Economie

La capture et le stockage du CO2, une filière mûre en Belgique

Par Lucie Dendooven

La captation du C02 vous connaissez ? C’est le plan B pour faire face aux changements climatiques. Plutôt que de miser sur la réduction des gaz à effet de serre, nous le capturons pour l’enfouir dans le sous-sol ou le réutiliser pour fabriquer de nouveaux matériaux ou du carburant. En Belgique, l’idée a fait son chemin et des industries grosses émettrices de CO2 sont désormais mûres pour l’utiliser.

Carmeuse : fabricant de chaux n’a d’autre choix que de capter et stocker le CO2

Nous sommes à Moha, dans la vallée de la Mehaigne. C’est ici que depuis plus d’un siècle, la société Carmeuse exploite une carrière de calcaire pour produire de la chaux. La chaux est un produit de base pour la sidérurgie, l’industrie verrière et la construction et bien d’autres secteurs encore. C’est donc un matériau indispensable. Mais pour parvenir à la produire, il faut chauffer la pierre calcaire à plus de 1000 degrés.

Carmeuse utilise des fours à haut rendement qui ne brûlent qu’un minimum de carburant mais aujourd’hui, l’entreprise est arrivée au bout de cette logique. Aujourd’hui, son CO2 de combustion ne représente, en effet, qu’un quart de ses émissions, le reste, les trois quarts s’échappent de la pierre calcaire elle-même. Difficile dans ces conditions, de diminuer sa production de CO2.

Actuellement, Carmeuse émet 300.000 tonnes de CO2 par an. C’est beaucoup, mais c’est une production inévitable comme c’est le cas aussi dans l’industrie cimentière ou verrière. À l’avenir, Carmeuse compte donc capturer son CO2, comme l’explique Damien Grégoire, le directeur des ressources naturelles de Carmeuse : "Nous aurons à l’avenir une installation qui concentrera le CO2 produit pour réaliser un CO2 pur qui sera soit utilisé pour l’industrie chimique, soit stocké durablement."

Stockage du CO2 dans un ancien gisement de gaz

© Tous droits réservés

D’ici dix ans, Carmeuse voudrait, notamment, acheminer ce CO2 par pipeline jusqu’à un lieu d’enfouissement géologique. Ce lieu est connu, c’est un ancien site d’extraction de gaz dans le sous-sol de la mer du Nord. Lionel Dubois est coordinateur de recherche pour la capture et la conversion de CO2 à l’UMons.

Il connaît bien cette technique de capture du CO2 : "D’une certaine manière, on rend le CO2 à la terre. Selon les voies de stockage géologique, ce CO2 peut même parfois se reminéraliser. C’est une voie qui semble totalement cohérente dans la transition énergétique. Avant l’injection, il y a toute une étude qui est faite pour analyser le sol où on va venir stocker ce CO2 pour voir si, en termes de porosité, de capacité de capture, on est dans le bon. Le risque zéro n’existe pas évidemment. Mais de nombreuses précautions sont prises, en amont, pour éviter le relargage du CO2 dans l’atmosphère."

En effet, il n’est pas exclu qu’à long terme du CO2 ne s’échappe et n’acidifie la mer. Il n’empêche, d’après cet expert, nous aurions la capacité de capturer entre 2000 et 20.000 milliards de tonnes dans les couches géologiques profondes de notre planète. À titre de comparaison, nous émettons 40 milliards de CO2 par an dans le monde.

Selon Edwin Zaccaï, spécialiste de l’environnement à l’ULB, l’Université libre de Bruxelles, l’enfouissement dans les couches géologiques profondes ne résoudra jamais que partiellement le problème de nos émissions de CO2, mais il est une solution vitale pour les industries grosses émettrices de CO2.

Créer une filière de produits CO2

Plaque de polyuréthane réalisée à partir de CO2
Plaque de polyuréthane réalisée à partir de CO2 © RTBF

Reste la solution du réemploi de ce CO2. À l’avenir, le CO2 associé à l’hydrogène, peut devenir du méthane ou du méthanol. Encore faut-il que l’hydrogène fabriqué le soit via une filière verte. Le CO2 peut aussi être reminéralisé pour former des matériaux. Dans le laboratoire Fritco2t de l’ULiège, pas question de stocker mais bien d’utiliser le CO2 pour fabriquer de nouveaux matériaux, comme l’explique Bruno Grignard son coordinateur : "Nous utilisons ce CO2 pour produire des matériaux de demain, des matériaux innovants qui vont répondre aux besoins de la société mais dès leur conception on va intégrer un principe de recyclage pour qu’ils aient une empreinte carbone la plus faible possible."

La plateforme Fritco2t a mis au point de la mousse de polyuréthane à base de CO2. Elle a confectionné des matériaux de construction isolants de différents types et elle a même réalisé des matériaux médicaux comme des valves cardiaques ou des membranes de culture cellulaire avec du CO2.

Aucun de leurs prototypes n’est commercialisé pour l’instant, mais Bruno Grignard est confiant. Aujourd’hui, par exemple, le polyuréthane est fabriqué à base de produits pétrochimiques. Le CO2 sera donc une piste à l’avenir pour s’affranchir des dérivés pétrochimiques.

Pour autant, le meilleur CO2 reste celui qui n’est pas produit. Diminuer nos émissions de CO2 reste donc la solution la plus efficace. En 2030, autrement dit demain, l’Europe s’est engagée à diminuer de 55% ses émissions de gaz à effet de serre.

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