La BD s'ouvre petit à petit aux femmes : ces cinq bandes dessinées signées par des femmes qui cartonnent

Émilie Plateau est l'une des autrices qui a renversé cette hégémonie masculine. Elle a marqué le public en 2021 avec L'Épopée infernale, un roman graphique qui offre un regard féminin sur les histoires 'dont vous êtes le héros'. Il s'agit cette fois d'un livre 'dont vous êtes l'héroïne', qui rend compte de la condition des autrices de bande dessinée.

Elle livre ses motivations pour aboutir à ce projet novateur : "Cela faisait un moment que j'avais envie d'écrire une bande dessinée engagée. J'avais commencé par des fanzines, puis par l'adaptation de Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin de Tania de Montaigne. Je fais partie du collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme. On parle beaucoup entre autrices de ce qui dysfonctionne dans le milieu de la bande dessinée et dans le monde en général. Là, j'ai senti le courage de faire une bande dessinée sur la place d'une femme dans le milieu très masculin de la bande dessinée. Mais je ne voulais pas que ce soit un livre pédagogique. J'ai donc trouvé ce système de livre ludique dont vous êtes l'héroïne avec de multiples embranchements pour parler d'un sujet qui me tient énormément à cœur puisque cela fait partie de mon quotidien".

Judith Vanistendael a publié Atan des cyclades. Itinéraire d'un jeune sculpteur, son dernier roman graphique, chez Futuropolis pour la collection Musée du Louvre. Elle s'est concentrée sur l'art cycladique du célèbre musée, en relatant l'histoire d'un jeune sculpteur qui doit apprendre à travailler le marbre blanc dans des géométries spécifiques.

Active dans le milieu depuis la fin des années 1990, une exposition lui est désormais consacrée au Centre belge de la bande dessinée, du 24 mars au 12 novembre 2023. Une consécration pour l'autrice et dessinatrice : "Avoir une expo, c'est toujours spécial parce que si elle est bien faite, que les planches fonctionnent sur le mur, c'est incroyable. est-ce important ? c'est une chance, comme c'est lié à un prix que j'ai gagné, je trouve cela magnifique. Cela ne me serait jamais venu en tête de faire une expo rétrospective".

Son roman graphique démontre le mélange des genres que propose le 9e art : Émilie Gleason a sorti Junkfood début 2023, à mi-chemin entre la fiction et le propos journalistique. L'autrice y dénonce la junkfood en partant de plusieurs témoignages récoltés par réunions Zoom pendant le confinement, avec des Américains, Britanniques, Australiens ou Espagnols concernés par ce problème nutritionnel.

"J'ai réalisé que ce qui me parle le plus c'est la docu-fiction : m'adresser à un public à travers l'histoire de personnages fictifs qui racontent un témoignage réel" confie-t-elle. "Je suis allé voir les victimes, celles qu'on n'écoute pas, qui sont incomprises car dire qu'on est accro au sucre, à la malbouffe c'est encore quelque chose qui n'est pas considéré médicalement".

Florence Dupré La Tour a la particularité d'avoir des lecteurs qui l'ont découverte sur sa propre histoire, mais autour de thèmes différents.

Après Cruelle en 2016 et Pucelle en 2020, elle sort Jumelle en 2023. Ce roman graphique est la suite autobiographique autour de sujets bien distincts qui ont jalonné son enfance et son adolescence : son rapport aux animaux, son éveil à la sexualité, sa gémellité.

Raconter les mêmes années de sa vie avec trois prismes différents était risqué, les lecteurs étant parfois versatiles. "C'était en même temps prémédité puisque que savais que j'allais compartimenter mes souvenirs d'enfance en trois grands thèmes, et en même temps pas prémédité du tout car je ne savais pas quel effet cela produirait sur les lecteurs" concède-t-elle. "J'étais hantée par mes souvenirs et j'en avais tellement que je ne savais pas comment les attraper. je me suis rendue à l'évidence, je ne pouvais pas faire une seule histoire comme l'a fait Riad Sattouf (NDLR : avec le best-seller L'Arabe du futur) par exemple, j'étais obligée de travailler par thématique".

Dans la même perspective, Aveline Stokart s'est imposée avec Elles, une métaphore de l'adolescence à travers le dédoublement de la personnalité.

La dessinatrice a puisé dans ses souvenirs d'adolescence, tout en observant la jeune génération actuelle, pour 'moderniser' ses dessins. Le résultat ? Une œuvre aussi naturaliste que vivifiante : "Il y a déjà l'influence de l'animation que je regardais quand j'étais ado et qui perdure assez bien dans le temps, qui parle aux jeunes d'aujourd'hui, je pense que déjà je peux avoir un style qui les touche et même les plus vieux. Je pense que j'observe aussi beaucoup consciemment ou inconsciemment mon entourage même lointain. Cela peut être à des sorties scolaires : je vois des jeunes comment ils s'habillent, leur langage non verbal, leur manière de se déplacer va alimenter mon dessin et la manière de percevoir l'adolescent et je fais aussi un peu de mix avec mon vécu".