La Chine assouplit ses mesures anti-Covid : un rétropédalage qui sonne l'échec de la politique "zéro Covid" de Xi Jinping

Allègement généralisé

Dix nouvelles mesures sont annoncées par la Commission nationale de santé chinoise, dont un assouplissement des règles d’isolement dans certains cas et la fin des tests pour les déplacements à l’intérieur des frontières chinoises.

C’est la fin des centres d’isolement pour les quarantaines qui pourront être faites à domicile. Les règles viseront plus "finement" les foyers de Covid, par exemple à l’échelle d’un immeuble, d’un étage, ou d’un foyer, à la différence des confinements stricts ayant isolé des quartiers entiers avant un premier allègement le mois dernier.

C’est aussi la fin des dépistages massifs, en faveur de test PCR plus ciblés et moins fréquents. C’est encore la levée de l’obligation de présenter un passe sanitaire pour accéder aux établissements médico-sociaux ou scolaires.

La Commission justifie cet allègement par la mutation des souches virales qui provoquent des formes plus légères voir asymptomatiques de la maladie.

Aveu d’échec du "zéro Covid" et pour Xi Jinping

Néanmoins, cette décision a tout d’un "rétropédalage", estime Thierry Kellner qui rappelle les récentes manifestations. "Le pouvoir cherche probablement à apaiser les tensions à l’intérieur de la société chinoise et ces protestations face à la politique 'zéro Covid' qui montre en fait ses limites".

Mais un relâchement trop rapide des mesures risque évidemment d’amener une vague importante, poursuit Thierry Kellner qui s’attend à une levée par étapes : "Le risque évidemment c’est que les étapes soient trop rapides, soient qu’elles ne le soient pas suffisamment. On a l’impression d’un pouvoir pris entre le mécontentement populaire auquel il doit répondre et une épidémie toujours bien présente. On aura donc des ballons d’essais et des rétropédalages pour essayer que cela se passe le mieux possible".

Une situation difficile donc pour le pouvoir chinois, ce qui fait dire à Thierry Kellner : "C’est quand même un aveu d’échec de cette politique de 'zéro Covid' et de Xi Jinping personnellement puisque c’est lui qui est associé à cette politique en fait".

L’arrivée de l’hiver propice à la transmission des infections combinée à la pression de la rue qui va jusqu’à des slogans politiques oblige donc le pouvoir à relâcher un peu la pression. "Ce qui est intéressant, c’est que cela montre que l’opinion a un poids et un poids important y compris dans un régime aussi autoritaire que le régime chinois", relève Thierry Kellner.

On jugera Xi Jinping sur la manière dont il va gérer cette sortie de la politique du "zéro Covid", s’il y arrive

L’image de Xi Jinping, positive au début de la pandémie en ressort écornée. "Ses échecs vont probablement permettre à ceux qui n’apprécient pas sa méthode de gestion et sa centralisation de pouvoir peser davantage à l’intérieur du parti. Ce n’est pas sans conséquence pour l’avenir de Xi Jinping et on le jugera sur la manière dont il va gérer cette sortie de la politique du "zéro Covid", s’il y arrive".

Une population insuffisamment vaccinée, un système de santé qui pourrait être submergé

La Chine était l’un des derniers pays au monde à appliquer la politique "zéro Covid" qui a chamboulé le quotidien et pénalisé fortement l’économie. Le président Xi Jinping a récemment infléchi son discours, reconnaissant que le variant Omicron, moins mortel, "ouvre la voie à plus de souplesse dans les restrictions". Cet allègement national des restrictions fait suite à des assouplissements annoncés ces derniers jours par plusieurs villes et provinces chinoises.

Mais le risque d’une accélération du nombre de décès existe si les mesures sont trop rapides. "Le Covid 19 est toujours présent et les variants en Chine se transmettent extrêmement vite", souligne Thierry Kellner qui rappelle que les personnes âgées ne sont pas suffisamment vaccinées et que le système de santé pourrait être submergé.

De l’ordre de 40% des plus de 80 ans qui ont reçu deux doses, ce qui est insuffisant et donc un autre échec de la politique de Xi Jinping. Selon The Economist, si les variants se répandaient en Chine, le nombre de patients à hospitaliser dépasserait de 7 fois la capacité en Chine.

La Chine va donc accélérer la vaccination des personnes âgées, son point faible qui l’empêchait jusque-là d’assouplir ses règles sanitaires. Mais cela prendra un certain temps.

Poussé par les mauvais résultats économiques

L’annonce intervient quelques heures après la publication de nouveaux chiffres inquiétants pour la deuxième économie mondiale. En novembre, la Chine a vu ses exportations et importations s’effondrer, sous l’effet conjugué de sa politique sanitaire et d’une demande atone. Le chômage des jeunes, urbains et diplômés, grimpe à près de 19%.

La Chine subit durablement l’impact de la pandémie, sur son économie et sa bourse, avec tous les risques de débordements sur l’économie mondiale. Cette année, l’économie chinoise devrait enregistrer l’une de ses pires performances en matière de croissance en quatre décennies.

"De toute façon les conséquences sur l’économie sont déjà bien visibles, dit Thierry Kellner.

"Mais avec la levée des restrictions, on pourrait se retrouver avec des confinements, donc la levée de cette politique "zéro Covid", ce n’est pas dit que cela profite directement à l’économie, car un grand nombre de Chinois se méfieront et ne recommenceront pas directement à consommer comme le pouvoir l’espère ".