Sophie Creuz nous parle d’un roman autour de Stradivarius, écrit par Cyril Gely et qui s’intitule "La forêt aux violons".
Quel est donc le mystère des Stradivarius ?
Personne n’a vraiment réussi à élucider le secret de leur perfection. Est-ce la qualité du bois, ou est-ce le génie du luthier italien ? L’excellence acoustique vient-elle des colles et vernis ou des justes proportions de l’instrument ? Calculs et scanners, études biochimiques et accélérateurs d’électrons n’ont pas permis de déterminer la raison de cette fabrication d’exception. Cyril Gely avance, lui, une hypothèse toute personnelle.
Cyril Gely s’est fait une spécialité de sortir de l’ombre les oubliés, ceux qui se tiennent à côté des grandes figures mais que l’histoire a poussés hors cadre.
Son excellent roman précédent, "Le Prix" réhabilitait l’importance de la physicienne Lise Meitner, éclipsée par Otto Hahn avec lequel elle avait pourtant travaillé trente ans, et qui reçut seul le prix Nobel. Avant cela, il s’est fait remarquer au théâtre et au cinéma en écrivant "Diplomatie", pour André Dussolier et Niels Arestrup et "Chocolat" interprété par Omar Sy, qui redonnait vie à un clown noir passé à la trappe de la postérité.
Réhabiliter la source du génie de Stradivarius
Et ce pourrait bien être l’amour, qui en tout cas l’a conservé jusqu’à l’âge – canonique pour le XVIIe siècle – de 93 ans, et lui donna onze enfants. Enfin, deux épouses les lui donnèrent, et elles trouvent ici leur place entre la cuisine, la chambre à coucher et la terrasse où séchaient cordes et boyaux des fameux instruments.
À partir des quelques éléments connus de la biographie du maître, dont on sait peu de choses, Cyril Gely écrit une fantaisie, une rêverie, une fable sensuelle qui nous emporte dans les forêts d’épicéa où Stradivarius aurait choisi avec soin le bois des violons à naître.
Pendant dix ans, il se rend, à pied depuis Crémone jusqu’aux montagnes roses du Trentin à la frontière avec l’Autriche, choisir des arbres qui ont bénéficié de la mini-période glaciaire que connu l’Europe à peu près à cette époque, qui a ralenti leur croissance et leur a donné une densité particulière. Est-ce donc cela le secret des Stradivarius ? Vous le saurez en lisant le livre.
Le retour de Sophie Creuz
J’ai lu ce livre sans déplaisir mais cela ne m’a pas transporté, je dois bien l’admettre, on devine que l’auteur a voulu composer avec mesure et harmonie, fignoler ses accords et que le nombre d’or lui a inspiré cette variation. Ce nombre d’or, aux divines proportions aurait guidé la main de Stradivarius dans le dessin. Un allongement du corps du violon, et des hanches rondes qui sont peut-être d’ailleurs beaucoup moins divines qui n’y paraît.
C’est une femme silencieuse mais éloquente qui inspire Cyril Gely, qui ne perçoit même pas la gentille misogynie de cette image. Car ce n’est pas la déesse Callipyge, bien entendu, mais le canon de la beauté occidentale qui transparaît entre les lignes. Une perfection naturelle innée, à l’insu de son modèle.
A la suite de ce roman je me suis plongée dans le livre de référence sur le nombre d’or, de Matila Ghyka, salué par Paul Valéry. Et on y lit ceci qui fait écho au roman de Cyril Gely : "des analogies musicales se trouvent dans le caractère même d’un être, parfois à part de son intelligence proprement dite : une personne pourra être harmonieuse sans être intelligente. Chez telle femme par exemple, l’harmonie intuitive ou acquise, composée de tact d’une part, d’une parfaite adaptation de son allure à son physique de l’autre, sera parfois la suprême intelligence".
Le tact à moins que ce ne soit ma suprême intelligence me suggère un silence éloquent et de ne point en rajouter…
