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L'affront du MR au Premier ministre, l'affront du Premier ministre au MR

L'affront du MR au premier ministre, l'affront du premier ministre au MR

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Par Bertrand Henne - Les coulisses du pouvoir

Peut-on être en même temps en opposition et d’accord avec une décision ? Oui c’est possible. Ça s’est passé hier au parlement fédéral à propos de la nomination de Ishane Haouach, femme musulmane et voilée comme commissaire du gouvernement à l'institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Le Premier ministre Alexander de Croo, a dû s’exprimer deux fois devant le parlement.

Non-contradiction

La non-contradiction est le principe logique le plus fondamental de l’esprit humain. Évoqué par de très nombreux philosophes comme la base de la réflexion et de la raison. Pour faire simple la raison interdit d’affirmer et nie la même proposition. Pour de nombreux psychiatres, le non-respect du principe de contradiction est un signe de déraison, de pathologie, de folie.

Il y avait de quoi devenir fou hier à la chambre. Le Premier ministre a dit à propos de la nomination Ihsane Haouach, qu’aucun parti n’a remis en question la décision. Mais en même temps le président du MR tweetait que ce n’était "pas exact" et le ministre MR David Clarinval disait qu’il s’y était bel et bien opposé.

Le principe de non-contradiction heurte le parlement. Quelqu’un a donc menti ? Le Premier ministre a dû revenir s’expliquer. Il confirme sa position mais en même temps précise ceci : "Il n’y a pas de discordance au sein du gouvernement"

Alors qui dit vrai ?

Bien souvent en logique la contradiction ou les paradoxes sont levés par une analyse des niveaux de langage.

Le Premier ministre dit vrai d’un point de vue décisionnel. Si le MR voulait bloquer la nomination décidée par la secrétaire d’Etat Sarah Schlitz Ecolo, il devait mettre le point à l’agenda du conseil des ministres, et demander son annulation ou une nouvelle décision. Il ne l’a pas fait. Le MR ne s’est donc pas opposé techniquement et politiquement à cette décision. La décision est prise, Ihsane Haouach sera bien nommée au nom du gouvernement, le moniteur faisant foi. C’est la réalité technique et politique. Le Premier ministre dit donc la vérité.

Mais, quand le MR parle d’opposition, il n’évoque pas ce niveau "décisionnel". Il en reste au niveau de la discussion, de la conversation. Le MR a fait savoir qu’il n’était pas d’accord en Kern, il a dit sa désapprobation. En ce sens-là il s’est opposé. De ce niveau de langage, le MR a dit la vérité, il s’est opposé.

Ces nuances sémantiques annulent la contradiction. Mais seulement en partie. Car la politique gouvernementale c’est une discussion, suivie de l’arrêt d’une décision. Il y a eu opposition dans la discussion, mais pas dans la décision et c’est ça qui compte, à la fin. C’est la seule chose qui compte.

Alexander de Croo, fragilisé

Avec cette affaire, entre le VLD et le MR le contentieux a grossi. Ça avait commencé déjà dans la négociation au palais d’Egmont l’été passé. Ça a continué avec la crise sanitaire ou la parole du Premier ministre a été remise en cause plusieurs fois par les libéraux francophones.

L’œuf à peler entre le VLD et le MR est de plus en plus gros. Car hier, le Premier ministre n’a pas fait qu’expliquer qu’il y avait une décision. Il a fait plus que ça. Il a défendu Ihsane Haouach en évoquant un "CV en béton". C’est un affront public pour le MR qui a donc choisi de répondre en contredisant le Premier. Affront contre affront.

On passe un niveau supplémentaire dans la tension, car le MR a mis en danger le premier devant son parlement et fait le jeu de l’opposition N-VA et Vlaams Belang en Flandre. De manière plus générale, en important la polémique autour du voile au fédéral, il donne des cartouches aux partis flamands de l’opposition. Pour le VLD ça ne peut pas continuer comme ça. Certains cadres évoquent en off, de la déloyauté de la part du MR.

La question que beaucoup se posent au VLD, et d’ailleurs chez les autres partenaires du MR, c’est : jusqu’où est-ce que ça ira ? Jusqu’ou est-ce que Alexander de Croo pourra-t-il supporter ça ? Souvenez-vous. On se posait la même question avec Charles Michel qui subissait les foucades de la N-VA sous la Suédoise. Au bout du compte c’est la N-VA qui est partie.






 

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