Un jour dans l'histoire

L'Angleterre et le Troisième Reich : une sombre et secrète liaison aux ramifications économiques et politiques

Un Jour dans l'Histoire

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Par Nadine Wergifosse via

A quel point les partisans de l’apaisement avec le Reich, à la fin des années 1930 et les soutiens britanniques des idées fascistes ont-ils pesé dans la politique menée face à la menace nazie ? De quelle manière et par quels procédés a été mené le projet de mettre fin à l’entente cordiale entre Londres et Paris au profit d’un accord géopolitique global avec l’Allemagne ? Un Jour dans l’Histoire reçoit l'historien et journaliste Eric Branca.

Une photo extraite d’un film de la famille royale d’Angleterre, révélée en 2015 et ensuite publiée dans The Sun, un journal anglais qui tire à plusieurs millions d’exemplaires, montrait la Reine Elizabeth II et sa sœur Margaret, petites filles, faisant le salut nazi.

Eric Branca, auteur de L’aigle et le léopard : Les liaisons dangereuses entre l’Angleterre et le IIIe Reich explique : "Cette photo de 1933 raconte l’histoire qui n’a pas encore commencé du futur Roi Edouard VIII qui est l’oncle d’Elizabeth. Alors que son père George V est encore au pouvoir, Edouard VIII est fasciné par l’Allemagne d’Hitler. Il voulait épouser un authentique agent de l’Allemagne nazie qui était aussi la maîtresse de l’ambassadeur d’Hitler à Londres. Il était extrêmement proche idéologiquement des nazis à tel point qu’Hitler, avec son projet d’envahir l’Angleterre, l’aurait mis sur le trône".

L'historien et journaliste soulève d'ailleurs d'autres connivences gênantes pour la famille royale britannique : "Trois des sœurs du Duc d’Edimbourg, mari d’Elizabeth II, né Allemand, ont été membres du parti nazi. Lors du décès de l’une d’elles en 1937, les beaux-frères arboraient la croix gammée et les funérailles se sont déroulées selon le rituel nazi. Des officiels en chemise noire, des SS, étaient présents".

La prégnance germanophile n’a pas cessé de hanter la famille royale d’Angleterre

Depuis le 18e siècle, la famille régnante en Angleterre était d’origine allemande, appelée la Dynastie de Hanovre. Victoria du Royaume-Uni épouse d'Albert de Saxe-Cobourg et Gotha avait un petit-fils : Charles-Édouard de Saxe-Cobourg et Gotha.

Ce dernier, avant la guerre de 1914, fait le choix de la nationalité allemande. Il est banni de sa famille après avoir apporté son soutien à l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. "Une rupture qui aboutit à son engagement en faveur du régime nazi dans les années 1930 et son ralliement affiché au parti nazi dès les premières heures puisque lors des cérémonies officielles, il se présente en costume de SS" souligne Eric Branca qui précise que "par ailleurs, l’engagement de la famille Royale lors de la Seconde Guerre mondiale a été exemplaire : George VI, le frère d’Edouard VIII ainsi que sa mère visitaient les villes bombardées et Elizabeth s’était engagée comme ambulancière. Mais cette prégnance germanophile n’a pas cessé de les hanter puisqu’en 2005, Harry, le fils du roi Charles, se fait photographier en uniforme de l’Afrikakorps avec un brassard à croix gammée. Cela reste leur part d’ombre".

Pour l’historien et journaliste, en 1919, lors du traité de Versailles conclu entre l’Allemagne et les Alliés, l'Angleterre et la France ne partagent pas la même vision : "Les Anglais jouent le jeu diplomatique qu’ils manient depuis longtemps, le 'Balance of Power'. Ils vont expliquer à La France que la réparation demandée à l’Allemagne est très excessive. La peur d’une trop puissante France est une des explications. Dans les années 20, le gouvernement britannique fait en sorte que les Allemands ne paient plus les réparations et joue contre le franc sur les marchés financiers, afin que les Français se retirent de la Ruhr".

Charles-Edouard, duc de Saxe-Cobourg et Gotha, au centre, reçoit l'ambassadeur allemand Joachim von Ribbentrop lors d'un dîner anglo-allemand le 2 décembre 1937 à Grosvenor House, Londres.
Charles-Edouard, duc de Saxe-Cobourg et Gotha, au centre, reçoit l'ambassadeur allemand Joachim von Ribbentrop lors d'un dîner anglo-allemand le 2 décembre 1937 à Grosvenor House, Londres. © Keystone/Hulton Archive/Getty Images

De puissants groupes d’intérêts anglais vont joindre leurs efforts pour soutenir la politique d’Hitler

De même qu’une partie de l’aristocratie, la City de Londres soutiendra l’Allemagne

Dans les années 1920, l’Empire britannique est la plus grande puissance commerciale du monde. Ces banquiers verront leurs intérêts à soutenir le redressement économique de l’Allemagne. Le gouverneur Montagu Collet Norman, premier baron Norman, est un banquier anglais connu pour avoir été le gouverneur de la Banque d’Angleterre. Eric Branca commente : "Il était l’ami intime du Président de la Reich Bank qu’Hitler maintiendra à son poste et dont il fera son ministre des Finances. Dès avant Hitler, un axe politico-économique Londres-Berlin se forme, et la France est le dindon de la farce".

Une pensée commune entre les dirigeants britanniques et allemands ?

Depuis la fin du 19e siècle, un puissant courant d’idées aux implications multiformes traversait les milieux dirigeants anglais et allemands : le racialisme.

Une théorie encore plus extrême que le racisme estime Eric Branca : "Le racisme est une attitude tandis que le racialisme est une doctrine. En Angleterre, dès avant la guerre de 14, pour les partisans de Darwin et de Spencer, qui est celui qui installe cette doctrine sur le plan social, les plus forts ont le droit de dominer les plus faibles. Par conséquent, les races supérieures ont le droit et même le devoir de dominer les races inférieures. C’était la colonne vertébrale du colonialisme anglais, la vocation de l’Angleterre à dominer les peuples moins développés"

20 janvier 1936 : des anciens militaires allemands, défilent avec une croix nazie vers le Cénotaphe à Londres. Ils ont été invités par des anciens militaires britanniques.
20 janvier 1936 : des anciens militaires allemands, défilent avec une croix nazie vers le Cénotaphe à Londres. Ils ont été invités par des anciens militaires britanniques. © Tous droits réservés

L’inspiration principale d’Hitler venait d’un Anglais

Houston Stewart Chamberlain, un essayiste britannico-allemand, principalement connu en tant que théoricien raciste, a écrit un livre best-seller en Allemagne qui s’appelait Les Racines du XIXe siècle où il expliquait que les peuples nordiques, anglo-saxons et germaniques devaient s’entendre pour dominer le monde.

Il était d’origine anglaise, avait pris la nationalité allemande avant la guerre de 1914, et s’était remarié avec la fille de Wagner. Il était devenu un des plus grands inspirateur d’Adolf Hitler. "Hitler a même écrit qu’il était l’évangéliste du nazisme. L’inspiration principale d’Hitler venait d’un Anglais" souligne l’historien.

L'inquiétude de la montée du fascisme en Angleterre

En 1938, certains observateurs s’inquiétaient de la montée des idées fascistes en Angleterre et surtout de l’adhésion des élites.

Eric Branca, auteur d’une quinzaine de livres dont le très connu L’ami américain explique : "La grande différence est qu’en Allemagne le mouvement nazi était fait de prolétaires, il y avait assez peu d’aristocrates. Alors qu’en Angleterre, la haute bourgeoisie, l’aristocratie, les milieux financiers sont tout à fait acquis à l’idée d’une paix avec l’Allemagne nazie. Il ne faut pas confondre les ‘apaiseurs’ et les pros nazis. Parmi ces derniers il y avait Oswald Mosley qui est le fondateur de la British Union of Fascists (BUF) en 1931, le parti fasciste anglais, qui ne dépassera pas les 50.000 membres". 

Dans un premier temps, ce fascisme anglais sera nostalgique d’une Angleterre 'Old Mary England' mais ensuite, financé par Hitler, il y aura une composante antisémite très importante qui croît jusqu’en 1940. Eric Branca :  Londres, Joachim von Ribbentrop qui sera l’Ambassadeur du Reich et qui deviendra ministre des Affaires étrangères d’Hitler, investit dans la noblesse, dans la politique, dans les milieux financiers et aussi chez les directeurs de presse très puissants avec cette presse anglaise qui tire à des millions d’exemplaires quotidiens".

En 1936, Sir Oswald Ernald Mosley retourne le salut nazi lors d'un meeting de la British Union of Fascists à Capel Street à Londres.
En 1936, Sir Oswald Ernald Mosley retourne le salut nazi lors d'un meeting de la British Union of Fascists à Capel Street à Londres. © Tous droits réservés

Une 'fraternité' anglo-germanique qui s'entretient jusqu'au début de la Seconde Guerre

En 1935 est fondée la fraternité anglo-germanique (Anglo-German Fellowship) au sein de laquelle a lieu des échanges permanents d’étudiants, des échanges culturels mais surtout des échanges économiques. "Parmi les parrains de cette fraternité anglo-germanique, vous trouvez toutes les multinationales anglo-saxonnes de l’époque : Shell, Unilever… Et du côté allemand, les industries d’armement : Krupp, Thyssen… Une confrérie qui aura un rôle essentiel avec comme président désigné par Hitler, le petit-fils de la Reine Victoria, Charles-Édouard de Saxe-Cobourg et Gotha". 

Edouard VIII succède à George VI en 1936 et après une crise constitutionnelle, devra abdiquer après un règne de 326 jours. "Grâce aux archives déclassifiées, on connaît aujourd’hui une histoire peu connue. George V était extrêmement inquiet des fréquentations nazies de son fils, dont celle de Joachim von Ribbentrop".

En 1936, les Jeux Olympiques sont un triomphe pour le Reich. En 1937, l’Allemagne expose à Paris son gigantesque pavillon lors de l’exposition universelle tout comme celui des Soviétiques. Cette même année, Neville Chamberlain qui accède au poste de Premier ministre négocie les accords de Munich. "Neville Chamberlain a la réputation d’un faible mais selon moi, ce n'est pas juste. Il s’est trompé et n’a pas réalisé en face de qui il était. Il se rendra compte ensuite combien il s’est fait rouler par Hitler. Lors de la déclaration de guerre, en 1939, il rappellera Lord Winston Churchill comme Premier Lord de l’Amirauté" estime Eric Branca qui ajoute : "Dans les années 20, Winston Churchill était le seul à s’opposer à la politique de son pays et critiquait les négociations de Paix avec l’Allemagne. Même le Vatican soutenait ces propositions". 

Après la démission de Chamberlain, Lord Winston Churchill devient Premier ministre, à quelques voix près contre Halifax. Cette nomination "n’enchante ni le Roi, ni l’establishment".

Adolf Hitler, aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936.
Adolf Hitler, aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. © The Print Collector / Heritage-Images- Getty Images

Pas d'épuration des 'nazis' britanniques à l'après-guerre

À l'après-guerre, il n'y a pas eu besoin d'épuration au Royaume-Uni avance l'historien et journaliste. 

"D’abord parce qu’il n’y a pas eu une invasion allemande et donc pas de collaboration où les gens se seraient mis au service de l’occupant. Churchill leur a rendu service car en mai 1940, il a interdit le parti fasciste britannique et a mis en prison ou en résidence surveillée, selon la gravité de leur cas, tous les gens qui étaient pour une alliance avec l’Allemagne, à peu près 3000 personnes dont Moslay lui-même".

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