Dans une vallée du bois communal d’Ohey, un ruisseau s’écoule paisiblement. Normalement, le long de ses berges devraient s’épanouir certains feuillus indigènes comme l’aulne glutineux qui adore l’eau. Mais le ruisseau serpente entre les épicéas. Sur une petite parcelle, les épicéas arrivés à maturité sont marqués d’un point rose. Ils vont bientôt être abattus et les résineux ne sont plus autorisés à moins de six mètres d’un cours d’eau (et plus en zone Natura 2000). "Il s’est alors posé la question de l’avenir" explique Sébastien Delaitte, chef de brigade au DNF. "En tant que gestionnaire de la parcelle communale boisée, nos missions sont de sauvegarder mais également d’améliorer la forêt". Le DNF envisage alors comme solution une forêt plus naturelle, endémique et résiliente.
La forêt alluviale, un écosystème menacé à l’échelle européenne
Dans les fonds de vallée forestière, le milieu le plus endémique et emblématique est la forêt alluviale. "C’est une forêt composée d’arbres bien de chez nous et qui est soumise aux crues et inondations, elle se situe dans le lit majeur du cours d’eau" détaille Sébastien Steyaert, chargé de projet LIFE BNIP chez Natagriwal. "C’est un milieu précieux car il joue un rôle important aussi bien dans la préservation de la qualité de l’eau qu’en termes d’accueil de la biodiversité. On peut citer le martin-pêcheur et la loutre comme animaux emblématiques de ce milieu. Les racines des feuillus indigènes renforcent également les berges des cours d’eau, diminuent l’érosion".
La forêt alluviale est un habitat menacé à l’échelle européenne, il est dit "prioritaire" et bénéficie donc de subsides pour sa restauration (2000€ l’hectare). Une des missions de l’asbl Natagriwal est de renseigner et d’accompagner les propriétaires (privés et publics) intéressés par la restauration d’une forêt alluviale sur leur parcelle. "On commence par une visite de terrain pour voir si l’endroit correspond et ce qu’on peut mettre en place".
Une parcelle de grand intérêt biologique
Dans le bois communal d’Ohey, la parcelle choisie, même si elle est de petite taille (seulement 36 ares) est un site de grand intérêt biologique. "On mène des projets sur de grandes surfaces mais aussi sur de petites surfaces. Ici, même si c’est un projet de petite taille, la parcelle est très intéressante, classée de grand intérêt biologique notamment par la présence de nombreuses sources".
Le projet de restauration sur cette parcelle consiste en l’exploitation des épicéas. "On les exploite toujours. Ils n’ont pas leur place dans une forêt alluviale. Ils acidifient l’eau, créent un ombrage permanent néfaste et leur réseau racinaire peu profond a plutôt tendance à déstabiliser le milieu dans lequel ils se trouvent" détaille Sébastien Steyaert de Natagriwal. "Ensuite, on va essentiellement laisser la nature reprendre ses droits, et au besoin lui donner un petit coup de pouce par la plantation de quelques chênes pédonculés, érables sycomore et aulnes glutineux".
La restauration d’une forêt alluviale prendra des dizaines d’années. Les propriétaires intéressés signent une convention avec Natagriwal. Elle permet d’obtenir des subsides mais est également accompagnée d’une série de contraintes. "Il y a notamment un renoncement d’exploitation intensive. La mise à blanc est interdite en forêt alluviale. C’est un milieu fragile. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut plus exploiter de bois, mais on va faire de l’extensif, se focaliser sur quelques arbres de grande qualité et les opérations de sylviculture seront effectuées sous le regard du DNF".
Pour la restauration de sa parcelle forestière de 36 ares, la commune d’Ohey touche un petit subside de 455.60€. "Evidemment tout subside est bon à prendre, mais pour la commune l’intérêt de ce projet est ailleurs" explique Rosette Kellen, échevine de la forêt à Ohey. "Ce qui nous intéresse c’est d’avoir une forêt diversifiée. Qu’on puisse valoriser notre milieu naturel, notre forêt. On est dans le Pays des Tiges et Chavées, c’est important".
Cette première restauration de forêt alluviale sur le territoire communal ne sera peut-être pas la dernière. "C’est une petite parcelle mais il faut bien commencer par quelque chose. Elle est idéale pour y restaurer une forêt alluviale, après, si on trouve d’autres parcelles qui peuvent convenir, on le fera". La commune réfléchit déjà à une deuxième parcelle située dans un autre bois.
En Wallonie, les projets de restauration de forêts alluviales sont actuellement peu nombreux. On peut par exemple citer deux projets privés de grande ampleur, l’un du côté de Philippeville, en province de Namur, et l’autre du côté de Forrières, en province de Luxembourg.
Vous pouvez retrouver le reportage radio ci-dessous, dans le journal de 06h30 de Namur matin du 15 mars 2022.