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L'évacuation d'Afghanistan, un succès, vraiment ?

Le président Joe Biden a salué mardi depuis la Maison Blanche l'"extraordinaire succès" de la mission d'évacuation d'Afghanistan.

© AFP or licensors

Dans un discours solennel prononcé ce mardi depuis la Maison Blanche, Joe Biden a qualifié la mission d’évacuation des Américains et de leurs alliés d’Afghanistan d’"extraordinaire succès", tout en précisant qu’"aucun pays n’a jamais rien réalisé de comparable dans toute l’Histoire". Malgré les critiques, le président américain a aussi assuré que quitter ce pays le 31 août était "la meilleure décision pour l’Amérique", parlant de date choisie "pour sauver des vies". 

Joe Biden ne parlait pas de lui mais des soldats

Plus de 123 000 civils ont été évacués depuis le 14 août, selon le Pentagone. Mais de nombreux républicains reprochent à Joe Biden d'avoir abandonné entre 100 et 200 citoyens américains souhaitant quitter l'Afghanistan, où l’ONU pressent déjà une catastrophe humanitaire. Alors peut-on parler d'une mission couronnée de succès? Nous avons posé la question à Jean-Eric Branaa, politologue et essayiste spécialiste des Etats-Unis, maître de conférences à l’Université Paris II.

"En utilisant le mot succès, le président ne parlait pas de lui mais des soldats", commente-t-il d'emblée. "Il était en train de féliciter les soldats américains, en disant qu'ils avaient fait leur travail, qui était de mettre à l'abri plus de 100 000 personnes en une dizaine de jours, ce qui est effectivement extraordinaire et ne s'est jamais fait dans le monde". "En réalité, l'armée américaine a été prise au dépourvu au moment où Kaboul est tombée de façon inattendue aux mains des Talibans", poursuit Jean-Eric Branaa, "le renseignement américain avait prévu que ça allait durer plusieurs mois, il a donc fallu réorganiser cette évacuation américaine qui devait se faire avec l'appui des forces afghanes".

Le chaos, il était au-delà des murs de l'aéroport

Selon le spécialiste, les Américains, qui ont d'abord été débordés par l'afflux de personnes cherchant à fuir le pays, ont ensuite repris le contrôle. "Ce n'est qu'au-delà des murs de l'aéroport qu'il y avait le chaos, dans la zone contrôlée par les Talibans et non plus par les Américains. C'est cela que Joe Biden a voulu mettre en évidence dans son discours... Alors oui, on peut parler de succès mais avec un gros bémol: cet attentat qui a fait plus de 180 morts dont 13 Américains [...] C'est ce que Biden voulait éviter et c'est ce sur quoi il voulait insister. Il fallait aller vite pour que cela ne se reproduise pas, d'où le respect de cette date butoir du 31 août".

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"Le président n'a pas mis fin à la guerre, il a capitulé". C'est ce qu'écrit un élu républicain dans un tweet exprimant une autre grande critique adressée à Joe Biden. "De la mauvaise politique", estime Jean-Eric Branaa qui rappelle qu'une majorité d'Américains sont pour le retrait et l'accueil des réfugiés.

"Les Républicains qui se sont embarqués dans la critique du président dans cette guerre ont les élections de mi-mandat en tête, et se servent de ce thème comme rampe de lancement de leur campagne pour 2024 [...] C'était du pain béni pour les Républicains qui pourtant sont ceux qui ont signé l'ordre d'évacuation sous Donald Trump", rappelle-t-il encore.

Les thématiques de campagne à l'épreuve du redécoupage électoral

Mais l'Aghanistan n'impactera nullement le résultat des élections à venir aux Etats-Unis, prédit le politologue. "Elles vont se jouer sur les redécoupages électoraux issus du dernier recensement de la population américaine". Ce recensement, qui a lieu tous les 10 ans, redessine les circonscriptions du pays, certains Etats engrangeant des députés supplémentaires, d'autres en perdant.

"Actuellement, on a un différentiel de 9 députés entre les Démocrates et les Républicains. 5 députés gagnés feront la majorité, ça ne tient donc à rien", explique Jean-Eric Branaa qui estime que "l'enjeu se situe aujourd'hui plus sur ces redécoupages que sur les thématiques", la politique étrangère étant de surcroît un thème qui impacte traditionnellement peu le comportement des électeurs américains dans les urnes.

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