mieux. Après, ce que les gens pensent, vous savez… On a appris à laisser parler. "

Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..."
Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..." © Belga

Pas trop de débat sur son niveau actuel : derrière la triplette axiale du compartiment arrière Bolat/Hanche-Olsen/Ngadeu, c’est lui qui joue le plus à Gand cette saison. De Sart a gratté 34 des 37 matches possibles, et toujours sans trop ahaner.

On a eu une préparation très dure, typique de Hein Vanhaezebrouck. Mais du coup, malgré la fatigue en fin de match, il nous reste toujours 10% dans les jambes pour tirer plus loin et on se sent frais entre les matches. Obligé : on est mi-janvier et on a déjà joué plus de 35 matches cette saison… alors que c’est le bilan total que des clubs, type Saint-Trond ou Zulte Waregem et qui ne joueront pas les Play-Offs 2, atteindront en fin de phase régulière ! On est toujours engagés sur trois fronts (NDLA : Gand est le dernier club belge qualifié en Europe) mais on ne calcule pas : ce n’est pas le genre de notre coach de faire des priorités. Le coefficient UEFA du football belge ? On fera de notre mieux, mais c’est surtout Gand qu’on veut mettre sur la carte. "

" Tissoudali ? Le meilleur en Belgique… "

Après un début de saison difficile, les Buffalos ont gravi les marches quatre à quatre. Jusque à se positionner en embuscade… juste derrière le Top 4.

Si on avait marqué toutes nos occasions, on serait beaucoup mieux classés ! On est la meilleure équipe de D1A… aux ‘expected-goals’ (NDLA : buts attendus en regard de la qualité et du nombre des occasions). Il nous manque peut-être ce brin d’envie et de détermination pour aller mettre ces ballons au fond… quand on croit qu’ils y sont déjà ! C’est le paradoxe : on a de super-attaquants, capables de jouer dans les petits espaces, dans les pieds ou en profondeur… et c’est pour ça qu’on est frustrés. Notamment Tarik Tissoudali : un magicien celui-là ! C’est le plus fort en Belgique pour jouer avec son corps dans le rectangle et s’il était un peu plus lucide devant le but, il serait en tête des buteurs de Pro-League… et de loin ! Si on gomme ces déchets, si on n’a pas trop de blessés… et si le Covid nous épargne, on pourra jouer le titre. Surtout avec cette formule des play-offs où tout est possible ! Ce qui est sûr, c’est qu’avoir signé ici est la meilleure décision de ma carrière ! "

Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..."
Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..." © Belga

A l’inverse de ses collègues attaquants, de Sart n’a jamais autant buté : 6 buts cette saison (3 en championnat), record personnel depuis qu’il est pro !

Je suis en confiance car je sais que le coach aime mon profil : je savais qu’il voulait me recruter et on s’est parlé avant que je ne signe. Il aime bien avoir raison, mais il faut avouer qu’il voit souvent clair (rire) C’est important qu’un coach vous veuille : si c’est la direction, vous n’avez aucune garantie… C’est aussi le système qui me convient : je joue plus haut qu’à Courtrai et je frappe donc de moins loin. Le coach veut qu’on joue offensivement : les attaquants ont un rôle libre mais nous les médians, on a des missions très précises, en possession et en perte de balle. Nos lignes de courses et de passes sont prédéfinies et rien n’est laissé au hasard : ça permet de se comprendre et de jouer plus vite. Après les matches, je regarde mes datas et j’essaie de faire mieux chaque fois, que ce soit les passes réussies, les ballons récupérés. Mais j’avoue que les datas, ce n’est pas trop mon truc : on regarde les kilomètres parcourus pour évaluer votre prestation… mais du coup, on y perd ce qui fait le sel du foot, la vista et le feeling. Je lisais une interview de Karim Benzema, et même lui trouvait dommage que tout soit réduit aux stats. Avec les datas, un meneur de jeu à l’ancienne fera toujours des mauvais matches car il court moins que les autres ! C’est un peu ridicule… "

" Le Standard ? Le classement ne ment pas… "

Qui dit de Sart, pense forcément Standard, son club formateur, le club de son cœur. Et qui végète aujourd’hui à la 15e place du classement…

Mon’ Standard, ‘mon’ Standard, c’est vous qui dites ça… Aujourd’hui, je m’en suis détaché, mais la crise actuelle me fait mal pour mes amis qui y bossent toujours. Mais je suis désolé : le classement ne ment pas et avec ce qu’ils ont montré cette saison, ils sont à leur place, point final… Il manque trop de choses dans ce club pour qu’il retrouve sa vraie place tout de suite, mais le temps reviendra. C’est dur, car le Standard est le blason d’une région et que beaucoup de gens en souffrent. Mais il y a l’Académie, et les jeunes participeront à cette reconstruction. Moi, en tout cas, je me vois bien finir la boucle là-bas : peut-être pas comme joueur, mais sûrement comme formateur. J’ai envie de transmettre ce qu’on m’a appris, car je reste un fou de foot : être le premier sur le terrain d’entraînement, continuer après les autres, apprendre, toujours apprendre... J’adore le foot… mais le milieu du foot, ca me dégoûte ! "

Le jeune de Sart en 2014...
Le jeune de Sart en 2014... © Tous droits réservés

En plein tourbillon du Football-Gate, difficile de regarder le foot avec des yeux immaculés par la naïveté. Le Directeur Général gantois Michel Louwagie fait partie des 57 noms que le Parquet veut poursuivre en justice.

Ce n’est plus l’image qu’on avait du foot étant jeune, mais c’est comme ça… C’est une question d’éthique propre à chacun : je sais dans quelles valeurs j’ai grandi. Moi, il me paraît inconcevable de traficoter… et encore moins qu’on m’approche pour le faire. Ca ne s’est d’ailleurs jamais produit. J’imagine que dans tout métier, on peut être tenté par de l’argent facile, mais ça n’est pas moi… On n’est jamais sûr de rien ? Moi, je travaille avec des agents en qui j’ai 100 % confiance. Mais je peux imaginer que c’est le cas de… peut-être 5 ou 10 % des footballeurs. Mais je répète : ce milieu me répugne de plus en plus... "

" Des milliers de diagonales... "

Appelez cela sa marque de fabrique : la longue passe diagonale à quarante mètres qui bascule le jeu. Une griffe qui caractérise aussi depuis toujours l’animation façon Vanhaezebrouck, qui l’avait développée avec Sven Kums lors du titre buffalo en 2015.

" Depuis toujours, je suis fasciné par les longues transversales de Xavi Alonso et Steven Gerrard. Et en Belgique, un joueur comme Stef Peeters en fait des magnifiques aussi. Je ne sais pas si c’est un don, c’est en tout cas beaucoup de travail. A l’Académie du Standard, on avait un mur en béton dans la salle, avec des motifs inscrits dessus : des lignes, des buts, des cercles. Je passais des heures à taper sur ce mur et à fixer des cibles, de près, puis de plus en plus loin, avec le coup de pied, d’une touche tendue ou non. A mesure que je reculais, j’arrivais à placer précisément des ballons à 40 ou 50 mètres. Je travaille ça ici avec Danijel Milicevic, qui fait partie du staff. Tout est question de répétition : le truc, c’est aussi de ne pas faire des balles trop aériennes, sinon ça perd en efficacité et en vitesse. Une diagonale est faite pour déstabiliser un bloc, pas juste pour faire beau. Ca dépend aussi des ballons : en Coupe d’Europe ou en Pro-League, les ballons diffèrent, certains flottent, d’autres sont plus lourds, alors il faut s’exercer en semaine. "

La fameuse diagonale de de Sart
La fameuse diagonale de de Sart © Tous droits réservés
Julien de Sart (La Gantoise) en mode selfie.
Julien de Sart (La Gantoise) en mode selfie. © Tous droits réservés

Papa d’un petit Tom de 2 ans (" Le matin, il s’habille avec le maillot de Gand, il a les trois couleurs, après les matches il veut monter sur le terrain, et à la maison il met de la crème sur mes bobos ! "), Julien de Sart se métamorphose sur le terrain : il a déjà palpé 8 cartons jaunes, rien qu’en championnat.

On me chambre avec ça, car la plupart sont pour des rouspétances : je m’en veux après le match, mais pendant, je peux péter un câble sur l’arbitre pour des actes d’antijeu ou des gains de temps. Quand j’ai commencé à 18 ans, je voyais Timmy Simons venir chaque fois mettre la pression sur l’arbitre, et ça me mettais en rage. Mes équipiers m’ont dit : ‘Eh oui, petit, ça fonctionne comme ça… et c’est très utile.’ Et au final, j’utilise aussi ces petits trucs : une petite tape sur l’épaule de l’arbitre, un petit mot… C’est ça, l’expérience… " (clin d’œil)

" Etre la meilleure version de moi-même… "

Passé par Middlesbrough (" J’y ai connu Adama Traoré, aujourd’hui à Wolverhampton, le meilleur joueur que j’ai côtoyé avec Michy Batshuayi, à ma période Standard "), de Sart y a aussi connu Victor Valdès, portier du grand Barcelone… entrevu ensuite au Standard.

Pendant 6 mois, on a pris le café le matin au club et je le bombardais de questions sur le Barça, Ronaldinho et le tiki-taka. Il m’expliquait le jeu de Sergio Busquets et me disait que si je faisais ça et ça, je jouerais comme lui ! (rire) D’ailleurs, on s’était croisé 2-3 jours au Standard : moi j’allais partir et lui arrivait… Et quand on s’est revu à Middlesbrough, car on avait le même agent, il m’a dit : ‘Je te connais, toi ! Je t’ai croisé où déjà ? A La Masia de Barcelone ?’ Je lui ai répondu : ‘Euh… j’aurais bien aimé mais je ne crois pas !’ (Il éclate de rire) C’était un gars incroyable, toujours à prolonger les entraînements : il nous disait ‘Aujourd’hui, vous ne marquez pas !’ Et il avait raison ! Valdès m’a appris ça : jusqu’au bout de sa carrière, toujours essayer d’être la meilleure version de soi-même ! (sic) Il aimait aussi beaucoup Liège et les fameux lacquemants, ces trucs ronds avec du sirop bien sucré… " (sic)

Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..."
Julien de Sart (La Gantoise) sur le Gril : "Victor Valdès pensait que je jouais à Barcelone..." © Tous droits réservés

Grand fan de Premier League (" C’est mon petit rêve de quand même y recevoir ma chance un jour… ") et porteur à Gand du maillot n°13 (" C’est le jour de naissance de ma femme et de mon fils, ce sont mes porte-bonheur…), il répond directement quand on lui demande dans quel club il ne signerait jamais…

A priori, je n’exclus personne… Anderlecht ? La question ne se posera même pas : il y a 0,00001 % de chance que ce cas de figure se présente un jour… (clin d’œil) Mais il ne faut jamais dire jamais. C’est comme les gens qui excluent un transfert en Chine ou au Qatar. Si vous avez la possibilité en fin de carrière de remplir les sacs (sic), il faut être hypocrite pour dire non… Mais je reste fidèle à mes valeurs : où que j’aille, je me donne pleinement, sportivement et affectivement. Quand vous signez un contrat, vous activez aussi un lien émotionnel. C’est aussi pour cela que, quand je quitte un club, je laisse toujours un message aux supporters : ça me semble être la moindre des choses. Parce que ces gens-là donnent du temps, de l’amour et de l'argent au club et à nous les joueurs. Même si je sais bien qu’il y a plein de joueurs qui s’en fichent… "

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