Justice

La Défense licencie un militaire namurois sympathisant de l’extrême droite

Par Sébastien Georis

Le licenciement de B.R., sous-officier d’une cinquantaine d’années, est l’ultime étape d’une mise à l’écart progressive. L’homme que certains de ses collègues décrivent comme un soldat exécutant loyalement et efficacement les missions assignées par ses supérieurs portait la tenue militaire depuis la fin des années 80, jusqu’à sa suspension "par mesure d’ordre" en septembre dernier.

Quelques mois avant cette suspension, B.R. s’était déjà vu retirer son habilitation de sécurité de niveau "secret". La raison ? "Il ressort de l’enquête effectuée par le SGRS et de l’examen du dossier de l’intéressé qu’il ne présente plus les garanties suffisantes en matière de loyauté et d’intégrité", peut-on lire dans un arrêt du Conseil d’État.

Le SGRS (Service Général du Renseignement et de Sécurité) est le service de renseignement militaire. Depuis l’affaire Jürgen Conings, caporal aux idées extrémistes disparu après avoir volé des armes lourdes, le SGRS a renforcé sa vigilance.

Éléments incompatibles avec le statut de militaire

En juin 2022, le SGRS communique un dossier sur B.R. à la direction des ressources humaines de la Défense. Le sous-officier est alors affecté à la garde du 2e Wing tactique à la base aérienne de Florennes. Dans son rapport, le SGRS relève plusieurs éléments "qui peuvent être constitutifs d’infractions au regard des lois et règlements et/ou apparaissent incompatibles avec le statut de militaire". Il s’agit de consommation de stupéfiants, d’appartenance et de participation aux activités d’un groupe de hooligans, de faits de violence, ainsi que de l’expression d’une idéologie extrémiste de droite.

Le Soir et Knack avaient publié l’année dernière "le portrait inquiétant" du sous-officier wallon, arborant des symboles nazis et lié à des mouvements d’extrême droite. Dans une note du SGRS retraçant l’historique de ses contacts avec l’extrémisme de droite, dont la RTBF a pu prendre connaissance, les mouvements "Nation", "Agir" et "Front de la jeunesse" sont cités.

Extrémisme

Les informations collectées et analysées par le SGRS à propos des affinités de B.R. avec l’extrémisme de droite constituent la base d’une enquête menée par un juge d’instruction et par le parquet fédéral, du chef de "menaces d’attentats terroristes". L’enquête est toujours en cours. Il n’est pas certain qu’elle débouche sur un procès. À ce stade, les investigations n’auraient pas révélé l’intention d’un passage à l’acte guidé par une animosité envers les institutions belges.

Selon les informations de la RTBF, le nom de B.R. ne figure d’ailleurs pas dans la banque de données commune gérée par l’OCAM (Organe de coordination pour l’analyse de la menace). Cette banque de données (BDC) reprend les personnes avec des conceptions extrémistes qui ont une intention de recourir à la violence.

Le cas du militaire a été évalué ("pré-enquête" de l’OCAM) mais il est apparu que les critères pour une inscription dans la BDC n’étaient pas rencontrés. "Cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’est plus ou ne sera plus suivi dans le cadre de la stratégie contre le terrorisme et l’extrémisme", confie une source proche du dossier. Contacté, l’OCAM ne souhaite pas communiquer sur un cas spécifique.

Violence

Un second dossier judiciaire concerne actuellement le militaire. Celui-ci se trouve dans les mains du parquet de Namur. Il serait ici question de faits sans lien apparent avec l’extrémisme. L’instruction vient d’être clôturée par le magistrat instructeur. Le Parquet doit maintenant tracer ses réquisitions.

Concernant une supposée propension à la violence de B.R., le procureur du Roi de Dinant réalisait en 2008 une description peu flatteuse du personnage. À l’époque, le militaire contestait le retrait de cartes d’identification lui permettant d’exercer comme agent de gardiennage en activité professionnelle complémentaire. Selon le procureur du Roi de Dinant, cité dans un arrêt du conseil d’État, l’image que B.R. donne est "celle d’un individu dangereux, incapable de contrôler ses émotions et sa consommation d’alcool". Et le procureur concluait : "il ne me paraît absolument pas digne d’exercer la moindre fonction en rapport avec la sécurité de qui que ce soit".

Connu de la justice depuis au moins 15 ans

Contestant vivement le contenu des propos du procureur du Roi, le militaire et son avocate pointaient aussi le risque que ces propos amènent "son employeur […] à remettre en cause les missions confiées […] notamment à l’étranger, à revoir son appréciation quant aux compétences et au comportement du requérant voire même à réfléchir quant à l’appartenance du requérant à l’armée". C’était il y a 15 ans.

Ludivine Dedonder, ministre de la Défense : « il n’y a pas de place dans mon département pour les extrémistes, les sexistes et les racistes. »
Ludivine Dedonder, ministre de la Défense : « il n’y a pas de place dans mon département pour les extrémistes, les sexistes et les racistes. » © Belga

Aujourd’hui, B.R est licencié. Après avoir contesté devant différentes instances son retrait d’habilitation de sécurité ainsi que sa suspension, il contesterait à présent son éviction de l’armée. L’avocate qui accompagne le militaire pour les dossiers administratifs n’a pas confirmé avoir introduit un recours. Elle n’a pas donné suite à nos sollicitations, faisant transmettre le message selon lequel "elle ne répond jamais aux questions des journalistes".

Le cabinet de la ministre de la Défense ne souhaite pas s’exprimer à propos d’un dossier individuel. Plus largement, Ludivine Dedonder indique qu’elle s’est montrée "intransigeante à l’égard de militaires ou d’anciens militaires qui sont injurieux, racistes ou sexistes vis-à-vis de leurs collègues ou sur les réseaux sociaux".

"Il n’y a pas de place dans mon département pour les extrémistes, les sexistes et les racistes", rappelle la ministre qui souligne "qu’il s’agit d’un nombre absolument marginal de dossiers sur une population de près de 26.000 collaborateurs de la Défense, au comportement exemplaire".

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