Diables Rouges

La diagonale de Manuel Jous : un peu d'orgueil, que diable !

© Virginie Lefour - Belga

Par Manuel Jous

15 novembre 2006. Dans un stade Roi Baudouin plongé en semi-léthargie, la Belgique s'incline 0-1 contre la Pologne, dans un mélange d'indifférence blasée et de coups de sifflets outrés. C'était l'époque où l'Union belge de football devait distribuer des invitations à tout va pour donner l'illusion d'une mobilisation populaire, l'époque où les maillots tricolores étaient revêtus par Carl Hoefkens, Karel Geraerts, Timmy Simons, Kevin Vandenbergh ou Stijn Huysegems... Sous la houlette du champion toutes catégories du cynisme (tant sur le terrain que dans le verbe) et des mathématiques à l'envers : René Vandereycken.

16 ans plus tard, on a vu rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux. Ressuscité des sensations qu'on croyait enfouies sous les scories du temps. Et la douleur était d'autant plus forte que les coups de sifflets et les huées entendus vendredi soir, sur le coup de 22h30, n'étaient pas adressés à des sans-grade, incapables de s'agripper à un rang trop élevé pour eux, mais bien aux membres émérites de la "génération dorée"...

Faillite physique (tous les Diables alignés étaient-ils réellement "fully fit" ?), faillite tactique ("On a remporté le match parce que on a remporté la bataille de l'entrejeu", a déclaré Louis Van Gaal), faillite mentale et motivationnelle... 

L'échec dans toute sa splendeur, avec son lot douloureux de piqûres historiques pour en souligner l'ampleur : première défaite à domicile depuis 2016 (Espagne 0-2), première défaite à domicile dans un match officiel à enjeu depuis 2010 (Allemagne 0-1), première défaite à domicile par trois buts d'écart depuis 2008 (Maroc 1-4)... N'en jetez plus, la coupe est pleine. 

Une simple préparation ?

Quelques jours de recul n'y changent rien, les mêmes questions demeurent et nous taraudent : existe-t-il une vraie solution satisfaisante en défense ? n'est-il pas temps d'essayer autre chose ? les titulaires d'hier doivent-ils nécessairement être ceux de demain (et même d'aujourd'hui) ? Que penser de la mentalité affichée ?

Cette dernière question n'est pas la moins importante. Le signal donné par la plus grande star de notre équipe, à savoir Kevin De Bruyne, a eu des répercussions insoupçonnées sur l'état d'esprit général. Quand le leader technique de l'équipe déclare qu'il vient avec des pieds de plomb, sans motivation, et que la saison est "beaucoup trop longue" (elle aurait certainement semblé plus courte si une phase finale de tournoi avait pris place en ce mois de juin...), comment imaginer que ses partenaires puissent adopter l'attitude inverse ? D'autant plus que, étonnamment, Roberto Martinez a ajouté son grain de sel. Lors des deux premières éditions de la Nations League, le sélectionneur n'a eu de cesse de vanter les mérites d'une nouvelle compétition qui allait forcément redonner du lustre aux moments creux de la saison, il n'a eu de cesse de mettre en avant la formidable opportunité supplémentaire de conquérir un trophée qui s'offrait soudainement aux Diables Rouges. Or, depuis le début de ce rassemblement, et même depuis l'annonce de sa sélection, Martinez n'assimile plus jamais la Nations League à une compétition en tant que telle, mais bien à une "préparation pour la Coupe du Monde" (qui se compte en nombre de jours passés ensemble). En rabaissant de la sorte une épreuve qu'il portait aux nues il y a peu (et dont la Belgique peut organiser la phase finale en cas de victoire dans son groupe !), le sélectionneur lui-même brouille le signal. Comme lors de son discours confus d'après-match où il s'est justifié en expliquant qu'il ne cherchait pas nécessairement la victoire contre les Pays-Bas (puis en se reprenant parce que "bien sûr, on voulait gagner"...).

Quand le sélectionneur et le meilleur joueur d'une équipe font comprendre qu'il y a plus important que le match (et la compétition) qui s'annoncent, les bases mêmes sont viciées...

Mais si une réaction d'orgueil, pour ne pas dire un vent de révolte, doit souffler ce soir contre la Pologne, il n'y a pas que la mentalité à revoir...

Quelle équipe pour affronter la Pologne ?

Sans surprise, Roberto Martinez a aligné sa meilleure équipe, ou du moins la plus attendue, contre les Pays-Bas. A l'exception de Hans Vanaken préféré à Youri Tielemans, on avait presque l'impression (rassurante dans un premier temps, beaucoup moins ensuite) d'avoir devant nous l'équipe-type qui pourrait entamer la Coupe du Monde...

Face à la Pologne, et pas seulement à cause du résultat, il y aura nécessairement du changement.

Malgré les 4 buts concédés, Simon Mignolet n'a pas été le plus mauvais Diable aligné (loin de là même). Il serait logique qu'il enchaîne le deuxième match dans les buts (avec peut-être une rotation à prévoir sur le banc où Matz Sels s'est assis vendredi. Koen Casteels est attendu ce mercredi soir).

Devant lui, reconduire le même trio défensif s'apparenterait à de l'entêtement et donnerait un très mauvais signal aux autres arrières du noyau. Aligner Arthur Theate à gauche du trio, faire redescendre Timothy Castagne à droite de ce même trio et placer Jan Vertonghen (voire Toby Alderweireld...) au centre nous semblerait une bonne solution. Si tant est qu'il puisse en exister une dans un secteur où l'on regrette l'expérience des "vieux" quand ils ne sont pas là, mais où l'on déplore leur lenteur quand ils sont alignés...

Ne serait-ce pas rendre service à tout le monde, vu les problèmes de mobilité constatés derrière, de passer à cette fameuse défense à 4, réclamée à cors et à cris par de nombreux observateurs depuis bien longtemps ? Certes, il faudrait du temps, du travail et de l'adaptation. Mais n'en faut-il pas également quand on évolue avec un "faux 9" plutôt qu'une vraie pointe ? Et puis, vu que la Nations League sert, selon le sélectionneur, à "préparer la Coupe du Monde", autant prendre le message au pied de la lettre et tester aussi des systèmes, pas juste des noms...

Bref, c'est peut-être la découverte de la ligne arrière que l'on attend avec le plus d'impatience dans la composition de ce soir. Brandon Mechele se tient prêt également, idem pour Leander Dendoncker. Sans parler d'un Wout Faes qui, en l'espace de trois convocations et autant de rassemblements, n'a pas encore disputé la moindre minute de jeu...

 

Avec Carrasco et Saelemaekers ?

Pour composer le pare-chocs devant la défense, Youri Tielemans sera inévitablement de la partie. Et on espère qu'il sera associé à Amadou Onana, la seule éclaircie dans la pénombre des Pays-Bas, qui mérite assurément d'être revu au coup d'envoi. Mais Roberto Martinez en aura-t-il l'audace ?

Sur les flancs, si Castagne recule et que Thomas Meunier souffle un peu (ce qui serait compréhensible vu son faible temps de jeu ces derniers mois), les solutions sont toutes trouvées. Yannick Carrasco doit (et mérite de) arpenter le flanc gauche, Alexis Saelemaekers le droit. 

Enfin, en attaque, l'absence de Romelu Lukaku doit profiter à Michy Batshuayi qui a encore soigné ses stats en équipe nationale pour atteindre le palindrome (24 buts en 42 matchs). Eden Hazard (qui doit continuer de jouer pour retrouver son niveau) et Kevin De Bruyne (qui doit une revanche au public) sont attendus pour le soutenir. Mais, histoire de mettre un peu de baume au coeur à tout le monde, on ne serait pas contre un zeste de Januzaj dans une mixture que l'on espère (nettement) moins indigeste que vendredi dernier...

Compo espérée : Mignolet - Theate, Vertonghen, Castagne - Carrasco, Tielemans, Onana, Saelemaekers - E.Hazard, De Bruyne, Batshuayi

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