Jupiler Pro League

Kevin Denkey (Cercle Bruges) sur le Gril : "Au départ, je devais signer au… Club Bruges !"

Sur le Gril

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Par Erik Libois
Kevin Denkey (Cercle Bruges) en mode selfie
Kevin Denkey (Cercle Bruges) en mode selfie © Tous droits réservés

Il enfile les quilles pour le petit frangin brugeois et est actuellement l’un des joueurs le plus efficaces de Pro-League. Il évoque Josip Weber, ses abdominaux, Cristiano Ronaldo, la mythologie du vert, Emmanuel Adebayor, le parler flamand, Romelu Lukaku et le choc psychologique. Mais aussi Toby Alderweireld, une bicyclette contre Brest, les Eperviers, le contre-pressing, Edson Cavani, la souffrance du banc, le VAR, le double contact façon Zizou et les buteurs narcissiques. Et bien sûr… les Taxis de Bruges. Kevin Denkey (Cercle Bruges) passe " Sur Le Gril ". 

Kevin Denkey déboule entre la séance collective du matin et une réunion de staff pour une analyse vidéo individuelle de ses dernières prestations. Sourire banane, épaules larges, le buteur franco-togolais du Cercle Bruges prend la pose pour le traditionnel selfie. Faciès, carrure, vitesse sur le pitch : la ressemblance est saisissante avec Michael Johnson aka La Locomotive de Waco, ex-recordman du monde 200-400 m dans les années nonante.

Sur les fiches habituelles, on me renseigne un poids de 81 kg… mais en fait, je fais 84 kg " sourit Kevin Denkey quand on lui fait remarquer que, du haut de son mètre quatre-vingt-un, il incarne une vraie montagne de muscles. " Mon corps est mon outil de travail, je le soigne : l’éthique de travail est très importante dans notre métier. Les footballeurs ont parfois la réputation de ne pas travailler, mais je peux vous dire que dans les grands clubs, le travail est une vraie valeur… et avec le temps, ça paie toujours. Je regarde pas mal de documentaires TV, j’en ai vu un récemment sur le Real Madrid : on n’est pas au sommet par hasard, ces mecs-là sont des bosseurs ! Hier, c’était jour de congé mais je suis venu à la salle : ce matin, un équipier m’a dit ‘T’es un grand malade, toi !’ Mais je veux absolument réussir ! Combien de fonte je soulève ? Pas spécialement beaucoup : je fais de la muscu spécifique, des abdos, du gainage dynamique, ce qui compte c’est un travail en finesse… et surtout régulièrement. Ça ne sert à rien de mettre un grand coup, et puis plus rien ! Moi, j’ai déjà mon programme défini pour les prochaines semaines : ça me permet de gagner du temps et de prendre de l’avance sur la concurrence. "

" Même pour zéro salaire, je jouerais au foot… "
" Même pour zéro salaire, je jouerais au foot… " © BELGA

" Même pour zéro salaire, je jouerais au foot… "

Kevin Denkey (qui aura 22 ans fin novembre) est en pleine bourre actuellement : deuxième joueur le plus efficace de Pro-League (5 buts + 5 assists), derrière Mike Trésor (Genk) et à égalité avec Joseph Paintsil (également Genk), il a crevé l’écran voici 3 semaines face à Eupen en enfilant un hat-trick couronné d’une frappe supersonique.

Après le match, j’ai couru pour récupérer le ballon et le faire signer à tous mes équipiers. Il est posé maintenant dans mon salon à côté de la télé : quand je mate les matches de Champions League, avec tous les grands buteurs qui y défilent, je regarde mon ballon en me disant que moi aussi, j’ai signé un triplé. (Il s’esclaffe) J’ai commencé à Lyon à l’âge de 13 ans et je jouais plutôt milieu de terrain… mais quand ils ont vu que je marquais facilement, ils m’ont posté devant. Et depuis, j’enfile les goals. Mes racines sont togolaises mais j’ai la culture française. En fait, j’ai les basics (sic) des deux : j’ai la détente de l’Africain (clin d’œil) mais le sens de la concurrence et du rendement de l’Européen. Ici, en Europe, tout doit aller très vite, il faut gérer le stress et performer ! J’ai des responsabilités : j’ai de la famille au Togo… même certains que je ne connais pas (sourire), et je dois réussir. Pour eux, oui, mais surtout pour moi ! J’aime profondément le foot : c’est énorme ce que j’aime ce sport, c’est un plaisir indescriptible (sic). Même sans être payé, je jouerais au foot : je donne tout ! "

" A 18 ans, j’étais d’un coup le nouveau Ronaldo ou Lewandowski… "
" A 18 ans, j’étais d’un coup le nouveau Ronaldo ou Lewandowski… " © BELGA

" A 18 ans, j’étais d’un coup le nouveau Ronaldo ou Lewandowski… "

Passé par Nîmes et Béziers, ou il a tâté de la Ligue 1 et de la Ligue 2, Kevin Denkey a connu des débuts supersoniques. À 16 ans et 2 mois, il fait ses débuts en Ligue 2 ; deux ans plus tard, il claque 2 buts en Ligue 1… en 2 montées au jeu !

J’avais été surclassé en U19 et le coach des pros avait remarqué que je marquais beaucoup. Contre Monaco, je monte en fin de match et je marque à ma première touche de balle… La semaine suivante, contre Brest, il me fait encore monter tout à la fin… et je bute après 19 secondes d’une bicyclette ! Je ne savais pas ce qui m’arrivait, je me disais : ‘Olalala, c’est facile comme ça, la Ligue 1 ?(sic) Tout d’un coup, j’avais plein d’amis (sic), les médias parlaient de moi comme du nouveau Cristiano Ronaldo ou du nouveau Robert Lewandowski. Mais je n’étais pas prêt, il m’a fallu digérer : j’ai eu un gros coup de mou, c’est dans ces moments-là qu’il faut garder les pieds sur terre… Mais ça m’a permis de faire parler de moi : après, on me connaissait ! (clin d’œil) Je suis arrivé ici à Bruges via le scouting de Monaco (NDLA : le club propriétaire du Cercle) mais… je vais vous dire un truc : avant cela, je devais en fait signer au Club Bruges ! Les contrats étaient prêts, puis ça ne s’est pas fait. Je vois les résultats du Club Bruges en Champions League, mais avec le recul, je me dis que je n’étais pas prêt pour ce niveau. La pression aurait été plus forte, on aurait attendu que je preste tout de suite. Alors qu’ici, au Cercle on me laisse le temps de me développer à mon rythme. "

" On est des marchandises qui font tourner le marché "
" On est des marchandises qui font tourner le marché " © BELGA

" On est des marchandises qui font tourner le marché "

Longtemps lanterne rouge, le Cercle s’est redressé après le limogeage de Dominik Thalhammer (aujourd’hui à Ostende, où il succède à Yves Vanderhaeghe… qu’il avait déjà remplacé en 2021 au Cercle !). Sous Miron Muslic, Kevin Denkley est aussi définitivement sorti du banc pour bétonner sa place de titulaire.

J’aime bien marquer, évidemment, mais je ne suis pas le prototype du buteur égoïste ou narcissique : j’ai la mentalité collective et j’aime bien faire des offrandes (sic) à mes équipiers. On fait beaucoup de courses, c’est énorme ce qu’on court ici en Belgique, beaucoup plus qu’en France ! Nous aussi, les attaquants, on doit presser comme des malades (sic), mais ça paie : avec notre contre-pressing, on met l’adversaire sous pression, on provoque ses erreurs et on crée ainsi des occasions puisqu’on récupère haut dans le jeu (NDLA : chaque joueur de champ du Cercle Bruges court plus de 12 km en moyenne par match… soit 1 km de plus que les autres joueurs de Pro-League !). Après, il faut soigner la finition, ce qui nous manquait un peu en début de saison. Mais là, on vient de marquer 11 buts sur les 4 derniers matches (NDLA : la moitié de la production offensive totale du Cercle cette saison) : c’est un truc d’ouf, ça ! (Il fait de grands yeux) Il y a une vraie éthique de travail, ici au Cercle : le staff me fait découvrir des choses sur mon propre jeu… que je ne soupçonnais même pas moi-même. J’apprends à maîtriser mon poste et plus tard, je pourrai apporter de la valeur sur le marché pour les clubs qui en ont besoin (sic). Oui, oui, je vois les choses comme ça : on est des marchandises qui doivent faire tourner le marché (sic).  Si je développe mes qualités en fonction de ce que les clubs recherchent, ils auront besoin de moi. Je rêve évidemment des 5 grands championnats… et pour y arriver, je dois être prêt : j’ai les qualités athlétiques pour l’Angleterre mais le foot allemand, basé sur les transitions, me plaît aussi. Je suis rapide et puissant mais j’ai aussi du ballon… et en Espagne, c’est la technique qui fait la différence. " (clin d’œil)

" On pointe toujours les attaquants en premier "
" On pointe toujours les attaquants en premier " © BELGA

" On pointe toujours les attaquants en premier "

Après Courtrai et Karim Belhocine en début de saison, le Cercle Bruges était le second club de l’élite à se séparer de son coach. Entre-temps… 8 des 18 clubs de D1A ont viré leur technicien ! Une vraie hémorragie.

C’est vrai que j’ai remarqué qu’en Belgique, on changeait vite les coaches. Moi, je suis déjà à mon 4e au Cercle en 18 mois… Je ne sais pas pourquoi il y a des cycles pareils : on joue bien, et puis on prend des buts sur des erreurs… et à la fin, c’est toujours le coach qui paie la note. (Il marque une pause et se reprend) Non, c’est faux : c’est toujours les attaquants qu’on critique en premiers… et puis les coaches. Après, le fameux choc psychologique, vous savez… Ce qui compte, c’est le travail, quel que soit l’entraîneur, quelle que soit la méthode. "

A la lutte avec Toby Alderweireld
A la lutte avec Toby Alderweireld © BELGA

LES PETITS PAPIERS

Le moment venu des petits papiers : parmi une quinzaine de papiers-mystères, il en choisit 5 au hasard. Et commente.

PAPIER 1 : TOBY ALDERWEIRELD (Il prononce difficilement, du genre AD-DER-WE-REG…). " J’ai beaucoup de respect pour lui, c’est un grand défenseur, il a joué la finale de la Ligue des Champions (NDLA : avec Tottenham) et il sera à la Coupe du Monde avec la Belgique. Il a dit de moi que j’étais l’attaquant le plus coriace de Pro-League ? Oui, on m’a répété ses propos : venant d’un joueur pareil, c’est un fameux compliment, je suis très honoré… Si je peux un jour avoir la même carrière que lui, je serai très, très fier ! Faire la Coupe du Monde un jour avec le Togo ? (NDLA : Denkey compte 22 caps avec les Eperviers) Pourquoi pas ? C’est bien arrivé en 2006, au Mondial allemand. J’avais 6 ans, oui : j’ai de vagues souvenirs mais je vois encore ma famille qui hurlait pendant les matches. C’était l’équipe avec Emmanuel Adebayor… que j’ai connu plus tard quand j’ai été repris en Equipe Nationale : il m’a directement pris sous son aile et m’a donné plein de conseils. Encore aujourd’hui, on garde le contact et je l’appelle de temps en temps. Pour revenir à Alderweireld, on a joué un gros match, l’un contre l’autre lors de Cercle-Antwerp : j’ai pris beaucoup de coups, car maintenant les équipes me connaissent et me collent deux défenseurs en sandwich. Donc ce jour-là, j’ai plutôt essayé de décaler pour mes équipiers, plutôt que de forcer seul. Mais j’ai aussi mes propres trucs maintenant : je ne vais pas révéler mes secrets, mais disons que je touche l’adversaire en premier, comme ça… (Il mime en nous prenant l’épaule) Le VAR a aussi changé l’approche des duels… mais ça dépend des arbitres : souvent, ils décident tout seuls avant même d’aller regarder… "

PAPIER 2 : ABDOS. (Il sourit) Comme je l’ai dit, c’est le travail quotidien et la persévérance qui font la différence au final, sur le long terme. Le plus dangereux, c’est de rester sur ses acquis et se dire ‘si ça a marché, ça va continuer à marcher…’ Il n’y a pas de secret : moi, si je suis arrivé où j’en suis, ce n’est pas forcément par mon talent. Au Real, quand ils ont fini leur match, ils rentrent chez eux, ils récupèrent… puis ils se remettent au travail, jour après jour. En match, ma musculature est forcément un avantage car mon corps protège le ballon. (sic) Et je ne perds pas en vitesse à cause de la masse : il y a des matches où je suis parti du milieu de terrain et je suis allé marquer tout seul ! Je suis aussi l'un des rares joueurs qui n'est jamais blessé et qui s'entraîne tout le temps. Si mes abdos attirent les filles à moi ? (NDLA : il a posté récemment sur les réseaux sociaux une photo de son torse bodybuildé) Euh… ça se pourrait, je suis célibataire, donc… (Il éclate de rire) Bon allez, concentration, prochaine question ! " (clin d’œil)

Les fameuses plaquettes choco de Kevin Denkey
Les fameuses plaquettes choco de Kevin Denkey © BELGA

" Romelu Lukaku ? C’est un animal ! "

PAPIER 3 : ROMELU LUKAKU. Un autre monstre ? (Il rigole) En tout cas, c’est un grand attaquant : j’espère pour vous qu’il sera retapé pour le Qatar. C’est surtout lors de son premier passage à l’Inter qu’il m’a bluffé : sa finition, sa vitesse… c'est un animal ! (sic) J’aime aussi Ronaldo, Lewandowski et Edson Cavani quand il était au PSG. Et puis Karim Benzema, qui marque et fait marquer les autres : quel joueur ! Quand j’étais petit, c’est Zidane qui m’inspirait, ses roulettes, ses doubles contacts… en fait, tout son jeu : il jouait le football que j’aime, c’est beau à voir, ça ! (sic)

PAPIER 4 : JOSIP WEBER (Son visage devient interrogatif) " Qui ? Je ne connais pas cette personne (NDLA : Josip Weber est le buteur historique du Cercle Bruges, avec 134 buts au milieu des années 90). Il est décédé ? Oups… Paix à son âme. Je ne me suis pas spécialement documenté sur le Cercle en signant ici : vous savez, quand une direction vous engage, c’est pour que vous mettiez un pied devant l’autre et que vous performiez, pas pour apprendre l’Histoire du club (clin d’œil). Après, c’est sûr que connaître la culture locale facilite et accélère même votre intégration. On a un prof de langues ici, j’apprends l’italien et le flamand : ça permet d’ouvrir des horizons, ça pourra être utile dans ma carrière… et ça me permet de titiller mes copains flamands. (sourire) Je sais dire ‘rechts’, ‘links’, ‘goeden avond’, ‘goeie dag’. Quand je vais chez le boulanger, je dis ‘Brood’… mais après, je demande à parler français ou anglais (clin d’œil). Je sais aussi qu’on ne peut pas dire ‘CLUB’ ici, car c’est l’ennemi. Et puis il y a la couleur verte : ça va, ça ne me dérange pas trop (clin d’œil). Un jour, je suis venu au stade en survêtement bleu et noir, et l’intendant du Cercle m’a attrapé ‘Oulala, ça ne va pas du tout, ça, mon ami : tu portes les couleurs de l’ennemi !’ Il ne m’a plus lâché de la journée... Des supporters aussi m’ont taquiné en disant que je ne devais plus mettre mes chaussures bleues avec less studs bleus. Ca compte vraiment pour eux, il faut faire attention à des détails pareils. Aujourd’hui, je pense que j’ai compris… "

PAPIER 5 : CRISTIANO RONALDO. (son visage s’éclaire) " Quel joueur ! 700 buts sur sa carrière quand même, moi je veux bien pareil… Il est sur le banc à Manchester, mais c’est la preuve qu’en football, tout va très vite… Mais le coach a sûrement ses raisons : lui aussi joue sa place, alors si avec un autre joueur que Cristiano Ronaldo, il estime avoir plus de garanties sur le jeu défensif, c’est sa décision. Ronaldo, il a sans doute plus besoin d’une équipe où il peut faire ce qu’il veut sur le terrain… (sic) Quand vous êtes attaquant et que vous êtes sur le banc, ça fait mal évidemment, je peux en parler. On a besoin de temps de jeu, d’automatismes, de toucher le ballon, d’avoir des statistiques… Mais il faut bosser pour convaincre l’entraîneur : il peut être aveuglé par certaines choses, et c’est à toi de le faire changer d’avis. Et quand ça se joue sur du relationnel, il faut aller le voir et lui parler : lui demander de dire ce qu’il attend de toi, ce que tu fais mal… et bien. "

Duel de colosses avec Ismaël Kandouss (Union Saint-Gilloise)
Duel de colosses avec Ismaël Kandouss (Union Saint-Gilloise) © BELGA

" Tous les taxis de Bruges me connaissent… "

Avec 10 points sur les 5 derniers matches, le Cercle Bruges est la 3e équipe en forme du moment, derrière Genk et l’Union… et à égalité avec le Club Bruges. En début de saison, Kevin Denkey avait tapé haut en disant ambitionner… le Top 4, synonyme de Champions Play-Offs !

Top 4 ou pas, c’est une manière de viser haut, d’affirmer son ambition. Je sais qu’on a, ici au Cercle, les qualités pour aller loin… si tout le monde travaille professionnellement et solidairement (sic). Comme je l’ai dit, je veux être décisif à chaque match et je veux un jour jouer dans les plus grands clubs. Moi, je rêve du Real Madrid, du Bayern Munich, de Dortmund, d’un club anglais… "

Et Kevin Denkey de s’en repartir… mais moins vite que sur un pitch de foot. Car l’oiseau ne dispose toujours pas de son permis de conduire.

Non, je ne viens pas au stade à vélo… (Il s’esclaffe) Jusqu’ici, je trouve toujours un moyen pour me faire conduire : c’est quelqu’un du Cercle qui s’y colle… ou alors c’est un taxi. Entre-temps, je crois que tous les chauffeurs de taxi de Bruges me connaissent ! Mais bon, ça va bientôt changer : je vais finir par le passer, ce permis ! " (clin d’œil)

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