Derrière ce talent brut se cache une souffrance, que la pianiste a dévoilée dans sa biographie au titre évocateur Enfance interdite. Son père, Josef Slenczynski, violoniste au conservatoire de Varsovie en Pologne, décelant très vite le talent de sa jeune fille, œuvra pour faire de sa fille une grande pianiste, aux dépens de l’enfance de celle-ci.
Dès l’âge de trois ans, Ruth est obligée de pratiquer son instrument pendant neuf heures, quel que soit son état. Elle avait interdiction de côtoyer d’autres enfants ni de s’amuser, sa vie entière devait être tournée vers le piano. Dans ses mémoires, Ruth raconte le traitement violent que lui réservait son père si elle se rebellait : son père lui jetait alors des seaux d’eau glacée à la figure.
Un régime de travail frisant le surmenage et une pression constante auront raison de la jeune fille qui, à l’âge de 15 ans, ne peut plus se produire sur scène. Elle décide alors de tout arrêter, de se détacher de son père et de partir loin de lui. Elle fera des études de psychologie et décrochera son diplôme. Pourtant, la musique et le piano ne sont jamais loin d’elle et au début des années 1950, elle intègre l’orchestre de Boston et enregistre des albums, en parallèle de sa carrière de professeur.
Pour ses 90e de carrière et ce nouvel album, Ruth Slenczynska a sélectionné une série d’œuvres hautement symboliques pour elle. Un album qui raconte les moments forts de sa vie et de sa carrière, avec bien évidemment des pièces de Chopin, qu’elle adorait jouer en récital, mais également des pièces de Debussy, Grieg et Bach.