Patrimoine

Kim Kardashian aurait bel et bien endommagé la robe de Marilyn Monroe au MET Gala

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Par Johan Rennotte

C’est une tradition au MET Gala : le temps d’un soir, les stars invitées arborent les tenues les plus excentriques possibles, en lien avec le thème de la soirée. En mai dernier, Kim Kardashian s’est distinguée en portant un bout d’Histoire des États-Unis : une robe enfilée par Marilyn Monroe en 1962 pour souhaiter "Happy Birthday" au président Kennedy. Mais cette démarche pose des questions de préservation patrimoniale et d’éthique de conservation muséale. Car depuis qu’elle l’a portée, la robe iconique a visiblement subi d’importants dégâts, à en croire les photos relayées sur les réseaux sociaux.

"Happy Birthday Mister President"

Le 19 mai 1962, au Madison Square Garden de New-York, John F. Kennedy fête son 45e anniversaire lors d’un show spécial, avec 15.000 convives.

En plein milieu de la soirée Marilyn Monroe arrive sur scène, un manteau en hermine autour des épaules. Lorsqu’elle l’ôte, elle dévoile une robe moulante de soie couleur peau, sertie de 2500 strass étincelants. Le public est médusé et pousse des acclamations de surprise. La tenue donne une impression de quasi-nudité, comme si on avait simplement posé des diamants à même le corps.

La star entonne alors un très sensuel "Happy Birthday Mister President", un moment qui restera gravé dans la mémoire collective de l’Amérique.

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La robe "Happy Birthday Mr President" de Marlin Monroe

Cet instant est emblématique à bien des égards. D’abord, parce qu’il consacre le statut de "sex-symbol" de Marilyn, star au sommet de sa gloire. Ensuite, parce qu’il cristallise la relation entre l’actrice et JFK, dont elle fut l’amante, et sur laquelle bien des rumeurs ont circulé. Enfin, car ce sera la dernière apparition publique d’envergure de la star. Marilyn Monroe sera retrouvée morte à Los Angeles deux mois plus tard. Elle n’avait que 36 ans.

Mais assurément, cette prestation iconique ne serait rien sans sa robe. Signée du styliste français Jean-Louis Berthault, elle est conçue spécialement pour l’occasion. D’après le couturier, Marilyn aurait posé entièrement nue pour qu’il puisse ajuster le tissu au plus près de son corps. La tenue est gardée secrète jusqu’au dernier moment, même les organisateurs de la soirée ne sont pas mis dans la confidence.

Kim Kardashian dans la robe portée 60 ans plus tôt par Marilyn Monroe
Kim Kardashian dans la robe portée 60 ans plus tôt par Marilyn Monroe © Jeff Kravitz / Bettmann

Des risques inconsidérés

Achetée pour un prix record en 2016 (devenant ainsi la robe la plus chère du monde), et exposée au musée "Ripley’s Believe It Or Not", à Orlando, la robe fait donc partie intégrante de l’héritage historique des États-Unis. On peut donc s’étonner qu’elle ait été sortie de sa vitrine pour le MET Gala.

Griet Kockelkoren, restauratrice en chef de l’atelier de textiles et costumes de l’Institut royal du Patrimoine artistique (IRPA), nous expliquait pourquoi en mai dernier.

Il s’agit d’un patrimoine irremplaçable, qui à cause de cet événement est altéré pour toujours. Une robe des années 60 est de toute façon plus fragile. Les morphologies des deux personnes qui l’ont portée sont complément différentes. Le fait de bouger dans la robe augmente le risque de stresser le tissu et les coutures.

Certes, Kim Kardashian, qui a dû perdre 7 kg pour pouvoir rentrer dedans, n’a pu porter la robe que quelques minutes, le temps de la montée des marches du Metropolitan Museum. Pas question de s’asseoir et encore moins de manger avec. Le conservateur du musée était présent pour aider la vedette à enfiler la pièce, dans une cabine spécialement installée à proximité de l’événement.

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Le musée "Ripley’s" avait affirmé qu’aucun dégât n’a été fait à la robe. Il y avait pourtant de nombreux risques : stress mécaniques sur le tissu, coutures qui lâchent, trous fait par les talons, déchirures aux endroits affaiblis par la sueur de la porteuse originale… Qui plus est, sous la chaleur des spots et des flashs du tapis rouge, la robe était loin de son état de conservation habituel dans une pièce sombre où la température est maintenue à 16 °C et où le taux d’humidité est scrupuleusement contrôlé.

Aujourd’hui, les photos des dégâts font le tour du web. On peut voir des traces de déchirures dans le dos, ainsi que des manques dans les brillants. Elles auraient été prises par un visiteur, et relayée par le collectionneur Scott Fortner, qui est à l’origine de l’une des plus vastes collections d’objets en lien avec l’actrice. Sur le compte Instagram dédié à la collection, celui-ci montre des photos "avant-après", certifiant qu’il s’agit bien de la même robe.

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Un symbole terni

Mais au-delà des aspects physiques, ce sont aussi des aspects symboliques, la valeur patrimoniale et immatérielle de l’objet qui ont été entachés. Le moment historique et iconique est dévalorisé.

Griet Kockelkoren soulignait que "les traces physiques que Marilyn Monroe a pu laisser sur la robe sont pour toujours ternies : des traces de son maquillage qui auraient pu être examinées, des traces de sa sueur, de son parfum, des usures faites par sa façon spécifique de porter la robe." Autant de témoins historiques à jamais perdus.

Ironie : le MET Gala, est organisé par la "papesse de la mode", Anna Wintour, dans le but de récolter des fonds pour la préservation de la collection du Costume Institute, le département du Metropolitan Museum qui conserve les costumes anciens.

 

Pour Griet Kockelkoren, le textile n’est pas toujours considéré comme faisant partie des beaux-arts, car c’est une matière proche des gens. Il est donc difficile de faire comprendre qu’il faut protéger et valoriser de la même façon que toutes les autres formes d’art.

Rappelons que depuis 1986, plusieurs associations officielles internationales de préservations du patrimoine ont acté le fait qu’il est contraire à l’éthique de conservation de porter des costumes historiques.

Une question d’argent

Alors pourquoi a-t-on laissé Kim Kardashian porter cette robe ? Selon le Los Angeles Times, c’est avant tout pour l’argent. Le musée "Ripley’s" n’a en effet de musée que le nom. Il n’est pas reconnu comme tel, et appartient à une société de divertissement qui possède des attractions touristiques. Son but est donc avant tout la rentabilité, et non la sauvegarde du patrimoine. Vraisemblablement, en échange de quelques minutes passées dans la robe, Kardashian aurait fait de généreux dons à la société.

La restauratrice de l’IRPA souligne que de plus en plus, les ateliers de conservations et restaurations de textiles du monde entier subissent des pressions pour autoriser ce genre de choses. Une pression économique et une pression marketing. Les objets de patrimoine deviennent des éléments de publicités, et les conservateurs et restaurateurs ne sont pas toujours écoutés. La conservation préventive, qui est censée empêcher que l’objet se détériore, est très peu considérée, jusqu’à ce qu’un problème apparaisse. Cet épisode en est le triste symbole.

 

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