Un jour dans l'histoire

L'espionnage au Moyen-Age : en plein essor, la diplomatie ne pouvait se passer de son pan occulte

Un Jour dans l'Histoire

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Par Nadine Wergifosse via

Au même titre que la prostitution, l’espionnage est souvent considéré comme l’un des 'plus vieux métiers du monde'. Avec une filiation venue de l’Antiquité romaine, l’espionnage au Moyen Âge se pratique au sein des cours royales, lors des croisades. Comme dans un jeu d’échecs, il s’agit de mieux connaître sur les positions de l’ennemi et afin de prendre avantage sur lui. Pour nous éclairer sur les moyens de l’art consommé du renseignement durant cette période, Valentin Baricault, historien auteur de L’espionnage au Moyen-Âge était l’invité d’Un Jour dans l’Histoire.

Selon le spécialiste, c’est au Proche Orient ancien, au 8e et 7e siècle avant notre ère, que l’on situe les premières utilisations d’espions. Dans l’antiquité romaine, le renseignement et son exploitation participent à l’art de gouvernement : "Beaucoup de sources et d’écrits évoquent l’utilisation d’espions pendant l’Empire romain. Végèce dans son Traité de l’art militaire est un des livres les plus recopiés lors de la période médiévale. Tout 'bon chevalier' doit l’avoir dans sa bibliothèque. Certains s’en inspirent pour rédiger des textes de problématique politique et militaire".

Dans les sources latines, deux termes sont employés : "Delatore" et "Explorator". Le premier terme désigne l’espion ennemi tandis que le second est l’espion 'du bon côté'.

Les caractères innés de l’espion : la fausseté, la dissimulation, l’imposture et le mensonge

"Le mensonge est le caractère inné de l’espion car il se dissimule" explique Valentin Baricault qui poursuit : "Dans les chansons de geste, on retrouve le questionnement de savoir jusqu’où on peut faire confiance à l’espion ? Ne mène-t-il pas un double jeu ? L’ambivalence dans sa fidélité à un pouvoir, la fausseté liée à l’intention de tromper, à l’imposture sont des sujets très importants au Moyen-Age". 

Une vision péjorative de l’espion que Montesquieu, dans l’Esprit des Lois, nomme comme 'un vilain métier' puisqu'il enlève le lien de confiance entre l’autorité politique et le peuple et donne un caractère perfide au roi qui peut basculer dans la tyrannie.

Comme l’explique Valentin Baricault, la diplomatie prend de plus en plus de poids au sein des relations entre états afin d’améliorer leurs relations mais l’ambassadeur est-il digne de confiance ? : "Représentant d’une autorité étrangère, l’ambassadeur possède une immunité mais on s’en méfie dans les cours de France, de Bourgogne ainsi que dans les communes italiennes. On commence à supposer qu’il est là aussi pour transgresser certaines règles : écouter aux portes, se mettre en contact avec des gens de la cour…"

Les ambassadeurs du Caliphe Harun al-Rashid devant Charlemagne en 801
Les ambassadeurs du Caliphe Harun al-Rashid devant Charlemagne en 801 © Getty Images

Se dissimuler et passer inaperçu au milieu du chaos

Les activités et l’identité non révélées de l’espion font de lui un mystère. Il recourt au déguisement ou possède les caractères physiques nécessaires pour passer inaperçu et se dissimuler dans des lieux stratégiques. "A la fin du 15e siècle, lors de ‘la guerre folle’ l’histoire d’un serviteur et chapelain de Louis II d’Orléans, un homme d’Église au-dessus de tout soupçon, servira d’espion malgré lui pour transmettre des lettres à un contact à Tours" raconte l’historien Valentin Baricault qui souligne aussi l’importance du réseau au Moyen-Age : "Si vous avez un commanditaire, il peut y avoir des intermédiaires. J’ai trouvé dans des archives judiciaires, des procès que Louis XI met en place au 15e siècle lors d’une révolte nobiliaire. Ils retracent le fil des réseaux de la trahison pour réussir à remonter aux Grands Princes qui sont les commanditaires du complot contre le roi."

L’historien raconte encore ce temps des croisades où les Occidentaux découvrent une région inconnue et souvent inhospitalière : "Ce n’est pas pour rien que la première croisade durera quatre ans, faute de connaître le terrain. Partis en 1095 avec des contingents venus de toute l’Europe avec comme point de ralliement Constantinople. De nombreuses pérégrinations auront lieu et ensuite des éclaireurs, chrétiens orientaux, leur viendront en aide".

Philippe de Commynes d’Ypres, anobli par l’État bourguignon est un chroniqueur et mémorialiste qui, sous Louis XI et surtout Charles VIII se fera le relais du roi. "Il démontre que la diplomatie officielle ne peut se passer de son pan occulte où il donnera des rapports secrets des tractations des cités italiennes entre elles et de leur arsenal militaire" souligne Valentin Baricault qui termine son entretien en précisant : "Les villes italiennes vont être les premières à mettre en place des structures de renseignement. Elles seront dirigées par un maître des espions qui aura la charge de l’organisation d’un service d’espionnage".

► Découvrez l’intégralité de ce podcast d’Un Jour dans l’Histoire ci-dessus.

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