Le coronavirus est partout, en tout cas dans toutes les conversations. Annulation de grands événements, mise en quarantaine, baisse de fréquentation des compagnies aériennes, le monde est en alerte. Car à l’heure de publier ces lignes, et en quelques semaines à peine, il a infecté plus de 92.000 personnes et a entraîné la mort de 3127 d’entre elles. Très majoritairement en Chine, mais aussi en Europe.
Épidémie de dengue
L’Amérique latine semble par contre épargnée par le Covid-19. De là à dire que tout va bien d’un point de vue sanitaire sur le sous-continent, c’est aller un pas trop loin. Car alors que l’Europe frémit face au coronavirus, l’Amérique latine fait, elle, face à la pire épidémie de dengue de son histoire.
Rien que dans cette partie du monde, plus de 3 millions de personnes ont été touchées par la "grippe tropicale" en 2019 et 1538 en sont décédées. La dengue touche majoritairement le Brésil (plus de 2 millions de cas), mais aussi le Honduras, le Nicaragua ou encore le Salvador. Et 2020 s’annonce pire que 2019.
En Asie aussi, la dengue fait des ravages, particulièrement aux Philippines, le pays le plus exposé du continent asiatique. L’an dernier, on y a décelé plus de 400.000 cas de dengue et 1000 décès liés à cette maladie. L’Indonésie n’est pas en reste, avec 110.000 cas en 2019.
La dengue touche chaque année environ 50 millions de personnes et en tue jusqu’à 20.000 par an. Et selon l’Institut Pasteur, deux milliards et demi de personnes vivent dans des zones à risque.
"Les statistiques sont abstraites pour nous"
La fièvre jaune tue jusqu’à 60.000 personnes par an ; le paludisme touche, lui, environ 500 millions de personnes chaque année et en tue environ un million par an.
Et pourtant, ces maladies-là ne font jamais la une des journaux. Comment l’expliquer ?
Pour Olivier Klein, professeur de psychologie sociale à l’ULB, c’est parce qu’on ne les considère pas comme des dangers proches, réels, contrairement au coronavirus. "Les gens ne sont pas sensibles aux statistiques et aux risques de mortalité. Elles sont extrêmement abstraites pour nous. Par exemple, ils prennent leur voiture alors qu’il y a bien plus de risques de faire un accident de voiture que de contracter le coronavirus", explique-t-il.
La puissance du coronavirus s’explique selon lui par l’incertitude qui entoure encore le Covid-19 mais aussi par sa proximité toujours plus grande. "Ce qui est concret, ce sont les récits individuels. Si une célébrité, ou quelqu’un qui vous ressemble ou que vous connaissez bien est allé en Lombardie et a contracté le coronavirus, même si cela concerne très peu de gens, cela va vous parler beaucoup plus que si l’on vous donne les statistiques du nombre de personnes infectées".
Le risque que l’un de vos proches contracte le paludisme, la fièvre jaune ou la dengue étant aujourd’hui quasiment nul en Europe, elles sont considérées comme des maladies lointaines et ne suscitent donc pas de craintes ou de mobilisation générale.
"On ne rattache pas d’expériences concrètes à ces maladies, ce sont des statistiques comme d’autres alors qu’on a l’impression que le coronavirus arrive chez nous", analyse Olivier Klein.