L'océan Austral, un cinquième océan bientôt dans les atlas

© Daniel Delille

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Par Daphné Van Ossel

Désormais, pour nommer tous les océans de la planète, il ne faudra pas 4 mais 5 réponses. Reprenez avec moi : l’océan Pacifique, l’océan Atlantique, l’océan Indien, l’océan Arctique et, et, et, l’océan Austral !

La National Geographic Society, qui cartographie la terre (et le ciel) depuis 1915, a reconnu officiellement ce cinquième océan cette semaine. Il est constitué par la masse d’eau qui entoure l’Antarctique jusqu’au 60ᵉ parallèle sud, à l’exception du passage de Drake et de la mer de Scotia.

"L’océan Austral est reconnu depuis longtemps par les scientifiques, mais comme il n’y a jamais eu d’accord international, nous ne l’avons jamais reconnu officiellement", explique Alex Tait, géographe à la National Geographic Society.

L’océan Austral est reconnu depuis longtemps par les scientifiques, mais comme il n’y a jamais eu d’accord international, nous ne l’avons jamais reconnu officiellement.

 

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En 1937, l’Organisation hydrographique internationale (OHI), qui travaille avec les Nations Unies pour standardiser les noms géographiques à l’échelle internationale, a reconnu l’océan Austral comme océan à part entière. Mais elle a annulé cette désignation en 1953, “en raison d’une controverse", précise le National Geographic.

Absence de consensus

Une nouvelle proposition a été faite en 2000 mais il n’y a pas encore d’accord. La définition des frontières pose problème : certains Etats préfèrent une limite septentrionale, à hauteur du 60e parallèle Sud, d’autres préfèrent des limites situées plus haut sur le globe.

Les frontières ne font effectivement pas consensus. L’océan Austral est “le seul océan à toucher trois autres océans et à embrasser complètement un continent plutôt que d’être embrassé par eux”, précise Sylvia Earle, biologiste marine et exploratrice National Geographic.

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Pas de limites physiques

L’océan Austral n’a pas de limites physiques au contraire de la Mer Méditerranée, par exemple, qui est bien encerclée par des terres, explique Bruno Delille, océanographe à l’ULiège. Ses frontières sont floues, changeantes.”

L’océan Austral est en fait défini par un courant, le courant circumpolaire antarctique, un grand courant de masses d’eau qui tourne d’Ouest en Est autour de l’Antarctique.  “Ces masses d’eau sont délimitées par des fronts, en particulier le front subtropical qui est la limite Nord de l’océan Austral, et ces fronts bougent, poursuit Bruno Delille qui a lui-même participé à une étude sur le sujet. Donc oui, je peux vous dire que ce n’est pas si facile que ça de savoir où c’est !

Le 60e parallèle Sud, trop bas pour les océanographes

Bruno Delille fait partie de ceux qui définiraient plutôt la limite de cet océan à hauteur du 35e parallèle Sud : “60° Sud, c’est un peu bas pour les océanographes. J’utilise plutôt la limite de 35° Sud dans mes travaux. 60° Sud, c’est la limite utilisée dans le traité de l’Antarctique, qui est destiné à le protéger. Je pense que ça n’a pas été choisi par hasard, c’est une limite plutôt politique.

L’océan Austral a en tout cas une série de caractéristiques qui le distinguent des autres. “Il y a un changement brusque de température à la surface, qu’on a pu observer en utilisant des données satellitaires et qui aide à le délimiter.

Des eaux plus froides, moins salées, des vents plus forts

Ses eaux sont plus froides, moins salées et cela a du coup un impact sur sa flore et sa faune, qui sont très spécifiques. “On y trouve beaucoup d’oiseaux marins, dont le grand albatros, des baleines qui ont tendance à migrer mais qui se nourrissent là, des phoques, ou encore des manchots qui sont les animaux les plus emblématiques de l’océan Austral.

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Il est aussi recouvert de glace, et les vitesses de vent y sont plus importantes.

"Tous ceux qui y sont allés auront du mal à expliquer ce qui est si fascinant, mais ils seront tous d’accord pour dire que les glaciers sont plus bleus, l’air plus froid, les montagnes plus intimidantes et les paysages plus captivants que partout ailleurs", explique Seth Sykora-Bodie, scientifique marin à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et explorateur du National Geographic.

Une fenêtre vers l’océan profond

L’océan Austral a également un impact crucial sur le climat. “C’est une fenêtre vers l’océan profond, précise l’océanographe Bruno Delille. On estime que, depuis la révolution industrielle, à peu près 70 pourcents de la chaleur qui s’est accumulée à cause des gaz à effet de serre est passée dans les océans. Les océans captent aussi un tiers voire 40 pourcents des émissions de CO2. Tant la chaleur que le CO2 passent principalement par l’Océan Austral parce que c’est là où les eaux profondes se forment. De là, ils sont transférés vers l’intérieur des océans où ils resteront stockés pendant des années.”

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Grâce à l’officialisation de l’océan Austral, les élèves pourraient être amenés à mieux connaître toutes ces caractéristiques. C’est ce que pense Alex Tait, géographe à la National Geographic Society : “Les élèves découvrent le monde océanique via les océans qu’ils étudient. Si on n’y inclut pas l’océan Austral, on n’apprend pas ses spécificités et son importance”.

Une référence pour de nombreux atlas

Pour Frank Nitsche, un géologiste marin de l’Université de Columbia interrogé par le Washington Post, cette annonce de la National Geographic Society est importante parce que c’est une référence pour de nombreux autres atlas et cartes.

On devrait donc voir apparaître plus souvent “Océan austral” sur les planisphères, qui en sont encore souvent dépourvus, si l’on en croit les quelques-uns que nous avons pêchés au hasard sur le Net.

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