L'atelier des muses

La compositrice tchécoslovaque Vitězslava Kaprálová, talent précoce adulé par Bohuslav Martinu

Au centre, Vitězslava Kaprálová. A droite, Bohuslav Martinu. Deux compositeurs tchécoslovaques incontournables, qui ont collaboré sur un pied d'égalité - chose rare pour l'époque.

© Courtesy of Wikipédia

Par Hélène Michel via

Hélène Michel nous présente la compositrice et cheffe d’orchestre tchécoslovaque Vitězslava Kaprálová, élève et muse du compositeur tchèque Bohuslav Martinu, musicienne d’exception et compositrice productive et talentueuse, partie bien trop tôt à l’âge de 25 ans.

Sluničko, "petit soleil" : c’est l’affectueux surnom que madame Kaprálová a donné à sa petite Vitězslava, qui a poussé son premier cri à Brno, le 24 janvier, 1915. Elle a vu le jour dans une famille de musiciens. Son père est un jeune compositeur qui a étudié avec Leoš Janáček et sa mère est professeur de chant. Autant dire que la petite, qui en plus était une enfant précoce, va recevoir une solide formation. De ses parents, tout d’abord, puis au conservatoire de sa ville où elle s’inscrit, contre l’avis de son père, qui était conscient de la difficulté pour une jeune femme de se faire une place dans un monde très masculin.

Elle y entre malgré tout, à l’âge de 15 ans, pour y étudier l’harmonie, le piano (elle joue Ravel), l’accompagnement, l’esthétique et l’histoire de la musique. Elle y poursuivra une double spécialisation en composition et en direction. Cela représente donc une solide base musicale pour son éducation, qui va encore être renforcée par ses études auprès du compositeur Vítězslav Novák et du chef d’orchestre Václav Talich au Conservatoire de Prague.

La voilà donc suffisamment armée pour s’installer à Paris, où elle poursuit ses études de direction avec Charles Munch à l’École normale de musique, tout en prenant des cours particuliers de composition avec le compositeur tchèque Bohuslav Martinu, dont elle deviendra la muse. C’est elle qui dirigera le Concerto pour clavecin de Martinu à Paris en 1938. Martinu lui donnait aussi ses nouvelles œuvres à étudier et à arranger, et il a lui-même corrigé les nouvelles pièces de la jeune musicienne. En 1947, Martinu se souvenait de leurs séances de travail en ces termes : "[elle] comprenait très vite, presque avant que je n’aie fini de lui faire part de mes arguments, mais elle ne les acceptait qu’après les avoir examinés de manière approfondie, reconnu que ces arguments étaient vraiment en phase avec ses idées et qu’ils étaient adaptés au problème qui la préoccupait".

Martinu avouera aussi plus tard que les notes critiques de Kaprálová lui avaient été utiles, et qu’ils s’instruisaient réciproquement. Un témoignage qui montre qu’il y avait un véritable rapport d’égal à égal, peu commun à l’époque, entre le compositeur et la compositrice. Martinu et Kaprálová ont été à deux doigts de se marier, malgré leurs 25 ans d’écart, mais l’union ne se fera pas. Viteslava rencontre l’écrivain Jiří Mucha, le fils du peintre Alfons Mucha, à Saint-Germain-des-Prés et l’épouse le 23 avril 1940, sans savoir qu’il ne lui reste que deux mois à vivre. Car depuis toujours la jeune femme est de santé fragile. Elle meurt le dimanche 16 juin 1940 à l’âge de 25 ans. La cause de son décès est inconnue malgré le diagnostic officiel de tuberculose.

Pendant sa trop courte vie Vitězslava Kaprálová a beaucoup composé. Une activité qui a débuté lorsqu’elle avait 9 ans. Malgré sa mort prématurée, elle nous a laissé un large corpus d’œuvres : environ une soixantaine de partitions. Il s’agit notamment de cycles de chants, de pièces pour instruments solistes, de mélodrames, de musique de chambre et de quelques pièces pour orchestre, comme la Vojenská symfonieta (Sinfonietta militaire), ou le Concertino incomplet pour violon, clarinette et orchestre op. 21. Aujourd’hui nous découvrons son concerto pour piano en ré mineur, composé à l’âge de 19 ans, dans un langage postromantique qui n’est pas sans rappeler celui de Rachmaninov.

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