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La Dracenie, sur les traces du dragon

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Par Dirk Vanoverbeke via

Après quelques heures de TGV Bruxelles-France, l’équipe de Grandeur Nature vous a fixé rendez-vous en Dracénie, dans le département du Var. Une agglomération de 23 communes, lovée au cœur du triangle d’Or Provence-Côte d’Azur et Verdon, à portée de main du massif des Maures.

L’appellation Dracénie dérive du nom des habitants de Draguigan, les Dracénois. Une région très injustement méconnue, dans l’ombre des plages voisines de la Méditerranée, alors que pas moins de 17 de ses villes et villages sont pourtant classés sous le label envié de communes touristiques.

Notre périple part de Trans, un charmant village provençal traversé par une rivière torrentielle – la Nartuby- qui a creusé des cascades spectaculaires et est enjambée par quatre ponts médiévaux. Frédéric Lanore, intarissable guide de l’Office de Tourisme de Draguignan, nous emmène vers la plus récente fierté de ses habitants : une passerelle himalayenne (70 mètres de long, 30 mètres de haut) est ouverte au public depuis mai 2021. Elle relie les deux rives de la Narturby et offre un panorama vertigineux sur les gorges profondes creusées par la rivière sauvage. Une rivière qui a assuré la prospérité de la petite cité, en actionnant les moulins pour moudre le blé et fabriquer l’huile d’olive qui a fait la richesse de la Dracénie.

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Francis Vauban : de la Wallonie picarde à la Dracénie

Francis Vauban, auteur-compositeur-interprète belge, a quitté Lessines et la région des Collines pour s’installer il y a quelques années en Dracénie et se consacrer à sa nouvelle passion : la photo. Dans les années’80, Francis Vauban enregistrait une série de 45 tours avec Victor Laszlo, Toots Tielemans, le Grand Jojo ou Frank Mickael.

Il a choisi de s’établir dans la région, dans le petit village de Vidauban, aux premiers contreforts boisés du massif des Maures. Adrien Joveneau l’a rencontré dans sa nouvelle terre d’adoption. " Si je devais vous parler de mes coups de cœur en Dracénie, une seule émission n’y suffirait pas. Je citerais Chateaudouble, un village " nid d’aigle " qui offre des vues impressionnantes sur les gorges. Ou mon village de Vidauban et sa base de loisirs, au bord du lac. Perché à 1100 mètres d’altitude, Bargème mérite aussi un petit détour : c’est le plus haut village du Var, dominé par les tours d’un château médiéval. Et puis, la Dracénie regorge de ressources naturelles. Allez vous promener à Lorgues et sa collégiale, en flânant dans son extraordinaire marché, classé parmi les plus beaux de France. Ne ratez pas la cité médiévale des Arcs sur Argens, sa cité médiévale et sa chapelle Ste-Roseline. Pour le photographe que je suis, ce sont des décors magnifiques, en toute saison. La verdure y est présente toute l’année. La lumière y est fantastique. Ce n’est pas par hasard que nombre de peintres s’installent ici pour la capter sur leurs toiles. "


 

« In vélo veritas » : Les vignes à vélo

Les amoureux de la petite Reine seront aux anges en Dracénie. " La Vigne à vélo " déroule un itinéraire d’une quarantaine de kilomètres composé de vélo routes et de voies vertes et traverse 11 des 23 communes de Dracénie, entre ceps de vigne et oliviers, au cœur d’une nature luxuriante. Il passe notamment par le vignoble du château Ste-Roseline, à proximité de la chapelle du même nom qui mérite une visite et offre un œnotourisme inédit. Autre avantage : ces voies vertes permettent de reporter le transport modal de la voiture vers une mobilité douce et d’inciter les habitants à les emprunter pour leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail.

Nicolas, un des responsables de " Wine and Bike " organise des randonnées à travers les domaines viticoles de la Dracénie. Et ils sont accessibles dès la sortie de la gare du TGV Bruxelles – Les Arcs sur Argens : " Le premier tronçon relie les Arcs à Draguignan. Le second vient de le prolonger jusqu’à Chateaudouble. On peut, au détour d’un virage, admirer le rocher de Roquebrune ou le Massif des Maures. Le parcours nous emmène dans des forêts et longe une dizaine de domaines viticoles. On croise les paysans qui travaillent la vigne. Et puis, on peut déguster le vin dans chaque domaine traversé, grignoter les produits locaux et rencontrer un paysan qui vous expliquera les mystères des cépages et la manière de travailler la vigne. Un cocktail de sport, de nature, de culture et de découverte du vin ! "

In vino, vertit’art : La culture au pied des ceps

L’itinéraire de " La Vigne à Vélo " croise le domaine Sainte-Roseline, un cru classé de l’appellation Côtes de Provence. Et là, derrière la superbe bâtisse du domaine, on découvre la chapelle du même nom, édifiée au Xe siècle. Roseline est une enfant du pays, née en 1263. C’est la fille d’Arnaud de Villeneuve, le seigneur des Arcs. La tour sarrasine qui surplombe le village est un des vestiges du château qui l’a vu naître et grandir. Sa vie fut ponctuée de prodiges et de miracles. Enfant, elle se cachait de son père pour donner à manger aux pauvres qui la sollicitaient. Elle devient prieure du couvent des Chartreux. Et 700 ans plus tard, elle conserve encore de fervents admirateurs. Son corps repose dans une châsse en cristal de la chapelle, momifié. Classée monument historique en 1980, la chapelle abrite un retable en bois doré à colonnes torsadées représentant une " Nativité " et conserve plusieurs œuvres d’art contemporaines, dont des vitraux de Raoul Ubac et de Jean Bazaine, un pupitre réalisé par Diego Giacometti et une mosaïque monumentale de Chagall, " Le repas des Anges ".

Après cette parenthèse culturelle, l’équipe de "Grandeur Nature" a planifié une rencontre avec Julie Vissac, chargée de mission Natura 2000. Elle l’emmène sur les hauteurs de Taradeau : " On compte huit sites Natura 2000 sur le territoire de la Dracénie et la réserve naturelle de la plaine des Maures qui bénéficie d’un statut de protection très élevé. Cela fait beaucoup de belles pépites sur un territoire qui couvre moins d’un millier de km2. On y retrouve des paysages qui ressemblent à la savane. Il y a deux socles géologiques différents en Provence : la Provence cristalline au Sud et la Provence calcaire, celle que l’on foule. Ici, on va retrouver du romarin et des espèces typiques du massif méditerranéen et du maquis provençal : le romarin et, plus haut, des chênes verts, des oliviers, des figuiers, des cistes et des pins. Tous ces sites abritent beaucoup de faune sauvage et protégée, comme les tortues d’Hermann, une espèce emblématique, la dernière tortue terrestre qui a trouvé refuge en France et qui est en voie d’extinction. "

Hélène, notre journaliste et Julie Vissac, chargée de mission Natura 2000…
Hélène, notre journaliste et Julie Vissac, chargée de mission Natura 2000… © Lex

L’oppidum de nos ancêtres les Gaulois

Nous avons atteint les hauteurs de Taradeau et son sommet, le Taradel qui abrite, à 250 mètres d’altitude, un oppidum et les vestiges d’un village gaulois.

L’équipe d’Adrien Joveneau y a pris rendez-vous avec Xavier Crest, président de l’association " Tarad’Oppidum ". " Le site surplombe la vallée du fleuve Argens qui se jette un peu plus loin dans la Méditerranée. Il permettait à ses habitants gaulois du premier siècle avant notre ère, de surveiller à 360° toute cette vallée qui était un passage obligé entre l’Italie et toute la vallée du Rhône, reliés par la voie Aurélienne. Jusqu’en 1969, il n’y avait pas grand’monde qui s’intéressait à cet oppidum ou en connaissait même l’existence. Il a fallu un terrible incendie cette année-là pour que ce village fortifié construit au Ier siècle avant notre ère ne voie le jour. Un groupe d’archéologues y ont entrepris des fouilles en constatant que les murs de cet oppidum étaient les mieux conservés de tous les autres villages fortifiés de la région. Mais c’est en 2015 que s’est créés cette association de bénévoles pour défricher complètement le site et en faire un lieu d’intérêt scientifique et historique et une étape à conseiller pour tous les randonneurs. "

Xavier précise les activités de son association : " Nous sommes en train de réaliser une calade, un terme provençal pour désigner une rue en pierre sous forme d’escaliers très larges mais aux marches basses. On parle aussi de chemin pavé au pas-d’âne pour lui permettre de mettre ses quatre pattes sur la même marche. Cette rue permettra de relier les ruines du village médiéval à la tour. Et elle est construite à la mode médiévale : avec les pierres récupérées sur place, du sable et de la chaux. Tous nos bénévoles y travaillent chaque samedi matin. Je leur ai transmis ma passion ! "

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Le gin, le genévrier et la poulpe bleue

L’équipe de " Grandeur Nature " quitte l’oppidum pour le château de Saint Martin qui peut lui aussi s’enorgueillir d’un passé sans doute moins long que celui des premiers habitants du village fortifié, mais il ne s’en faut que de quelques siècles. Après l’époque mérovingienne – entre le Ve et le 8e siècle, entre l’avènement de Clovis et celui de Pépin le Bref- cette période qui allait propulser l’humanité dans le Moyen Age – des moines vinrent s’établir ici pour y créer un prieuré viticole. En 1740, l’antique prieuré des moines fut racheté par le Marquis de Villeneuve Bargemon, qui fit construire le Château pour l’offrir en dot pour le mariage de sa fille Marie-Anne avec le Comte de Juigné. Depuis, le Château s’est presque toujours transmis de Comtesse en Comtesse, à l’exception du Comte de Rohan Chabot, grande figure du monde viticole et grand père de la propriétaire actuelle Adeline de Barry qui représente la 11e génération de la famille.

" J’ai la chance d’avoir des enfants qui, je l’espère, représenteront la suivante et s’occuperont du domaine. Nous produisons des vins blancs, rosés et rouge d’appellation Côte de Provence. Nous avons racheté, fin 2017, la liquoristerie de Provence, une belle entreprise artisanale que nous avons redéployée, en retrouvant des recettes du passé, à base de macération et d’infusions de plantes. La Nature y joue un rôle fondamental. Nous réalisons de l’agriculture dite de " régénération ", avec un label de haute valeur environnementale. Mais nous voulons aller plus loin en utilisant des probiotiques pour aider la vigne à se défendre contre les maladies et en faisant appel à une myriade d’huiles essentielles. Ici, nous nous trouvons dans un parc à l’anglaise dessiné par la première propriétaire du Château qui, à l’époque, avait planté 200 espèces d’arbres différentes. Nos vignes sont entourées de bois, qui regorge d’une variété très riche de faune et de flore. La liquoristerie a encore raffermi cette cohérence puisque les liquoreux sont fabriqués à base de plantes. Comme notre gin " Poulpe Bleue " réalisé avec 51% de baies de genévrier que nous avons voulu sublimer par un accent méditerranéen, en ajoutant de la racine d’iris, de la rose, de la criste-marine, de la menthe, de la coriandre. Si nous l’avons baptisé " le Poulpe Bleu ", c’est parce qu’on a recherché des animaux qui avaient un lien avec leur pays d’origine et en rapport avec la Provence. Le gin a été découvert par les marins anglais. On a donc recherché un animal qui faisait la jonction entre ces marins et notre terre de Provence. D’où le nom de poulpe. Et bleu, parce que dans les contes et légendes de Provence, ce poulpe venait de la mer et en sortait la nuit dans les calanques pour manger des botaniques. "

Comment goûter la Provence à travers ses liqueurs ? " Toutes nos liqueurs sentent la Provence. J’ai un faible pour le pastis bleu et l’absinthe qui, en dépit de sa réputation sulfureuse bâtie sur des consommateurs qui abusaient d’une absinthe de mauvaise qualité et, surtout, en buvaient en fumant de l’opium, est un anti-inflammatoire très efficace et un bienfait pour la digestion. La liquoristerie de Provence a été la première à la réintroduire après la levée de l’interdiction. Et j’en suis fan : c’est une plante qui soigne et dégage des pointes d’anis et le côté amer de la grande absinthe. Typiquement provençal, il y a la liqueur de thym, de lavande, de figue… " On ne se lasse pas, au cours de notre promenade dans le jardin des plantes, de découvrir toutes leurs vertus : la fleur de sureau, celle qui sucre les liqueurs, le basilic qui booste l’appétit et est hautement recommandé aux personnes souffrant d’anorexie ou encore la réglisse, dont les bâtons macérés sont bienfaisants pour le cœur.

Archer, arbalétrier et passionné de nature

Mais le prochain rendez-vous nous attend. Il est fixé au Fort du Dragon, à Draguignan, la cité de cet animal fantastique, omniprésent dans les sculptures, les bas-reliefs, les mosaïques et les trompe-l’œil de la ville. Face à nous, les bras croisés, Patrick Adlof nous toise, le regard froid, coiffé d’un chapeau en feutre et vêtu d’une cotte de mailles et tenant un arc à la main. Capitaine des archers de France, arbalétrier, conservateur bénévole de la société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan, président-fondateur de l’association " Dragon Passion " Patrick est un mordu de l’histoire médiévale, celle du XIIIe siècle en particulier, à l’époque des Templiers. " J’adore voyager dans d’autres époques, mais je suis surtout un Dracénois, qui vit à 20 minutes de la Méditerranée, à trois quarts d’heure des stations de ski, et dans une région magnifique, chargée d’histoire et lovée dans une merveilleuse nature. " Place au cours pratique de tir à l’arc. Face aux membres de l’équipe de " Grandeur Nature ", équipés d’un arc et de quatre flèches, un sanglier en carton-pâte : " Allez, nous devons faire ripaille. Abattez-le en visant le cœur de l’animal. Armez. Tirez. Vous devez savoir qu’un archer peut tirer entre dix et douze flèches à la minute. L’arbalétrier, lui, ne peut tirer, qu’un, voire deux carreaux – le projectile tiré par cette arme – à la minute. Les techniques sont très différentes. "

L’équipe est prête pour son initiation !
3,2,1 – tirez !

Patrick est aussi un hyperactif. Il a profité du confinement sanitaire pendant lequel ses fêtes médiévales et ses initiations au tir à l’arc et à l’arbalète étaient interdites pour construire une immense forteresse : " C’est une forteresse de défense, construite au pied d’un éperon rocheux, d’une falaise menant au château du Dragon. Ici, c’est une avant-garde, avec une taverne, une arbalétrerie, une salle d’armes. Je forme des chasseurs à l’arc mais je n’ai jamais ôté la vie d’un animal. Je vis une partie de mon temps dans la forteresse et la faune est présente autour de moi. Je ne pourrais pas être chasseur. Je préfère les observer, les admirer. La Nature, il faut la préserver. Elle est si belle. "

Pour écouter cette émission qui vous fera voyager dans le temps, rendez-vous sur RTBF Auvio et sur Apple Podcast !

Alex, notre preneur de son, se prête au jeu !
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