La Compagnie des Galeries, l’âge d’or du théâtre populaire de qualité

A l’entre-deux guerres, le Théâtre des Galeries, situé dans les Galeries St Hubert au cœur de Bruxelles, accueille uniquement des spectacles français. Ne jouent alors sur les planches que des vedettes françaises entourées de comédiens belges, choisis à la hâte comme simples faire-valoir.

A la libération, l’esprit change. Les autorités belges encouragent et soutiennent la création artistique nationale. Un élan qui se traduit au Théâtre des Galeries par la création d’une troupe, en 1953 : la Compagnie des Galeries, avec à sa tête Jean-Pierre Rey.  

Né à Bruxelles en 1927, Jean-Pierre Rey est diplômé du Conservatoire en 1948. Mais, allez comprendre, il déteste jouer la comédie… Il devient donc régisseur au Théâtre Molière, puis au Vaudeville, avant de créer en 1949, avec quelques comédiens, les Spectacles du Château de Beersel. Il y monte des pièces de Shakespeare et crée des spectacles historiques écrits par des auteurs belges. Aimé Declercq, le directeur du Théâtre des Galeries, est impressionné par le travail de Jean-Pierre Rey et l’engage, ainsi qu’une partie des comédiens de Beersel, pour former la Compagnie des Galeries.

Jean-Pierre Rey repère alors une jeune comédienne qui fait ses débuts au Rideau de Bruxelles. Elle a 19 ans, elle est originaire de Beloeil. Il l’attire à la Compagnie des Galeries puis l’épouse quelques années plus tard. Cette jeune femme s’appelle Christiane Lenain. Son premier rôle dramatique, elle le jouera dans la pièce Deux sur une balançoire, présentée au Galeries.

Les idées neuves et le talent d’organisateur de Jean-Pierre Rey apportent un souffle nouveau au théâtre dans la capitale : sa compagnie, qui joue sans relâche au Théâtre des Galeries mais aussi au Théâtre Molière près de la porte de Namur, propose une programmation soignée, variée et ouverte à tous. 

Grâce à cela, la Compagnie des Galeries connaît un succès retentissant dans les années 60 et 70. Les comédiens de la Compagnie, très talentueux, ne sont évidemment pas étrangers à cette réussite. Ils deviennent de grandes vedettes. A commencer par Christiane Lenain, véritable locomotive de la troupe et coqueluche du public. Elle s’impose dans les rôles comiques avec ses complices Serge Michel et Jean-Pierre Loriot. 

A côté de la programmation de répertoire, Jean-Pierre Rey n’hésite pas à jouer l’audace, à tenter quelques coups de poker. Il relance dès 1954 la fameuse revue, jouée traditionnellement en fin d’année. Une revue sensiblement différente de celles jouées actuellement. Il n’est pas question de parler politique !

Autre coup de génie, Rey sort des oubliettes deux pièces du répertoire bruxellois qui ont fait les beaux jours du théâtre populaire d’avant-guerre.

A commencer par Bossemans et Coppenolle, avec un second rôle particulièrement savoureux : Mme Chapeau. Dans l'enregistrement des années 60 au théâtre des Galeries, les rôles principaux sont tenus par Victor Guyaux et Marcel Roels.

Mais la pièce emblématique de la Compagnie des Galeries, celle qui a remporté tous les suffrages, est incontestablement Le Mariage de Melle Beulemans. Cette comédie bruxelloise écrite en 1910 par Fernand Wicheler et Frantz Fonson a été reprise de nombreuses fois par la Compagnie. Parmi les interprètes qui ont marqué la pièce de leur empreinte, il y a Christiane Lenain mais aussi, et surtout, Jacques Lippe dans le rôle de Monsieur Beulemans, un personnage qui le marquera à vie.

Le succès populaire de la pièce sera énorme, tant en Belgique qu'à l’étranger.

Le grand succès de la Compagnie des Galeries ne se limite pas à Bruxelles. La troupe est également très appréciée en province, comme on dit, grâce ici encore à une innovation de son directeur. 

Jean-Pierre Rey mise en effet beaucoup sur ce qu’il appelle la décentralisation de ses activités. Alors que la capitale se vide de ses habitants pendant les mois d’été, il lance ses comédiens sur les chemins de Flandre et de Wallonie, avec un programme bien chargé, comme par exemple en 1978. La Compagnie des Galeries vit alors une période faste.

La Compagnie des Galeries est aussi très célèbre auprès de ceux qui ne vont jamais au théâtre… grâce à la télévision. La RTB et les Galeries passent un accord qui permet à la télévision de service public de capter et retransmettre plusieurs pièces de théâtre par an.

A l’instar de ce qui se fait en France avec Au théâtre ce soir, la RTB diffuse à une heure de grande écoute certaines productions des Galeries dans l’émission Billet de Faveur. Parmi les succès d’audience, Feu la mère de Madame, un vaudeville signé Georges Feydeau et interprété par Christiane Lenain et Serge Michel.

En une douzaine d’années, à partir de 1987, la Compagnie des Galeries perd, un à un, ceux qui ont fait ses plus beaux jours. Serge Michel d’abord puis Jacques Lippe, Jean-Pierre Loriot et Christiane Lenain quittent la scène pour toujours. Et ça ne fait rire personne. Ces formidables comédiens ont brûlé les planches et, sans doute, aussi, un peu leur vie, en exerçant ce métier passionnant mais également très exigeant.

Jean-Pierre Rey, celui qui a su les diriger et mener cette compagnie vers d’innombrables succès, meurt peu de temps après, en 2002.

Quant au Théâtre des Galeries, il continue, saison après saison, à proposer des spectacles dans l’esprit de ceux qui ont été interprétés par cette troupe légendaire. 

Le Fantôme de la Radio est une émission écrite et réalisée par Eric Loze, avec le précieux concours de la SONUMA.

Les séquences et interviews sont extraites des émissions suivantes :

Plein Jeu avec Arlette Vincent
Zygomaticorama
Billets de Faveur
Les Carnets du temps présent
L’œil écoute
Point de Mire de Gérard Valet