Pourtant, Kanye est aussi reconnu pour être un brillant homme d’affaires. Il est l’un des premiers rappeurs US à être devenu milliardaire. Son contrat avec Adidas, par exemple, était reconnu comme étant l’un des plus fructueux du monde de la mode.
La stratégie adoptée par Kanye semble de plus en plus compliquée à suivre. "Il est devenu une caricature de lui-même", explique Jean-Philippe Denis, professeur à l’université Paris Saclay, auteur du livre Introduction au hip-hop management.
Mais avec tout ça, à qui profite le buzz, ou plutôt le bad buzz ?
La stratégie du bad buzz ?
C’est l’une des théories qui revient le plus souvent. Les prises de parole polémiques font partie de la stratégie de Ye pour qu’on parle de lui, c’est peut-être même un outil qu’il utilise avant de sortir un énorme projet. Et ce serait justement parce qu’il serait tellement un génie génial qu’il serait en train de nous matrixer le cerveau sans qu’on s’en rende compte. Bref, tout ça serait en fait profitable au rappeur, voulu par lui.
On peut en douter.
Au regard des récents événements et de tout ce qu’il a perdu en quelques jours, force est de constater que si tel est le cas, la stratégie a manqué son objectif. Et qu’il n’a pas l’air de vraiment profiter de ce qu’il se passe : que ce soit en termes d’argent, d’image et encore moins de musique.
Mais cette descente aux enfers est étonnante quand on sait que Ye est autant connu pour son talent musical que ses compétences d’homme d’affaires.
Tarik Chakor, maître de conférences en science de gestion à l’Université Aix-Marseille et fondateur de La Firme, agence qui met en relation les artistes et les marques, explique qu’"il n’y a pas de stratégie universelle. Quand on met en place une stratégie, on juge sa pertinence en fonction de l’objectif donné".
Et c’est bien là toute la question. Quel est l’objectif de Ye dans toute cette tempête médiatique ?
A ce stade, on ne peut faire que des suppositions. Pour Tarik Chakor, "il y a au sein de l’industrie musicale du rap, en France et aux Etats-Unis, une économie de l’attention, il s’agit de la capacité à capter cette économie dans un contexte où il y a beaucoup plus d’offres. En fonction de ça, il y a plusieurs stratégies. Soit l’idée est de se faire rare et donc de créer une réapparition attendue (comme PNL, Orelsan ou Nekfeu). Ou il y a la stratégie d’être tout le temps présent : ce qui signifie production de masse par exemple. Et le buzz fait partie de cette stratégie. L’idée c'est de créer la conversation. C’est le fameux dicton "que ce soit en bien ou en mal, l’essentiel c’est qu’on parle de vous"".
Un phénomène que le chercheur remarque chez le rappeur US et qui ajoute, "tout le monde se demande s’il pense ce qu’il dit. Ça va avec l’imprévisibilité du personnage, il est là où on ne l’attend pas. Volontairement ou pas, peut-être que son génie réside dans le fait que tout le monde se pose la question de savoir qui est Kanye West ?".
Mais il est n’est pas impossible que cette stratégie du "toujours plus" atteigne définitivement ses limites, si tant est qu’il s’agisse d’une stratégie sciemment élaborée. Citant l'officier du 18e siècle Carl von Clausewitz, Jean-Philippe Denis explique que "toute logique stratégique maintenue trop longtemps contient, au-delà du point culminant, les germes de sa propre destruction". C’est pourquoi, on ne peut pas dire que la stratégie du (bad) buzz adoptée par Ye lui profite. "C’est un jeu très dangereux en termes de business. Qui va continuer à collaborer avec lui ? Au fil du temps, il devient de plus en plus infréquentable", détaille Jean-Philippe Denis.
Sa musique ?
Certains veulent croire que tout cela le fera revenir avec la musique. S’il y a une chose pour laquelle Ye fait quasi l’unanimité, c’est son génie musical. Or, non seulement il ne fait plus partie des têtes de charts depuis quelques années mais en plus il vient d’être lâché par ses partenaires musicaux. Il avait contrat avec Def Jam pour dix albums, celui-ci s’est terminé avec la sortie de son dernier album Donda. Il est désormais "un agent libre", explique le LA Times.
Mais dans le show "Drink champ", il explique lui même avoir été lâché par toutes les stars internationales qui l'entourent.
Par ailleurs, au regard de ses récents propos, il y a eu de nombreux appels pour que sa discographie soit retirée des plateformes de streaming. Sur Spotify, par exemple, ce ne sera a priori pas le cas. Le patron suédois s’est exprimé à ce sujet indiquant que s’il condamnait les propos de l’artiste, il n’avait pas le pouvoir de supprimer Ye de la plateforme puisqu’aucun de ses titres ne viole les règles. "C’est vraiment juste sa musique et sa musique ne viole pas notre politique. C’est à son label de décider s’il veut prendre des mesures ou non", dit-il, selon les propos rapportés par les inrocks. Ce n’est pas non plus la défense la plus enthousiaste.
Les marques sont-elles gagnantes ?
Là aussi, on peut en douter. La tempête médiatique, il faut bien la gérer et les pertes pour des marques comme Adidas ou GAP sont importantes.