Santé physique

La Commission autorise le 1er vaccin pour protéger les adultes de 60 ans et plus contre le virus respiratoire syncytial (VRS)

© Gettyimages

Par Johanne Montay

r l’immense campus de GSK à Wavre, une unité de production à 70 millions d’euros tourne déjà à plein régime. Elle est dédiée au vaccin contre le virus respiratoire syncytial (RSV) à destination des adultes âgés de 60 ans et plus. Ce vaccin du géant pharmaceutique britannique est le premier dont l’Agence européenne des Médicaments (EMA) a recommandé l’autorisation de mise sur le marché, le 26 avril dernier.

Ce vaccin, baptisé Arexvy, vient de recevoir l’autorisation de la Commission européenne pour être mis sur le marché en Europe. La Belgique attend de son côté l’avis du Conseil supérieur de la Santé à propos de ce vaccin contre le RSV. Il devrait en principe être rendu avant l’automne 2023.

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Pfizer juste derrière

Mais GSK a un concurrent sur ses talons : le 31 mai dernier, l’équivalent américain de l’Agence européenne, la FDA, a approuvé le vaccin Abrysvo de Pfizer, qui entend aussi prévenir le virus respiratoire syncytial chez les personnes âgées. Le marché US lui est donc ouvert, mais pas encore, les portes de l’Union européenne. A ce stade, c’est le vaccin de GSK qui se rapproche de nos pharmacies.

Troisième dans la course, Moderna n’en est pas encore à ce stade. La firme entend cependant toujours soumettre une demande d’approbation à la FDA pour son vaccin à ARN messager contre le RSV, également destiné à la même population de 60 ans et plus, au premier semestre 2023. Elle a annoncé des résultats positifs pour son essai clinique de phase 3 et la FDA lui a octroyé le processus de "désignation accéléré".

Les sociétés pharmaceutiques Janssen de Johnson & Johnson ont, elles, annoncé fin mars leur décision d’interrompre leur programme de vaccins adultes contre le RSV qui était déjà en phase 3 (programme EVERGREEN), estimant devoir se reconcentrer sur les médicaments présentant le plus grand bénéfice potentiel pour les patients.

Le RSV : chez les très jeunes, et les moins jeunes

Lorsqu’on parle du RSV, on pense généralement aux nourrissons et enfants en bas âge. La bronchiolite du nourrisson est fréquente chez eux ; l’infection par RSV est d’ailleurs la cause la plus fréquente d’infection respiratoire chez les nourrissons et les jeunes enfants. Il s’agit d’une inflammation des bronchioles pulmonaires (petites bronches) due le plus souvent à une infection virale par le RSV. Ce virus est très contagieux. Les symptômes se manifestent par un rhume, de la toux, une respiration rapide et sifflante, accompagnée ou non de fièvre. Il s’agit d’une épidémie saisonnière, qui en Belgique et dans l’hémisphère nord, sévit surtout entre début octobre et fin mars, avec des pics en hiver à la mi-décembre.

Mais l’autre population à risque, c’est celle des personnes âgées, surtout celles dont la résistance immunitaire est affaiblie, souffrant de problèmes pulmonaires ou cardiovasculaires. Au total, chaque année en Belgique, Sciensano rapporte 7000 cas d’infection par RSV diagnostiqués.

Une histoire made in BW

L’histoire du vaccin de GSK prend corps à Rixensart, en Brabant wallon. C’est dans l’unité "laboratoire" du groupe pharmaceutique qu’il a fallu identifier la protéine d’intérêt pour déclencher une réponse immunitaire contre le RSV : trouver l’antigène. Un vrai casse-tête.

Il a fallu d’abord passer par des déceptions. GSK avait en effet au départ 3 candidats vaccins contre le RSV :

- Un candidat vaccin pédiatrique (à vecteur viral) qui a été stoppé : le développement de la phase II a été interrompu "à la suite de l’évaluation de l’improbabilité d’atteindre le profil d’efficacité visé", comme le rapporte ce communiqué (page 5).

- Un candidat vaccin contre le RSV chez les femmes enceintes : l’essai a été arrêté en février 2022 suite à une recommandation d’un comité indépendant de surveillance des données.

- Enfin, le candidat vaccin pour les personnes plus âgées, qui a été approuvé en mai par la FDA et est vient d’être approuvé par la Commission. Les essais cliniques de la firme pour la population des 60 ans et plus ont été couronnés de succès.

25.000 personnes et 17 pays

Après des premières observations sur le modèle animal, puis une étude clinique de phase 1 sur un petit nombre de sujets, l’étude de phase 2 a permis de confirmer le profil immunologique et l’innocuité du produit, de définir la dose d’antigène et le type de formulation.

Ensuite, en 2021 et 2022, une grande étude de phase 3 a enrôlé plus de 25.000 personnes : la moitié des sujets ont reçu le vaccin, l’autre moitié, un placebo de contrôle. Après observation des résultats lors des pics d’infection saisonnière, cet essai multicentrique réalisé dans 17 pays a permis de démontrer une protection estimée à 83% pendant au moins six mois contre les maladies des voies respiratoires inférieures déclenchées par le RSV. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés étaient les maux de tête, la fatigue, les douleurs musculaires, les douleurs articulaires et les douleurs au site d’injection.

La découverte du NIH américain : une question de fusion

Pour mettre au point un vaccin cette fois efficace, à destination des 60 ans et plus, il a fallu comprendre la structure tridimensionnelle de l’antigène. Cela a été le fruit d’un long travail du NIH américain, pour "National Institutes of Health and Human Services" (l’agence de recherche médicale américaine) qui, dans les années 80, a identifié la protéine clé, baptisée "protéine de fusion F du RSV", celle qui aide le virus à infecter les cellules humaines.

Ensuite, dans les années 2000, ils ont identifié deux formes de cette protéine, qu’ils ont pu déterminer comme étant ses états avant la fusion ou après la fusion avec la cellule humaine. La véritable percée scientifique du NIH a été de découvrir qu’entre ces deux formes, c’était celle de "préfusion" qui permettait aux animaux vaccinés de développer une immunité plus puissante que ceux vaccinés avec la protéine F "postfusion". Ils ont alors pu trouver un moyen de stabiliser cette protéine F pour qu’elle reste dans l’état "efficace" de "préfusion".

Cette identification et méthode étant à disposition, grâce au NIH, GSK a pu se lancer dans la course.

Mais comment produire ce fameux antigène ? Pour cela, il faut d’abord des cellules. Ici, en l’occurrence, des cellules d’ovaires de hamsters chinois. Elles ont été génétiquement transformées pour qu’elles expriment la fameuse protéine F du RSV.

Mais attention, ce qui constitue le vaccin n’a rien d’un OGM. Seule la protéine sera le principe actif : la transformation génétique ne sert que de support de base, pour générer cette protéine.

Dans l’unité de production de Wavre, 130 personnes travaillent à produire l’antigène du RSV. Il faut accroître les cellules, qui vont exprimer l’antigène F, puis purifier le tout pour garder le seul agent "clé".

Un paramètre essentiel dans la fabrication est de congeler très rapidement le produit, ce qu’on appelle le "blast freezing", pour s’assurer que cette protéine reste stable, et puis le décongeler lorsque les excipients sont ajoutés.

Le vaccin de type recombinant contient également un adjuvant, une substance qui aide à renforcer la réponse immunitaire au vaccin. Il se présente sous forme de poudre et de suspension liquide, qu’il faut transformer en suspension injectable.

Pour un lot de production, ce processus prend environ 30 jours. Pour chaque lot, pas moins de 85 tests sont systématiquement réalisés.

Du début du processus à l’arrivée dans les centres de distribution, se déroule environ 1 an et demi. Les vaccins qui seront sans doute distribués prochainement ont été produits il y a 1 an.

Extrait du JT du 07/06/2023 :

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