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La Charentaise, le top du cadeau tendance à mettre sous le sapin

© Thomas Chantepie

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Par Adeline Percept

Avec le Covid, les ventes de chaussons se sont envolées partout en Europe (10 à 15%) et séduisent une nouvelle clientèle avide de confort par temps de télétravail. Pour ce Noël, les authentiques Charentaises, devenues très à la mode, s’arrachent.

À Hem, à la frontière franco-belge, la boutique du site de vente en ligne "La pantoufle à pépère" ne désemplit pas en cette semaine de Noël. Dans les étagères, elles sont à pois bleus sur fond rouge velouté, à liseré vert fluo ou marinière chic : les authentiques charentaises dessinées par la marque font prendre au vieux chausson un grand vent de jeunesse.

Pour toute la famille, de mon plus jeune enfant qui a 5 ans, à mon beau-père qui en a 84

Laurène, 20 ans, en achète à motifs vert pétard pour glisser sous le sapin de son papa. Un autre client confie avoir fait trente minutes de route pour en prendre "pour toute la famille, de mon plus jeune enfant qui a 5 ans, à mon beau-père qui en a 84". Un look tendance, et surtout un confort inimitable, voilà les arguments qui séduisent ces pantouflards.


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En 2013, c’est d’ailleurs en enfilant des Charentaises après une dure journée de labeur en talons hauts dans une boutique que Barbara Liétar a eu l’idée de rajeunir la pantoufle de nos grands-parents. Depuis, la crise sanitaire a fait augmenter fortement les ventes de chaussons partout en Europe.

La Pantoufle à Pépère a vendu 25.000 paires sur l’année 2020. "Notre cœur de cible, ce sont aujourd’hui les 25 – 35 ans, ce que j’étais très loin d’imaginer quand j’ai créé la marque, explique Barbara. Les trentenaires sont très connectés, mais à l’inverse, ils recherchent aussi des produits très authentiques et qui racontent une histoire." Et quelle histoire, que celle des véritables charentaises !

L’histoire des charentaises

Après l’essor industriel d’après-guerre, la pantoufle charentaise décline à partir des années 1980. Jugée ringarde, puis copiée par des ateliers de fabrication à l’autre bout du monde, la Charentaise connaît les affres de la mondialisation et du produit vite consommé, vite jeté.

Dans la zone de production en Charente et en Périgord, quatre entreprises de taille familiale finissent par se regrouper dans les années 2010. Mais la concurrence d’autres produits, de mauvaises décisions de gestion et l’absence de renouveau condamnent le groupement, qui ferme par liquidation judiciaire en 2019. La fin de l’aventure industrielle est annoncée tristement dans la presse.

À La Rochefoucauld, Olivier Rondinaud fait partie des employés qui se retrouvent "sur le carreau" comme on dit en Charente. Sa famille est connue ici pour son savoir-faire : ses arrière-grands-parents cordonniers avaient leur petit atelier dans l’arrière-boutique dès 1907.

Avec d’autres employés et notamment un ancien directeur technique, Michel Violleau, ils décident de remonter une manufacture pour ne pas laisser mourir ce savoir-faire, qui ne se transmet qu’oralement.


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"La liquidation de l’ancien groupe s’est jouée sur un seul coup de marteau à une vente aux enchères. Soit on levait le doigt et on pouvait récupérer tout le matériel. Soit c’était fini", se souvient Olivier Rondinaud. Car les machines qui servent à fabriquer cette pantoufle ne sont plus fabriquées nulle part. Elles datent des années 1950. On les répare et on les rapièce.

Mais en soi, leur rareté fait leur prix. "On a pu récupérer les machines. Puis nous sommes allés chercher les anciens collègues qui voulaient bien repartir dans cette aventure. Nous avons aussi trouvé du matériel à droite, à gauche, dans les granges… En passant des coups de fil aux connaissances", explique Michel Violleau.

La rareté des charentaises authentiques

Car l’authentique charentaise est rare à bien des égards. Elle est confectionnée avec du feutre tissé-tramé pour ce qui est de la semelle. Un feutre fabriqué aujourd’hui uniquement dans une entreprise du Tarn.

Elle est entièrement cousue sur l’envers et garantie sans aucune colle – d’où l’importance de ces machines à coudre spéciales. Et enfin, elles sont retournées. À l’atelier, c’est à ce moment-là que "Kiki", un employé très sûr de son geste et portant chaque jour ses Charentaises au travail, valide (ou pas) le travail des collègues.


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En cette période de fêtes, pour tenter de satisfaire la clientèle en demande, l’atelier tourne à plein et produit 650 paires par jour, à destination de différentes marques de La Pantoufle à Pépère, au Slip français en passant par Eskimo.

Dix-huit employés charentais veillent à ce patrimoine artisanal… "et nous ne souhaitons pas excéder à l’avenir les vingt salariés", expliquent Olivier Rondinaud et Michel Violleau. Les deux hommes qui ont sauvé l’authentique charentaise veulent rester des artisans, car c’est l’esprit même du patrimoine de cette pantoufle.

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