Economie

La fragilité du Credit Suisse fait trembler les bourses européennes et inquiète ses clients

Temps de lecture
Par J-Fr. Noulet, avec B. Hupin, Belga et AFP

L’action du Crédit Suisse était en chute libre ce mercredi, alors que la direction de la banque ne parvenait pas à rassurer les investisseurs. Le Crédit Suisse est perçu comme le maillon faible du secteur bancaire en Suisse. Dans son sillage, le Crédit Suisse a entraîné la plupart des valeurs bancaires européennes. L’euro a aussi reculé d’1,71% face au dollar à la mi-journée.

Le Crédit Suisse en chute libre

Au cours de la journée, l’action du Crédit suisse a perdu jusqu’à 30% pour toucher un nouveau plancher historique à 1,55 francs suisses. La banque est dans la tourmente depuis plusieurs mois. Son patron, Axel Lehman ne parvient plus à rassurer les marchés. Il ne peut même plus compter sur le premier actionnaire de la banque suisse, la Saudi National Bank, qui ne compte plus investir dans la banque.

Les problèmes de Crédit suisse ont commencé dans ses activités de " banque d’investissement ". "Crédit suisse a fait, malheureusement, des placements qui se sont avérés mauvais, notamment au niveau des hedge funds, en particulier le fond Archegos qui a fait une faillite retentissante", explique Georges Hübner, professeur de finances à HEC Liège. Crédit Suisse "s’est pris une ardoise de 5.5 milliards de dollars, ce qui est assez important", rappelle Georges Hübner.

Cette faillite a eu un impact sur les investisseurs, mais aussi sur les clients. "Dans leur activité gestion de patrimoine, Crédit Suisse a vu pas mal de ses clients déserter par manque de confiance", explique Georges Hübner. Et la banque de voir ses pertes opérationnelles se creuser. "Les coûts étaient restés, alors que les revenus ne suivaient pas", poursuit le professeur de finances.

Alors que 2022 a été une plutôt bonne année pour le secteur bancaire, cela n’a pas été le cas pour Crédit Suisse. "Ils ont fait une perte de 7 milliards de francs suisses sur l’année 2022",

Cette perte était connue depuis environ un mois. La chute de Crédit Suisse s’est à présent accélérée pour plusieurs raisons. D’abord parce que le premier actionnaire, la Saudi National Bank, ne veut plus remettre de l’argent dans le pot. Ensuite après la publication du rapport annuel où le Crédit Suisse mentionnait avoir identifié des déficiences en matière de contrôle interne. Ce contrôle interne est nécessaire pour garantir la fiabilité des informations communiquées aux investisseurs et qui ont trait à la santé de la banque, "des mentions qu’on n’a pas l’habitude de lire", relève Georges Hübner, et qui ont inquiété les marchés boursiers.

Ces informations, alors que les marchés boursiers sont déjà sur le qui-vive après la faillite de deux banques aux Etats-Unis, ont jeté un froid. "Ce flou auquel s’ajoute le refus de son principal actionnaire de continuer à aider la banque a fait en sorte que le focus a été mis sur Crédit Suisse et a entraîné tout le secteur bancaire européen au niveau boursier dans son sillage", analyse Georges Hübner.

Les banques européennes sont-elles en danger ?

"Au niveau des activités du secteur bancaire européen, il n’y a rien à signaler, rien à déclarer", rassure Georges Hübner. La turbulence concerne les marchés boursiers, le cours des actions des banques européennes, pas la nature de leurs activités, ni leur santé financière.

Selon Georges Hübner, les fondamentaux des banques européennes sont bons. Elles "ont publié des comptes qui sont excellents et elles ont des perspectives assez favorables pour les années futures". La faillite des deux banques américaines, SVB et Signature Bank, ne concerne pas les banques européennes, rassure-t-on en Europe.

La méfiance dont souffre aujourd’hui Crédit Suisse ne devrait pas s’étendre aux autres banques européennes non plus. "Est-ce qu’il y aura un effet de contagion ? […] Je ne le pense sincèrement pas", insiste Georges Hübner. Pour lui, les problèmes de Crédit Suisse étaient "connus depuis longtemps" sans que cela n’ait d’impact sur les autres banques européennes. Aujourd’hui, ce serait donc plus la panique de grands investisseurs qui aurait conduit ceux-ci à revendre aussi les actions d’autres banques que Crédit Suisse.

Quant aux banques européennes, y compris les banques belges, même si le cours des actions a chuté en bourse aujourd’hui, pour Georges Hübner, il n’y a pas à s’inquiéter. " Cette perte en bourse ne représente absolument pas un danger pour eux (les actionnaires, ndlr). Il s’agit d’un problème circonscrit", estime-t-il. Les banques européennes "ont très peu d’exposition sur les deux banques qui ont fait faillite aux Etats-Unis avant le week-end", précise Georges Hübner. Par ailleurs, en bourse, les valeurs bancaires européennes ont progressé depuis le début de l’année. Aujourd’hui, "on se retrouve quelques semaines en arrière au niveau boursier, il n’y a pas de panique particulière à avoir", tempère Georges Hübner qui se réfère au discours rassurant des banques sur leur santé financière. "Elles nous disent toutes que les choses vont bien pour nous, qu’on ne voit pas de crise du crédit. Les banques sont plutôt sereines", explique Georges Hübner pour qui il n’y a pas de raison qu’elles ne soient plus aussi sereines demain. Et de rappeler aussi que depuis la crise financière de 2008, le secteur bancaire européen est beaucoup plus contrôlé et que ce secteur est plus solide.

On ne peut malgré tout pas laisser plonger Crédit Suisse

Il faudra malgré tout sauver le soldat "Crédit Suisse" car il ne s’agit pas de n’importe quelle banque. C’est ce qu’on appelle une banque systémique, une banque qui a des activités dans quasi tous les domaines du secteur bancaire, avec des succursales dans le monde entier.

Une banque systémique, à cause de son poids et de ses nombreuses connexions avec d’autres acteurs, y compris dans le secteur bancaire, est dite "too big to fail", trop grosse pour tomber. Il faudra donc l’aider. Une banque systémique qui tomberait serait un maillon faible qui pourrait en entraîner d’autres dans sa chute.

Tous les regards se tournent vers les autorités suisses. La première ministre française a d’ailleurs déjà exhorté la Suisse à empêcher la chute de Crédit Suisse. "C’est un groupe bancaire incontournable. On ne peut pas le laisser s’enliser dans une crise qui amènerait à l’irréparable", avertit Georges Hübner.

Au niveau européen, par précaution, la Banque centrale européenne (BCE) a demandé aux banques de la zone euro de détailler leur exposition à Crédit Suisse. C’est ce qu’indique The Wall Street Journal sur base de sources proches du dossier.

Jeudi, la BCE se réunira pour se pencher sur le cas "Crédit Suisse" et ses éventuelles conséquences pour le secteur financier européen.

Le crédit suisse fait trembler les bourses et les clients (B. Hupin, LP 15/03/23)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous