Scène

"Jusque dans nos lits" et "La bilbliothèque de ma grand-mère" : un après-midi au festival Métamorphoses

© Dominique Houcmant

Par Diane Delangre

Le soleil pointe le bout de son nez et les idées bourgeonnent dans les théâtres ! Du côté du Varia, un "petit festival de printemps" a éclos le 11 et 12 mars, en partenariat avec Le Rideau. Un véritable bouquet d’activités attendait les spectateurs, entre rencontres d’auteurs, lectures, performances et balades urbaines. Armée de notre calepin – lui aussi fleuri – nous avons profité de l’occasion pour nous glisser dans la chambre de Lucile Saada Choquet et dans la bibliothèque de la grand-mère de Tatjana Pessoa. Deux salles et deux ambiances, mais un écho autour de la question raciale.

 

Jusque dans nos lits

Des coussins installés ici et là, des plaids, une lumière tamisée et au centre : un grand lit. Dedans, on y trouve Lucile et un invité provenant du public. Le temps d’une tasse de thé, des personnes racisées, perçues comme noires, arabes, berbères, latinas, asiatiques ou métisses ont l’opportunité de discuter à bâtons rompus. C’est l’occasion d’un échange spontané et les propos recueillis n’en sont que plus forts. Charge raciale quotidienne, héritages familiaux, rapport au corps, rapport à l’autre… Les sujets ne manquent pas !

Animée par son envie profonde de prendre soin de l’autre et de proposer un lieu d’échange sécurisant, Lucile Saada Choquet propose une expérience collective intense qui nous invite tous à continuer le travail de déconstruction sociale.

Conception et performance de Lucile Saada Choquet, dramaturgie de Petra Van Brabandt, scénographie d’Aria Ann.

Dans la bibliothèque de ma grand-mère

"Dans la bibliothèque de ma grand-mère", au Studio Varia jusqu’au 18 mars.
"Dans la bibliothèque de ma grand-mère", au Studio Varia jusqu’au 18 mars. © Dominique Houcmant

Éparpillée dans les marges de milliers de livres, la vie de Wanda Gamboa Pessoa Chaves est une énigme. Décédée en 2017 à presque cent ans, sa petite-fille Tatjana hérite de sa volumineuse bibliothèque, conservée dans un appartement lisbonnais. Aidée par Gabriel Da Costa et Saphia Arezki, Tatjana nous invite à la découverte d’une femme et du monde qui a été le sien. C’est l’histoire d’une enquête pour découvrir une vie traversée par une dictature, une guerre mondiale, le colonialisme

Les recherches ont bel et bien été menées dans ce petit appartement et c’est ce soir que le fruit des heures de fouille est dévoilé. Mêlant documentaire et fiction, l’équipe nous partage ses investigations et nous plonge dans un univers de papier. Ensemble, nous déambulons dans les rayonnages, naviguant entre les piles de livres, les bibelots et les notes de recherche. Petit bonus précieux : un matériel de projection et un zoom sur les livres pour ne pas perdre une miette de l’enquête ! L’espace lui-même se modèle selon les besoins, passant d’un petit trois-pièces à rien de moins que l’Angola tout entier. Des extraits audios d’interviews s’ajoutent à l’ensemble, mettant des voix sur des noms et des émotions sur des maux.

Revenant sur chaque étape de l’enquête, le fil d’Ariane est doucement tissé, au rythme des pages tournées. Wanda quitte peu à peu l’anonymat pour nous apparaître dans toute sa complexité. Chaque découverte a son lot de surprises et de tragédies dont la descendance hérite, parfois malgré elle. L’aventure familiale prend un nouveau tournant quand le passé colonial angolais vient toquer à la porte. La recherche se transforme alors en devoir de mémoire et une réflexion sur notre déconstruction sociale. Comment se positionner en tant que descendant de colons ?

Si le questionnement de notre rapport à l’histoire coloniale est fondamental, on ne peut s’empêcher de se demander s’il devait prendre une cette ampleur dans la présente pièce. L’objectif de l’auteure était-il d’utiliser sa grand-mère comme prétexte pour aborder cette thématique ? Auquel cas, le procédé est excellent ! À l’inverse, on sera attristé de voir une thématique dominer l’ensemble de la seconde moitié de la pièce, mettant Wanda, sa bibliothèque et son histoire en second plan. "La bibliothèque de ma grand-mère" n’en est pas moins une pièce d’une rare qualité. Mise en scène habile, scénographie riche, interprétation juste : tous les ingrédients sont réunis pour en faire une réussite. Rencontrer une âme cachée derrière sa bibliothèque : l’idée était douce et sa réalisation en est chargée de poésie.

Enquête menée par Tatjana Pessoa, Edith Bertholet, Gabriel Da Costa, Saphia Arezki et Médéa Anselin, mis en scène par Tatjana Pessoa, Avec Tatjana Pessoa, Gabriel Da Costa et Saphia Arezki, scénographie de Christine Grégoire, au Studio Varia jusqu’au 18 mars, Tickets : https://varia.be/programme/tatjana-pessoa/la-bibliotheque-de-ma-grand-mere

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