Le vicaire général de l’archidiocèse de Calcutta Dominic Gomes a dénoncé un "cadeau de Noël cruel pour les plus pauvres". Il souligne que 22.000 personnes dépendent directement de l’aide de la congrégation. "Cette dernière attaque contre la communauté chrétienne et son action sociale constitue une attaque ignoble contre les plus pauvres de l’Inde, que la congrégation des Missionnaires de la charité sert. Nous condamnons l’action du gouvernement", écrit le vicaire dans un communiqué.
L’archidiocèse fait référence aux accusations lancées contre la congrégation il y a deux semaines de "conversions forcées". La police de l’Etat du Gujarat a lancé une enquête contre les Missionnaires de la charité suite à une plainte. On a trouvé 13 exemplaires de la Bible dans la bibliothèque d’un centre de la congrégation. Un employé d’un service social affirme que pensionnaires étaient obligées de les lire. L’organisation a démenti. Le texte fondateur de l’ordre religieux stipule que les Missionnaires "n’imposent leur foi catholique à personne".
Politique de harcèlement
Ces initiatives contre la congrégation de Mère Teresa sont perçues comme faisant partie d’une politique de harcèlement des minorités non-hindoues dans le pays. Les défenseurs des droits humains dénoncent une augmentation des discriminations et de la violence, en particulier contre les musulmans et les chrétiens.
Des militants ont recensé plus de 300 incidents antichrétiens cette année. Récemment, une foule d’hindous a attaqué à coups de pierre une école chrétienne de l’Etat du Madhya Pradesh. Une église a été vandalisée dans l’Etat du Karnataka.
Des dizaines de musulmans ont aussi été arrêtés, accusés de se livrer à un "love jihad". L’expression est utilisée par les groupes hindous radicaux pour accuser les hommes musulmans de convertir des femmes hindoues par le mariage.
Lois anti-conversion
Au moins huit États indiens ont adopté des lois anti-conversion, qui visent parfois les mariages entre époux de religions différentes. En principe, les textes visent les conversions obtenues par la contrainte ou la ruse. Mais ses opposants dénoncent une criminalisation de toute conversion.
Une tentative de faire passer une législation nationale sur les conversions a été bloquée par la Cour suprême. Elle a estimé qu’une telle mesure serait inconstitutionnelle, car la loi fondamentale indienne garantit à chaque citoyen le droit de professer, de pratiquer et de propager la religion de son choix.
Des évêques de différentes confessions chrétiennes ont d’ailleurs contesté les lois régionales anti-conversion auprès du gouvernement fédéral, en s’appuyant sur la constitution du pays. Au mois d’octobre, ces évêques avaient également manifesté leur inquiétude à propos des mesures interdisant les dons étrangers en faveur des organisations caritatives.
L’éradication des ONG
De nombreuses ONG ont déjà disparu en Inde, explique le chercheur Chrisophe Jaffrelot, auteur de L’Inde de Modi : "De très grandes ONG financées par l’Occident ont dû mettre la clé sous la porte depuis des années. On évalue que deux tiers des ONG indiennes ont disparu, alors qu’elles ont toujours contribué notamment à l’éducation. Elles étaient 30.000 en 2014. Il en reste une dizaine de milliers. Ce n’est qu’une victime de plus dans une très longue série dont on a très peu parlé en Europe."
De grandes organisations internationales comme Amnesty et Greenpeace en ont fait les frais. Mais les organisations chrétiennes sont particulièrement visées, note Christophe Jaffrelot : "Les minorités chrétienne et musulmane sont dans le collimateur. On en a eu l’illustration, puisque les messes de Noël ont été perturbées. On a détruit des crucifix, des statues en certains lieux et fait irruption dans des églises. C’est une forme de xénophobie qui vise les minorités dites étrangères, qui pratiques des religions non-indiennes."
Les effets de l’hindutva
L’intolérance religieuse a repris vigueur depuis l’arrivée au pouvoir des nationalistes hindous. Les militants du BJP (Bharatiya Janata Party) du Premier ministre Narendra Modi considèrent que l’islam et le christianisme sont des religions étrangères et n’ont pas leur place en Inde. Ce sont principalement les États dirigés par le BJP qui adoptent les législations anti-conversion controversées.
Ces mesures sont inspirées de l’hindutva, l’idéologie qui cherche à affirmer et défendre l’hindouité face aux influences extérieures. "Les idéologues de l’hindutva identifient des boucs émissaires, qu’ils dépeignent comme irréductiblement menaçants", analyse Isabelle Saint-Mézard, spécialiste de l’Inde. "Ce faisant, ils diabolisent les minorités dont la confession est jugée " non indienne ", car née hors du sous-continent. Ce sont en l’occurrence, la chrétienté et l’islam qui sont ainsi stigmatisés."