Le gaz vert, moins cher et produit en Belgique
Le procédé est très technique, donc nous allons le résumer : chaque jour, Eric injecte 15 tonnes de fumier et 60 mètres cubes de lisier liquide. Ce mélange, appelé "biomasse" est ensuite arrosé, chauffé et brassé dans la cuve, c’est ce qui donne du "biogaz", composé à 60% de méthane et 40% de CO2. Il est ensuite purifié pour ne garder que le méthane, c’est le gaz qui est utilisé pour le chauffage des maisons ou dans les voitures roulant au CNG. Cette méthode est ce qu'on appelle la biométhanisation.
Plus loin dans l’exploitation, nous entendons un bruit de moteur. "C’est le moteur de cogénération, on transforme le gaz en électricité et ce qui nous permet d’injecter dans le réseau d’électricité 6000 kWh chaque jour, c’est la consommation en électricité de 400 ménages. Et en plus de cela, toute notre consommation est autonome en énergie : notre ferme, les deux habitations, les deux gîtes, la salle de traite et nos véhicules au CNG."
Voilà donc, dans le fin fond du Luxembourg, du gaz vert, produit en Belgique, de manière constante et moins chère que le gaz qu’on importe. Serait-ce alors la solution miracle que recherchent les pays européens en voulant se couper du gaz russe ?
Le côté face de la biométhanisation
Eric Jonkeau le reconnaît lui-même, l’investissement était très très important à l’origine. Et le projet, pas tout à fait rentable. "On a investi 3,5 millions d’euros dont 35% sont financés par la région wallonne (27%) et l’Union européenne (8%). Et encore, quand je suis allé voir les banques et la région wallonne, ils ne croyaient pas en mon projet. D’ailleurs, au départ, ce n’était pas rentable. Ce projet sera rentable car j’ai une garantie de 15 ans sur mes certificats verts et que les prix de l’énergie sont élevés. Ce n’est que grâce à ces prix élevés que l’énergie que je produis devient compétitive." Reprenons l’exemple du CNG à la pompe, il était encore à 0,8€ ou 0,9€/kg il y a un an, bien en dessous des 1,20 affichés à la pompe d’Eric Jonkeau.
L’importance de l’investissement et le prix de cette énergie sont également les deux freins que pointe Frédéric Lebeau, professeur à l’Agrio-Bio-Tech de Gembloux et expert de la biomasse. "Dans un contexte de prix normaux de l’énergie, c’est une énergie assez chère à produire et qui demande un investissement conséquent. Aujourd’hui, cette source d’énergie n’est rentable que parce que nous sommes en crise et que les prix de l’énergie importée sont élevés."
Le Professeur Lebeau va même plus loin dans son raisonnement pour ceux qui seraient tentés d’investir dans cette technologie actuellement. "On ne peut pas se lancer dans un tel projet aujourd’hui en se disant que c’est rentable actuellement. Ce serait trop risqué car les prix vont finir par descendre à un moment donné : soit parce que d’autres solutions vont faire baisser les prix, soit parce qu’on sera en récession économique et que les prix baisseront alors naturellement. Lors des premières crises pétrolières, on avait déjà produit des unités de biométhanisation et elles ont disparu lorsque les prix des énergies sont revenus vers le bas."