Mode

Juliet Bonhomme, reine de l’upcycling : “le vêtement le plus durable est celui que tu possèdes déjà"

© Siham Bourzerda

Juliet Bonhomme, auparavant addicte à la fast fashion, est aujourd’hui l’une des ambassadrices de la slow fashion et plus particulièrement de l’upcycling. La jeune bruxelloise a récemment lancé The Upcycling Lab, un projet de revalorisation des textiles oubliés, abîmés ou invendus afin de leur offrir une nouvelle vie dans nos penderies.

Passionnée par la mode depuis le plus jeune âge, Juliet Bonhomme a longtemps été une fervente consommatrice de fast fashion. Durant ses études en Relations Publiques à l’IHECS, elle passe des heures à faire les boutiques. Les rayons d’H&M ou de Zara n’ont plus aucun secret pour elle. "À cette époque-là, je voulais lancer mon propre blog de mode. Mettre en avant des looks originaux que je photographiais en rue, partager les dernières tendances, etc. En gros, dire aux gens d’acheter tel ou tel vêtement pour être hype !" Encouragée par son entourage, Juliet crée une mise en page des plus fashion aux couleurs dorées sur fond de marbre ! Tout est prêt, il ne reste plus qu’à mettre le blog en ligne… "Et là, j’avais un gros blocage. Je n’y parvenais pas. Quand j’en parlais autour de moi, je fondais systématiquement en larmes. " Son entourage ne comprend pas. C’est pourtant ce dont elle a toujours rêvé. "En fait, je me suis dit : " Quel est l’intérêt de mettre en avant des vêtements de mauvaise qualité, faits à l’autre bout du monde dans des conditions de travail pourries…" J’allais pousser les gens à acheter des choses dont ils n’ont pas besoin, qui plus est dans un secteur avec un horrible impact social et environnemental !" Face à la découverte d’évènements catastrophiques comme l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh provoquant la mort de 1127 personnes, symbole des abus de la fast fashion, Juliet ne peut plus fermer les yeux. Soudainement, elle abandonne son projet de blog et démarre sa transition.

© Noemie Kreitlow

ASBL The Lemon Spoon

Une fois ses études supérieures terminées, Juliet intègre l’ASBL The Lemon Spoon qui accompagne les citoyens et entreprises dans la transition écologique et sociale. "Cette expérience m’a permis de changer mes habitudes de consommation. J’y ai découvert de nombreux projets qui luttaient pour un monde plus juste et durable. J’avais toutes les solutions sous les yeux." Progressivement, Juliet se tourne vers une alimentation plus locale, zéro déchet et sans viande. Elle change ses produits cosmétiques pour des produits plus naturels. Mais, la mode reste sa bête noire.

"Ça a été très dur pour moi de changer ma consommation vis-à-vis de la mode. Au début, j’étais totalement perdue. Alors, j’ai décidé de ne plus acheter aucun vêtement." Une décision assez radicale. Mais au bout de 6 mois, la mode revient hanter son esprit. "Je suis une passionnée. J’adore voir des styles originaux. J’adore jouer avec les assortiments de couleurs, de matières. Cet attrait pour la mode fait partie de moi. En le reniant, j’allais générer une terrible frustration. Je devais trouver des solutions."

La découverte de la slow fashion, mais surtout de l’upcycling

Juliet découvre alors les marques éthiques, la seconde main ou encore la location de vêtements. "Je me suis rendu compte que je pouvais continuer à m’habiller, en accord avec ma vision de la mode, sans trop polluer puisque je réutilisais des vêtements déjà produits." Elle partage sur Instagram ses découvertes et son évolution vers la slow fashion, un mouvement qui préconise une fabrication respectueuse de l’environnement, des animaux et des travailleurs, et ce tout au long de la vie d’un vêtement. "Pendant le confinement, on ne pouvait plus acheter ni vendre en seconde main. J’ai donc commencé à transformer des rideaux, des draps, des vêtements que j’avais déjà à la maison. J’utilisais enfin la machine à coudre de ma maman. Là, tout un monde s’est ouvert à moi." L’upcycling vient alors fermer la boucle de son parcours de slow fashion. Il lie parfaitement sa passion pour la mode et son envie d’agir pour un monde plus durable et plus juste. "Je ne me suis plus jamais arrêtée. Réaliser des créations uniques, originales, à base de ce que j’ai déjà, j’adore ça !" Et les gens adhèrent puisque petit à petit, Juliet se construit une communauté sur Instagram qui regroupe aujourd’hui plus de 14.500 abonnés.

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The Upcycling Lab

En juin 2021, d’un commun accord avec l’ASBL The Lemon Spoon, Juliet met fin à son contrat pour se lancer à son compte dans l’upcycling. "Avec le confinement, mon travail était devenu très digital. J’avais besoin de plus de liens, de plus de créativité et d’utiliser mes mains." Elle doit maintenant trouver une formule viable pour professionnaliser sa passion. Alors, elle rejoint JobYourself, une structure d’accompagnement pour entreprendre son projet, sans risque. En octobre 2021, ses idées sont structurées. Juliet lance officiellement The Upcylcing Lab, une entité hybride qui propose différents services.

1. Workshop

"Tout d’abord, j’organise des ateliers. Ça, c’est la première phase que j’ai très rapidement mis en place car j’avais beaucoup de demandes via mon compte Instagram. Durant ces ateliers, destinés aux particuliers ou aux entreprises, en team building par exemple, je leur apprends différentes techniques pour transformer des tissus qui traînent chez eux - et j’insiste là-dessus, rien de neuf ! – en chouchous, en tote bag ou en vêtements. Le but est de couvrir tous les champs des possibles. Cela se fait généralement, ‘in real life’ dans mon atelier, à Bruxelles au See U. C’était important pour moi de créer du lien !"

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2. Consultance en upcycling

"Ensuite est venue la deuxième phase du Lab : la consultance en upcycling. J’aide les marques et magasins à revaloriser leur stock d’invendus ou stock à défauts. On travaille, main dans la main, pour trouver des upcyclings qui correspondent à l’ADN de la marque. Je crée ensuite des prototypes et j’aide au lancement de la transformation. Celle-ci se fait soit directement dans leurs ateliers, soit dans des ateliers d’insertion sociale et professionnelle en Belgique. Les magasins s’occupent ensuite de la chaîne de distribution. Ce qui est génial avec ce projet-là, c’est d’amener l’upcycling dans un endroit où il n’existait pas encore et qui pouvait même faire peur aux marques. L’impact est démultiplié car le volume est bien plus important que si je travaillais, seule, dans mon coin."

C’est ainsi que Juliet collabore avec le magasin Ozer Concept ou encore Le Label Jaune, la marque upcycling des Petits Riens. "Ensemble, on a conçu des vestes en jeans avec des manches uniques, créées à partir de vieilles écharpes. C’était trop chouette !"

3. Sensibilisation

"Enfin, la troisième phase du Lab est de générer une réflexion chez les personnes que je rencontre à travers mon activité. J’essaye toujours d’éveiller les consciences sur l’industrie du textile. Je donne quelques chiffres clés qui ne laissent personne indifférent et je propose des pistes de solutions. Je leur dis : "Attendez, au lieu d’envoyer nos vêtements usés au Ghana ou au Chili et délocaliser la pollution, on peut encore les utiliser chez nous !" On a tellement de tissus et de produits, qu’en créer de nouveaux est un non-sens à mes yeux."

Dans les mois à venir, Juliet aimerait également développer The Upcycling Podcast qui viendrait mettre en lumière les acteurs de la mode du monde de demain.

Quelques conseils pour consommer plus durablement

"Le meilleur conseil, et je me le rappelle encore tous les jours, c’est que le vêtement le plus durable est celui qu’on a déjà." Chérissez vos vêtements, réinventez-les, imaginez de nouveaux assortiments, etc. Bref, minimisez vos achats. C’est le premier conseil !

Ensuite, lorsque vous vous apprêtez à acquérir un vêtement, posez-vous la question suivante : "En ai-je réellement besoin ?" Si c’est le cas, privilégiez la seconde main. "Soit les friperies, soit Vinted, soit vos amis. Mais attention de ne pas retomber dans la surconsommation. Même si ce n’est pas cher et facile. Il faut toujours réfléchir à nos besoins, donner du sens à chaque achat."

Enfin, si rien ne vous convient en seconde main, tournez-vous vers des marques durables et éthiques. "Par exemple Hopaal, Brigand des mers ou encore Yatay pour les hommes. MUD Jeans, Mr Mittens ou encore Flamingos life pour les femmes." Ces marques sont forcément plus coûteuses, mais le ‘coût d’utilisation’ reste intéressant. "Une pièce Zara, de mauvaise qualité, qu’on achète à 20€ et qu’on porte quelques fois reviendra finalement au même prix qu’une bonne pièce de chez Patagonia, par exemple, que l’on porte plus souvent et plus longtemps."

La niaque

Juliet est une jeune femme pleine d’énergie. Elle n’est pas du genre à baisser les bras ou à se laisser paralyser par toutes les informations anxiogènes liées au changement climatique. "Quand je lis les derniers rapports du GIEC, forcément, ça fait peur ! Mais, personnellement, ça me donne encore plus la niaque d’agir, de tout essayer pour changer les choses. Et quand les gens me disent qu’ils ont arrêté d’acheter du neuf, grâce à mes actions, je me dis que mon combat sert réellement à quelque chose et que je dois continuer !"

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