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La campagne de Gaïa contre la production de foie gras en Wallonie fait réfléchir le secteur

© Gaizka Iroz

Par Juliette Hariga

Des canards qui pataugent dans des enclos sales, des canards qui sont brutalement gavés, qui ont l’air malades ou blessés… Comme chaque année, à l’approche des fêtes, l’association de défense du bien-être animal, Gaïa relance sa campagne contre la production de foie gras. Ces images chocs ont été filmées en caméra cachée en Wallonie et notamment dans deux exploitations namuroises labelisées "fermes artisanales.

Pour l’association, ces images montrent la production soi-disant respectueuse des animaux car traditionnelle est un leurre.

"Notre secteur respecte les règles"

Du côté des producteurs de foie gras, c’est la colère qui domine. "Ces images ont été filmées, durant des mois, à l’insu des propriétaires", explique Catherine Colot, responsable de la filière avicole pour le Collège des producteurs. "C’est une violation claire de la propriété privée. Nous allons porter plainte. Toutes les images sont à charge. Et les gestes que Gaïa assimilent à de la maltraitance peuvent être expliqués. On est interloqués que l’on puisse porter un tel discrédit sur un petit secteur qui est transparent et qui respecte les règles".

Des images montrent notamment un fermier "tordre" le cou d’un canard. Pour Catherine Colot, il s’agit de la "dislocation", une pratique autorisée au niveau européen. Un règlement qui concerne le bien-être des animaux pendant leur mise à mort et qui permet cette pratique sur des animaux qui sont en souffrance, qui sont malades ou blessés et qui doivent être euthanasiés.

Des contrôles inopinés sont menés régulièrement chez les producteurs de foie gras, rappelle le Collège des producteurs. "Les fermes incriminées sont des fermes qui ouvrent souvent leurs portes pour des visites de l’APAQW, pour des journées fermes ouvertes. Nous avons parlé avec ces producteurs et ils sont vraiment dépités. Au niveau européen, la Belgique est un des 5 pays qui peut encore produire du foie gras et la Belgique est le seul pays à avoir un cadre légal", explique Catherine Colot.

Vers une interdiction de production en Wallonie ?

La production de foie gras est déjà interdite en région bruxelloise. Elle le sera bientôt en Flandre (2023). L’association Gaïa veut que ce soit aussi le cas en Wallonie où il existe 7 producteurs de foie gras. " Je ne comprends pas cette volonté", explique Catherine Colot. "Il y a une réelle demande, au niveau mondial, nous sommes les 2e consommateurs de foie gras derrière la France. Nous produisons 25 tonnes de foie gras alors que nous en importons plus de 900. Pourquoi empêcher les personnes qui apprécient le produit d’aller le chercher dans des exploitations familiales près de chez eux. Pourquoi vouloir interdire une production qui nous semble correspondre à la demande de circuit court, et de production artisanale".

Les producteurs qui seraient attentifs aux améliorations à apporter à la production de foie gras, selon le collège des producteurs. On parle de plus en plus de techniques de foie gras sans gavage mais pour l’instant, explique Catherine Colot ce n’est pas une véritable alternative. " Les canards peuvent développer un foie gras sans gavage. Des expériences ont été menées. On a reproduit pour les canards les conditions de la pré-migration. Elles ont été placées dans un endroit obscur et qui avaient toutes les caractéristiques de l’automne juste avant les migrations. Il y a alors le réflexe de se nourrir plus pour faire des réserves et il y a une stéatose naturelle du foie qui se produit. Mais cela prend des semaines, ce qui a évidemment une répercussion sur le coût de production, et les résultats sont trop hétérogènes".

Un mets de fête qui perd sa couronne ?

C’est un constat, le foie gras est désormais considéré par beaucoup comme une insulte au bien-être animal… De là à en faire un mets de fête en voie de disparition ?

Charles-Edouard Jeandrain est le chef d’Attablez-vous à Namur, une étoile au guide Michelin. Le foie gras a sa place au menu des fêtes, la demande des clients est toujours là mais il reconnaît que ce n’est plus la star du repas comme ce fut le cas, par le passé. "Aujourd’hui du foie gras, on en trouve même dans la supérette en bas de chez soi, donc c’est sûr que pour nous ce n’est plus la même chose que du caviar, ou de la truffe où on joue plus sur la saisonnalité du produit".

Si le chef s’approvisionne dans une petite exploitation du Périgord, il ne cache pas son malaise face aux images tournées par Gaïa. " Ça me choque. Surtout quand on sait que ce sont des images tournées à quelques kilomètres de chez nous".

D’ailleurs pour lui il est tout à fait envisageable de rayer le produit de la carte. " On a toujours travaillé le foie gras. Et ce n’est pas la technique du gavage en tant que telle qui me dérange, ça a toujours été comme ça. C’est voir ces images de maltraitance animale. Ça me fait réfléchir. Je pourrais tout à fait me passer du foie gras dans mes recettes. Ou bien en tout cas aller visiter l’élevage qui me fournit pour être sur et certain que tout se passe bien". Le chef cuisinier estime qu’il y a aussi un rôle à jouer du côté des restaurants. "Nous les chefs, on ne peut pas accepter des situations de maltraitance animale".

 

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