Depuis 20 ans, épidémiologistes et médecins remarquent un nouveau mal étrange : une insuffisance rénale chronique qui touche les jeunes ouvriers des pays chauds. Le documentaire "Trop chaud pour travailler", questionne les conséquences du travail à haute température à l’heure du réchauffement climatique. Un film à découvrir jeudi 1er juin sur La Une à 22h35 et en replay sur Auvio.
"Ici on n’avait pas d’autre choix que de faire ce boulot. Et quand je voyais tous ces gens qui mourraient de cette maladie, je me disais qu’un jour ce serait mon tour." Nellson a 38 ans et souffre d’insuffisance rénale chronique. Depuis qu’il travaille pour l’entreprise San Antonio, premier exportateur de canne à sucre du Nicaragua, les reins de Nellson ne fonctionnent plus. Dans son village, cette pathologie étrange a déjà fait plus de 300 veuves.
"Mes frères sont malades, on a tous travaillé dans les cannes à sucre", continue Nellson. L’origine de l’épidémie est d’abord un mystère. Les insuffisances rénales sont habituellement causées par le diabète ou l’hypertension artérielle. Ces jeunes travailleurs agricoles ne correspondent pas au profil type. En raison de cela, la maladie sera d’ailleurs nommée "insuffisance rénale chronique d’origine non traditionnelle".
"Les gens disaient, c’est les pesticides, les toxines dans la Terre, la présence du volcan. Oui, bien sûr, un volcan qui n’affecterait que les hommes jeunes en âge de travailler."
Jason Glaser a voulu comprendre. En 2007, cet ancien journaliste fonde La Isla. L’association vise à analyser cette épidémie et à sensibiliser pouvoirs publics, entreprises et populations à ce mal. Le chercheur découvre que les conditions de travail sont responsables : "Ceux qui avaient le job le plus dur étaient ceux qui tombaient malades". Ces travailleurs sont en extérieur, sans protection du soleil, ni pause ou eau. Dès sept heures du matin, leur température corporelle est à plus de 38 degrés, un niveau dangereux. Ces facteurs provoquent des petits accidents répétés sur les reins qui, à force de survenir tous les jours pendant des années, déclenchent cette maladie incurable. Le mal touche de nombreux pays d’Amérique centrale, notamment les zones côtières, qui sont chaudes et humides. Il a d’ailleurs un surnom dans la zone : la "creatinina" (créatinine en français), comme le marqueur sanguin qui indique si le rein fonctionne ou non. En vingt ans, 20.000 et 40.000 personnes en seraient mortes mondialement selon La Isla.