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L'oeil sur le monde : les répliques du séisme se feront sentir jusqu’en Europe

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Par Annick Capelle via

Les conséquences du terrible séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie début février, vont se faire sentir encore longtemps. Dans ces deux pays… mais également chez nous.

Il faut s’attendre à de nouvelles secousses. Pas seulement des répliques comme celles qui ont été ressenties ce lundi soir ou les 6.000 autres enregistrées depuis deux semaines. On parle ici de répliques géopolitiques. Même si nous nous trouvons à des milliers de kilomètres de l’épicentre, l’onde de choc risque bien de nous secouer nous aussi.

Un chiffre pour mieux comprendre : 5,3 millions. C’est le nombre de personnes qui, selon l’ONU, sont désormais sans abri, rien qu’en SyrieAvant le séisme, la Syrie était déjà à l’origine d’un très grand nombre de demandeurs d’asile en Europe – qui fuyaient la guerre. Cette catastrophe majeure concerne donc aussi l’Europe, qui doit s’attendre à un nouvel exode de Syriens.

La Turquie moins encline à contenir les candidats réfugiés ?

Jusqu’ici, l’Union européenne a beaucoup compté sur la Turquie dans sa gestion des migrants. Sans Ankara, les Syriens auraient été encore plus nombreux à tenter leur chance en Europe.

Depuis 12 ans, en effet, la Turquie a servi de zone tampon des migrations vers l’Europe. Elle a accueilli 3,5 millions de Syriens qui avaient fui leur patrie. Évidemment, l’Union européenne a contribué aux frais de cet accueil. A coups de gros chèques. Elle a déboursé plusieurs milliards d’euros, pourvu que ces Syriens restent en dehors de l’Europe.

Le problème, aujourd’hui, c’est qu’un tiers des Syriens accueillis par la Turquie (soit un million de personnes), vivent précisément dans la région la plus touchée par le séisme. Et que la Turquie s’inquiète avant tout de ses propres ressortissants : des citoyens turcs, qui eux aussi ont perdu leur maison, et qui lorgnent à présent vers les camps de réfugiés syriens.

Désormais, Ankara risque de se montrer bien moins encline à contenir les candidats réfugiés syriens.

Deux récits… en négatif

Ce séisme change donc considérablement la donne pour l’Europe. Et il tombe à un très mauvais moment. Certes, un séisme ne tombe jamais au bon moment, mais dans le narratif de l’UE, celui-ci est survenu au pire moment.

Il y a parfois des conjonctions d’événements "malheureuses". Le séisme s’est produit dans la nuit du 5 au 6 février. A peine 4 jours plus tard, les dirigeants européens étaient réunis en sommet à Bruxelles. Ils étaient là, notamment, pour parler migration, pour écrire une nouvelle page dans l’histoire de la migration en Europe.

Deux événements qui se croisent, et deux récits qui vont s’écrire en parallèle. Presqu’en négatif…

Alors que des murs viennent de s’effondrer en Turquie et en Syrie, les 27 réunis en sommet, parlent de construire des murs. Pas pour les sans-abri, mais pour se protéger, pour empêcher l’immigration illégale.

Alors que des citoyens meurent étouffés sous les décombres, les Européens parlent d’asphyxie. Leurs structures d’accueil sont saturées. En un an, les passages illégaux détectés aux frontières européennes ont augmenté de plus de 60%… dont une grande partie via la route des Balkans, celle le plus souvent empruntée par les Syriens.

Bref, à l’issue de ce sommet, dans la nuit du 9 au 10 février, l’Europe annonce solennellement qu’elle va durcir sa politique migratoire et renforcer ses frontières extérieures. C’est le retour de l’Europe forteresse. Et tant pis pour le ou les drames qui se jouent à quelques milliers de kilomètres de là.

L’Europe sort le portefeuille

Bien sûr, l’Europe envoie de l’aide aux deux pays touchés par le séisme. Elle propose une aide d’urgence, via le mécanisme de protection civile de l’Union, ainsi qu’une aide humanitaire de 6,5 millions d’euros. Elle annonce aussi qu’en mars, elle organisera une conférence des donateurs afin de mobiliser des fonds internationaux en faveur de la Turquie et la Syrie.

L’Europe sort donc son portefeuille… comme elle l’a fait par le passé.

Et on imagine que, dans les mois qui viennent, elle mettra tout en œuvre pour aider la Turquie à faire face, à reloger des Syriens – en Turquie ou dans le nord de la Syrie. L’Europe s’attellera notamment à gérer les relations souvent compliquées avec le président Erdogan qui ne manquera pas une occasion de faire chanter les Européens.

Mais ouvrira-t-elle grandes ses portes à cette nouvelle vague de migrants syriens qui se profile ? Comme elle l’a fait, il y a quelques mois, avec les Ukrainiens ? C’est peu probable.

En avril dernier, le quotidien La Libre publiait une lettre ouverte rédigée par Rhodi Mellek, une réfugiée syrienne en Belgique. "N’opposons pas les Ukrainiens aux Syriens", écrivait-elle, en refusant de tomber dans la rancœur. Elle applaudissait ce qu’elle qualifiait de "grand élan de générosité" envers les Ukrainiens, et qui, selon elle, prouvait que "quand on veut, on peut". Et elle ajoutait : "Il faudra s’en souvenir lorsqu’il y aura une nouvelle crise migratoire, qu’elle vienne du Swaziland ou d’ailleurs".

Un optimisme bienveillant qui risque de finir en lambeaux dans toujours plus de murs et de barbelés.

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