Alors que l’ensemble belge La Lettera Amorosa s’apprête à donner un concert en trio avec un programme autour de la chanson en France et en Angleterre au début du XVIIe siècle, c’est l’occasion pour Michel Keustermans de nous en dire plus sur le sujet dans sa Touche baroque.
L’air de cour à la française
Alors qu’en Italie, au XVIe siècle, on voit la naissance de l’opéra, de l’oratorio et des symphonies, en France, à la même période, on voit éclore plutôt l’air de cour, la chanson et la danse, qui vont évoluer vers le ballet de cour. Les pièces polyphoniques seront adaptées dans une version "light", chant et luth, et souvent, l’accompagnement suit le rythme du texte.
Ces nouvelles formes s’accompagnent souvent d’un procédé de la diminution instrumentale, à savoir le fait d’improviser des ornements sur ces mélodies. Certains titres deviennent célèbres et sont variés plusieurs fois, tels que Tant que Vivray de Claudin de Sermisy, Mille Regrets de Josquin Després, Bonjour mon cœur sur un texte de Ronsard, mis en musique entre autres par Roland de Lassus, et bien sûr Suzanne un jour. Les publications par l’éditeur Ballard auront un rôle primordial pour la diffusion de cette musique dans toutes les couches éduquées de la population.
L’ensemble La Lettera Amorosa, formé de Céline Vieslet, soprano, Laura Pok, viole de gambe et flûte à bec, Bernard Zonderman, luth et théorbe, vous fera découvrir cette musique lors d’un concert intitulé "Soupirs mesles d’amour", le 8 octobre prochain à l’Automne Musical de Spa.
Mélancolie à la cour de la Reine Elisabeth d’Angleterre
Ils passeront ensuite en Angleterre à la même période. Nous voilà en plein règne fastueux de la Reine Elisabeth. Pas celle qui vient de nous quitter, ni celle du Concours… Nous sommes entre 1558 et 1603, un âge d’or artistique grâce à une période de paix relative, et une monarque qui a su s’entourer des meilleurs artistes de son temps, en ayant bien sûr une petite idée derrière la tête, celle de magnifier son image et celle de son pays.
On retrouve nos compositeurs et luthistes à la Cour et au Théâtre, avec un peu la même technique qu’en France : l’air accompagné au luth, bien souvent issu d’une version polyphonique antérieure. Une musique pleine d’émotions, à l’instar de la musique de John Dowland, dont le recueil de pavanes "Flow my tears", Coulez mes larmes, fut un vrai succès. Je me souviens quand j’étais enfant, je lisais " l’histoire de la musique en bande dessinée ", et on représentait toujours John Dowland avec son luth en train de pleurnicher. C’est que ces larmes constituent une grande part de son œuvre. Les airs amoureux affluent à la Cour d’Elisabeth I. Au théâtre, ces passions se cristallisent dans les tragédies de Shakespeare qui fait appel à de nombreux compositeurs pour les besoins de ses pièces.
C’est ainsi que notre ensemble La Lettera Amorosa proposera un deuxième programme autour de Shakespeare le 16 octobre prochain à Virginal, avec des airs de Thomas Morley, John Dowland, Nicola Matteis, jusqu’à Henry Purcell bien sûr (qui lui aussi réalisera des œuvres autour des pièces de Shakespeare) …. Leur formation en trio, chant, basse et luth permet une restitution la plus fidèle de cet art plein de raffinement et de sensibilité.